15 mars 2007

Famine au Burundi

Voilà dix jours que je suis rentrée d’un séjour de travail que j’effectue un mois sur trois dans les camps de réfugiés burundais en Tanzanie et, depuis une année, également auprès des rapatriés au Burundi.

Vous le savez, ou peut-être pas, le Burundi vit une situation de famine sans précédent. Depuis trois ans déjà, le nord et l’est du pays ont souffert d’une sécheresse qui a tout brûlé sur son chemin. En novembre dernier, l’espoir est revenu avec la pluie qui a couvert tout le pays. Certains réfugiés du trop de soleil sont vite rentrés pour cultiver et semer dans les délais. Mais c’était se réjouir trop vite. Avec le mois de décembre et janvier, des inondations meurtrières se sont abattues sur le pays, faisant dans certaines communes, en plus de pertes matérielles, de terribles ravages humains.

Ma commune natale, Kabarore, a été la plus touchée par ces inondations. Je m’y suis rendue pour faire acte de compassion comme d’autres et j’en suis revenue bouleversée. Une centaine de morts par la faim en moins d’une semaine, l’horreur et la désolation partout…et les témoignages poignants des survivants.

Le témoignage de Luc, un garçon de treize ans dont je connaissais très bien la famille m’a hantée pendant des jours. Je l’ai trouvé au chef-lieu de la commune où il était venu chercher de l’aide comme d’autres sinistrés. S’il était maigre comme un clou, son visage était bouffi comme quelqu’un qui a été piqué par des guêpes. Je me suis enquis de sa santé et il m’a affirmé crânement qu’il allait bien. Je lui ai demandé comment allaient ses parents et ses deux sœurs. Il a levé sur moi un regard désabusé avant de me répondre calmement qu’il n’y avait plus que lui comme famille !

Il m’a raconté :

« Quand le déluge s’est abattu sur nous, il a tout emporté. Même le jardin de légumes près de la maison a fini dans la vallée où les rivières et les ruisseaux ont tout recouvert pendant plus de huit jours. Nous n’avions rien à manger. Nous avons tenu deux jours. Le troisième jour, un voisin nous a donné quelque chose. Mais lui non plus n’avait rien. C’était juste de quoi ne pas mourir ce jour-là. Mon père a refusé d’y toucher, ma mère non plus. Ils se sont disputés. Ma mère voulait que mon père mange parce qu’il relevait d’une crise de malaria et qu’il était très faible. Lui voulait que ce soit elle qui mange puisqu’elle allaitait ma petite sœur. Finalement, ni l’un ni l’autre n’ont rien pris. Le lendemain dans la journée, papa est mort. Le soir, maman s’est couchée et ne s’est plus relevée.
Ma grande sœur et moi, on ne savait quoi faire. Nous étions à bout de force nous aussi. Le bébé continuait à tourner la tête à droite et à gauche en cherchant le sein de maman. Ma sœur a fini par lui mettre son propre sein dans la bouche. Il n’y avait rien dedans mais la petite s’est tenue tranquille. Elle n’a plus pleuré. Pendant deux jours, elle a tiré sur le sein vide puis elle s’en est allée comme les autres. Et ma sœur est morte juste après. (Sourire de bravade). Moi, je ne voulais pas mourir, j’ai mangé de la boue. Puis il a fait plus beau, les gens sont venus et j’ai à nouveau eu un peu à manger. Et voilà ». J’étais là, hébétée, à visualiser encore et encore la scène quand il m’a touché timidement le bras : « vous n’allez pas pleurer, n’est-ce pas Madame, c’est des choses qui arrivent ! »

Je ne pouvais plus rien faire pour les morts mais je me suis promis de tenter quelque chose pour les survivants. Avec vous si vous le voulez bien !

Certes, l’aide d’urgence s’organise tant bien que mal. Sur tout le pays, il y a au moins deux millions de gens dans l’urgence. Mais au-delà de donner à manger aux gens, il y a d’autres urgences dont au moins deux pour lesquelles j’ai été personnellement sollicitée dans ma commune.
Les inondations ont provoqué une prolifération de moustiques, même dans des régions qui étaient un peu à l’abri de la malaria. Et bien qu’une cure de générique contre la malaria ne coûte qu’un euro, les gens sont tellement démunis qu’ils meurent de ne pas avoir cet euro.

L’autre urgence est liée aux semences. Les gens ont tout perdu. Or, pour espérer sortir du système d’aide alimentaire d’urgence dans les mois qui viennent, il faudrait que les gens aient des semences pour la saison agricole de mi-avril. Malheureusement, même ceux qui voudraient se priver du peu de l’aide qu’on leur donne pour pouvoir semer le feraient à perte. En effet, que ce soit le haricot, le mais ou le petit pois qu’on donne en aide alimentaire ne peut être propre aux semences puisque souvent de moindre qualité et en état de conservation à la limite des normes de consommation.

Ma demande est donc la suivante :

- Auriez-vous un ou quelques euros que vous pourriez offrir avec plaisir ?

Versez-les sur le compte 083-3808226-09 que j’ai ouvert il y a trois ans à la banque Dexia et qui ne sert qu’aux dons et fruits d’activités en faveur du projet « Canne à pêche, mfasha nifashe » en faveur des veuves démunies au Burundi. Mettez en massage : SOS Famine.

Surtout ne censurez pas votre don, avec un euro on peut guérir de la malaria ; avec cinq euros, une famille de six personnes peut survivre avec un repas par jour pendant une semaine !

- Vous sentez-vous l’élan d’intéresser à mon appel certains de vos amis ? N’hésitez pas, le bien que vous faites illuminera un jour votre sentier de vie.

- Auriez-vous des possibilités techniques pour m’aider à enregistrer, à multiplier ou à vendre des CD de contes pour le bénéfice de cette action ? Faites-le moi savoir au tél et fax 32 10 45 13 84 ou au mail

- Vous êtes en mesure de me filer un tuyau sur un endroit où je peux aller conter et gagner un tant soit peu pour eux ? Merci de m’en aviser.

- D’autres idées géniales vous traversent l’esprit ? Je suis partante pour essayer tout ce qui peut m’aider à aider.

Merci pour le temps que vous venez de me consacrer. Cela soulage sacrement de savoir qu’on peut partager aussi cela. Merci !
Marie-Louise Sibazuri, Louvain-la-Neuve, 10 mars 2007.