A l’instar de nombreux acteurs non gouvernementaux de la coopération au développement, Solidarité Socialiste n’a pas participé aux « Assises » de la coopération au développement du ministre Michel. En effet, à l’heure de clôturer le programme quinquennal finissant et de mettre en place les nouveaux programmes 2008-2010, dans des conditions extrêmement difficiles puisque le versement des premiers subsides sont annoncés avec plusieurs mois de retard, les priorités étaient autres.
Solidarité Socialiste regrette l’improvisation avec laquelle cette initiative a été concrétisée et l’absence de concertation dans sa préparation avec les différentes parties prenantes du secteur -ce qui ôte tout sens au terme d’assises -, alors qu’elle portait sur des questions importantes pour le futur de la coopération au développement, parmi lesquelles l’efficacité de l’aide au développement et la nécessaire coordination entre ses acteurs. De tels enjeux auraient mérité un large processus de consultation et de réflexion collective.
La question de l’efficacité de l’aide doit être analysée dans le cadre plus global de la réduction des inégalités de développement entre et au sein des sociétés humaines. Il ne peut pas y avoir de coopération efficace au développement sans régulation des relations internationales, en particulier en ce qui concerne les règles commerciales.
Dans ce sens Solidarité Socialiste appelle le Gouvernement belge à défendre des politiques cohérentes à tous les niveaux des institutions internationales en faveur d’un développement juste et durable, visant entre autres la mise en place :
De règles commerciales préférentielles permettant le développement des économies locales et régionales, en priorité pour les pays ACP (Accord de coppération Afrique-Caraïbe-Pacifique).
D’un système de garantie des prix des matières premières et de lutte contre le pillage des ressources naturelles.
De politiques de soutien à l’agriculture paysanne et aux cultures vivrières, au détriment d’un modèle agro-industriel tourné vers l’exportation et responsable de la paupérisation du monde rural et qui concoure à l’actuelle crise alimentaire mondiale.
D’outils contre les pratiques spéculatives sur les matières premières agricoles et énergétiques qui constituent également l’une des causes de la crise alimentaire.
De l’obligation et du contrôle du respect des normes sociales fondamentales de l’Organisation international du travail (liberté d’association, abolition du travail forcé, non discrimination, élimination du travail des enfants) et des normes environnementales de Kyoto.
De nouveaux moyens pour le financement d’un développement axé sur la réduction des inégalités en particulier dans l’accès aux droits économiques, sociaux et culturels.
Solidarité Socialiste plaide pour une complémentarité accrue entre la coopération publique et celle mise en œuvre par les acteurs de la société civile. Acteurs des coopérations directes et indirectes ont des rôles et apportent une plus value distincts. Ils doivent se concerter de façon à recherche les complémentarités là où ils interviennent avec tous les acteurs présents et non pas seulement au plan belge. La concertation et les complémentarités doivent se réaliser en priorité au niveau des pays partenaires.
La coopération d’Etat à Etat doit renforcer les capacités des Etats et des gouvernements à mettre en œuvre des politiques de service public justes et durables en matière d’infrastructures, de santé, d’éducation, de justice, d’énergie etc., dans un contexte de démocratie politique et sociale – avec un rôle renforcé de contrôle des parlements nationaux pour une plus grande transparence dans la gestion des fonds publics et le respect du droit. Les politiques de concentration géographique et sectorielle doivent être attentives à promouvoir des dynamiques sous-régionales et internationales. Elles doivent se définir en concertation avec tous les acteurs, à commencer par les pays partenaires et indépendamment de toutes considération d’intérêts commerciaux, de gestion des flux migratoires ou de politique étrangère de la Belgique. Dans ce sens le principe de l’aide déliée doit être confirmé avec force.
La coopération entre organisations de la société civile -mouvements sociaux, associations, groupements, syndicats, mutuelles, ONG- vise à renforcer les capacités et la structuration de ces mêmes acteurs -aux plans local et international- dans leur combat pour les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Elle participe de ce fait à l’approfondissement de la démocratie politique, sociale et économique dans les différents pays comme dans les relations internationales. Les acteurs indirects tiennent compte des politiques gouvernementales mais jouent un rôle critique par rapport à celles-ci, à leur conception, à leur implémentation et à leur évaluation. La dimension de travail en réseaux, la construction d’analyse, de positions et de stratégies d’action communes comme le partage d’expériences au niveau international sont cruciaux dans le renforcement des capacités et de l’efficacité de leur action. Cela doit être pris en considération quand on parle de la concentration géographique et sectorielle pour les acteurs indirects qui ne peut pas être alignée mécaniquement sur les choix du bilatéral direct.
Permettre aux pays du Sud de se développer implique aussi des changements d’attitudes, de mentalités, de modèle de société au Nord. C’est d’abord à travers ce prisme que doit s’exprimer la solidarité internationale. Rappelons que des dizaines d’ONG essaient de développer un travail d’information, de mobilisation et d’éducation au développement à travers leurs réseaux citoyens en Belgique et que pour ce faire elles ont parfois du mal à réunir les moyens nécessaires. Solidarité Socialiste estime que ces expériences doivent être absolument valorisées si l’on veut “rendre la coopération aux citoyens”, dans une perspective de conscience critique et politique - que pouvons nous faire ici pour changer les choses ? - autre que celle de démarches certes bien intentionnées mais trop souvent caritatives et paternalistes.
Le ministre Michel a annoncé son intention de « moderniser » la loi sur la coopération au développement. S’il veut concrétiser cet objectif avec pertinence et efficacité, Solidarité Socialiste appelle le ministre à ouvrir un débat le plus large possible et une concertation réelle et approfondie avec tous les acteurs du secteur.
Image de Michael Pfleghaar