Lire et Écrire apprend à lire et à écrire à des analphabètes. La projection de Persepolis sert de support à leur apprentissage.
« Savoir lire et écrire permet d’entrer dans la société en tant que citoyen », affirme Monique Rosenberg, conseillère au pôle pédagogique de Lire et Écrire et créatrice des jeudis du cinéma pour les classes d’alphabétisation. Ce matin, la salle du cinéma d’Arenberg est comble pour la projection du film Persepolis de Marjane Satrapi. Le public, près de 180 personnes, est composé d’analphabètes souvent - mais pas toujours - issus de l’immigration. L’association organise ainsi, depuis 2005, des projections de film qui servent de base à des discussions et réflexions aux seins de classes d’alphabétisation.
Cette projection est particulière : elle a été précédée de nombreuses discussions tant entre les associations qu’au sein des classes d’alphabétisation. « Le 18 janvier 2007, quelque chose s’est passé lors d’une projection qui nous a fait réfléchir », se souvient Chafik Allal, formateur interculturel à ITECO, Centre de formation pour le développement et la solidarité internationale. Ce jeudi-là, le film Salut cousin est diffusé. Une scène montre un immigré allant dans un pipe show : plusieurs spectateurs se lèvent et quittent la salle. Ils étaient humiliés par l’image de l’immigré que le film leur renvoyait, explique Chafik Allal.
Confronté à une telle réaction, Lire et Écrire fait appel à ITECO. Julia Petri et Chafik Allal, d’ITECO, organisent alors une formation de deux jours pour les formateurs enseignants d’une dizaine d’associations d’alphabétisation. Elle porte sur la perception de l’image d’un point de vue interculturel. Les formateurs des différentes associations se sont ensuite revus une fois par mois pour savoir comment préparer la projection des prochains films avec les apprenants. « Pédagogie oui, mais interculturalité », insistait alors Chafik Allal.
Après un premier essai de préparation avec la projection du film Indigènes, « Persepolis est une grande réussite, personne n’est parti en cours de projection et les spectateurs avaient l’air contents », rapporte, soulagée, Monique Rosenberg. Pour préparer le public au film de Marjane Satrapi, « nous avons dégagé les zones sensibles du film tels : l’exil, le langage cru qu’utilise la grand mère de Marjane, le fait que la petite fille parle à Dieu, le fait que celui-ci soit dessiné, détaille Monique Rosenberg, pour éviter qu’ils ne prennent cela pour une attaque ». Ce travail préalable fait en sorte que les spectateurs ne soient pas des consommateurs, « chacun n’était pas renvoyé à lui-même, seul, isolé des autres », explique Chafik Allal.
Extrait de La Libre Belgique