Une sélection d’images de l’Afrique verte prises par des lecteurs de la BBC ainsi qu’une sélection d’expériences d’agroforesterie au Sahel décrites par Mark Hertsgaard et publiées en français par Le Monde diplomatique. Le constat est étonnant : « Des études concernant le Sahel occidental révèlent que 80 % des arbres plantés meurent au bout d’un an ou deux. Par contraste, les arbres qui poussent naturellement sont des espèces endémiques, donc plus résistantes. Et, bien entendu, ils ne coûtent rien ».
par Mark Hertsgaard
Au Burkina Faso, en Afrique occidentale. Le soleil se couche au terme d’une nouvelle journée de chaleur écrasante. Mais ici, dans l’exploitation de M. Yacouba Sawadogo, l’air est nettement plus frais. Une hachette sur l’épaule, ce cultivateur à la barbe grise arpente ses bois et ses champs avec l’aisance d’un homme beaucoup plus jeune. M. Sawadogo, qui ne sait ni lire ni écrire, n’en est pas moins un pionnier en matière d’agroforesterie, une approche fondée sur l’intégration des arbres dans le système de production agricole. Cette technique, qui a transformé le Sahel occidental ces dernières années, constitue l’un des exemples les plus prometteurs de la manière dont des populations pauvres peuvent faire face au changement climatique.
Vêtu d’une robe en coton brun et coiffé d’une calotte blanche, M. Sawadogo s’assied près des acacias et des zizyphus qui ombragent un enclos renfermant une vingtaine de pintades. L’essentiel de son exploitation de vingt hectares, importante au regard des critères locaux, appartient depuis des générations à sa famille. Celle-ci l’a abandonnée après la terrible sécheresse de 1972-1984 : une baisse de 20 % de la moyenne des précipitations annuelles avait alors anéanti la production de nourriture dans le Sahel, transformé de vastes étendues de savane en désert et causé des centaines de milliers de morts par famine.
« Les gens se sont retrouvés dans une situation si catastrophique qu’il leur a fallu changer leur mode de pensée », raconte M. Sawodogo. Lui-même a remis au goût du jour une technique utilisée depuis des siècles par les paysans locaux, le zaï, qui consiste à creuser des « poquets », autrement dit des trous peu profonds concentrant les rares pluies vers les racines des cultures. Afin de capter une plus grande quantité d’eaux de ruissellement, il a augmenté la dimension des siens. Mais sa plus grande innovation fut d’y ajouter du fumier durant la saison sèche, une technique que ses pairs considéraient comme du gaspillage.
En concentrant l’eau et la fertilité dans les poquets, il a augmenté le rendement de ses cultures. Mais il n’avait pas prévu le résultat le plus important : des pousses d’arbres, provenant de graines contenues dans le fumier, apparurent au milieu de ses rangs de mil et de sorgho. Après plusieurs saisons de pousse, il s’avéra que les arbres, qui mesuraient désormais plusieurs pieds de haut (un pied équivaut à environ trente centimètres), contribuaient à accroître le rendement des cultures tout en fertilisant le sol : « Depuis que j’applique cette technique de réhabilitation d’une terre dégradée, ma famille est à l’abri de l’insécurité alimentaire, les bonnes comme les mauvaises années ».
L’agroforesterie mise au point par M. Sawadogo a déjà gagné de vastes secteurs du Burkina Faso ainsi que du Niger et du Mali voisins, et transformé des centaines de milliers d’hectares semi-désertiques en terres plus productives. « Il s’agit sans doute du bouleversement écologique positif dont l’ampleur est la plus grande au Sahel, et peut-être dans l’ensemble de l’Afrique », estime M. Chris Reij, un géographe néerlandais qui a travaillé trente ans dans la région.
Continuer à lire l’article de Mark Hertsgaard sur le site du Monde diplomatique
Photographie de Michael Luti