19 janvier 2006

Des poulets congélés au Cameroun ?

Des milliers de fermiers et de militants anti-mondialisation venus d’Afrique et d’Europe se sont retrouvés mardi à Yaoundé, la capitale camerounaise, pour exiger la fin des importations des poulets congelés qui, selon les fermiers et les consommateurs, menacent la santé des camerounais et leurs revenus.

Près de six mille personnes s’étaient réunies pour manifester devant les bureaux de l’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs, ACDIC, après que les autorités aient, à la dernière minute, interdit toute manifestation dans le centre ville.

Les manifestants arboraient des banderoles sur lesquelles ont pouvait lire « Les poulets congelés, une catastrophe pour les producteurs camerounais » et « Importer ce que nous produisons ? Quel crime pour notre économie locale ! ».

L’importation de poulets congelés était l’un des nombreux griefs évoqués par les pays africains lors de la conférence de l’Organisation mondiale du commerce qui s’est tenue le mois dernier à Honk Kong, et où les pays en développement ont à plusieurs reprises critiqué les subventions agricoles et les autres politiques commerciales qui, selon eux, favorisent les industrialisés au détriment des pays pauvres.

Dans le secteur de l’importation des poulets congelés, l’action des fermiers camerounais a connu quelques succès ces dernières années ; le pays a importé cinq mille tonnes de poulet congelé en 2005 contre 22 500 tonnes en 2003, selon l’ACDIC.

Mais les manifestants veulent un embargo sur ce type d’importation, et la décision du gouvernement d’autoriser l’importation massive de poulets étrangers durant la période des fêtes a vivement été décriée, en raison surtout des risques sanitaires liés à la grippe aviaire et de l’impact de ces pratiques sur les revenus des citoyens.

José Bové, le célèbre militant altermondialiste français a pris part à la manifestation de Yaoundé, de même que des militants du Burkina Faso et de la République démocratique du Congo.

« L’importation de poulets est un crime contre les fermiers camerounais, un crime contre l’économie camerounaise », à déclaré mardi José Bové. D’après lui, au lieu d’autoriser l’importation des poulets, le gouvernement camerounais devrait élaborer un programme permettant aux fermiers locaux d’optimiser leur production. « Laissez le gouvernement camerounais soutenir ses fermiers et assurer l’indépendance alimentaire, car sans les fermiers il n’y a pas de Cameroun », a-t-il conclu.

S’adressant aux manifestants, Bernard Njonga, le président de l’ACDIC a déclaré que « la raison de notre présence ici est que nous condamnons fermement l’importation de poulets venant du monde entier et d’Europe où sévit la grippe aviaire. En important des poulets congelés le gouvernement nous montre qu’il ne se soucie pas de la santé et du bien-être de ses citoyens ».

Bernard Njonga a également critiqué le gouvernement pour avoir interdit la manifestation qui devait partir du centre ville pour arriver au ministère de l’Agriculture, devant lequel ils comptaient brûler des morceaux de poulet congelé.

« Mais cela n’a pu avoir lieu car notre manifestation a été interdite, nous privant ainsi de nos droits », a-t-il ajouté.

Selon l’ACDIC, le principe de la manifestation a été décidé fin novembre, lorsque les autorités camerounaises ont autorisé l’importation de 2 650 tonnes de poulet congelé jusqu’à la fin du mois de janvier - une mesure prise une semaine après que le gouvernement ait annoncé qu’il interdisait ces importations en raison de la grippe aviaire.

Pour l’association, l’argument du gouvernement selon lequel cette mesure visait à éviter une pénurie pendant la période des fêtes était totalement infondé. « Il n’y a pas de pénurie ou d’inflation sur les marchés durant les fêtes de fin d’année, et... l’offre était supérieure à la demande », a déclaré l’association dans un communiqué.

L’ACDIC craint que les importateurs ne fassent entrer le double du volume autorisé en raison de l’insuffisance des mesures de contrôle et de la corruption.

Selon Christian Penda Ekoka, économiste et membre du Mouvement démocratique du peuple, le parti au pouvoir, les manifestants ne devaient pas s’arrêter à un embargo sur l’importation des poulets, mais devraient exiger du gouvernement qu’il aide les fermiers à développer des techniques de conservation.

« Le gouvernement camerounais doit mettre en place un mécanisme permettant d’assurer un suivi efficace entre la production et la consommation, sinon, il y aura un vide que la population locale ne sera pas en mesure de combler ».