Le gouvernement nigérian a porté plainte, lundi 4 juin, contre le groupe pharmaceutique américain Pfizer et réclame 7 milliards de dollars (5,2 milliards d’euros) de dommages pour des essais d’un médicament responsable de la mort de nombreux enfants.
Le groupe pharmaceutique américain Pfizer est accusé d’avoir réalisé en 1996, sous le couvert d’une action humanitaire dans le cadre d’une épidémie de méningite et de rougeole, des essais d’un médicament, le Trovan Floxacin, dans l’Etat de Kano, et ce sans avoir obtenu les accords nécessaires des autorités du pays.
Dans la plainte déposée auprès de la Cour suprême fédérale du Nigeria, le gouvernement indique que 200 enfants qui ont pris les médicaments de Pfizer ont ensuite souffert de diverses affections, notamment de surdité, de paralysie, de troubles de la parole, de lésions cérébrales ou de cécité. Onze enfants seraient décédés, selon le procureur.
Selon la plainte, "aux environs du mois d’avril 1996, une épidémie de méningite bactérienne, de rougeole et de choléra avait sévi dans le nord du Nigeria, particulièrement dans l’Etat de Kano, et certains patients recevaient des soins à l’Hôpital des maladies infectieuses grâce aux efforts conjoints du gouvernement fédéral du Nigeria et du gouvernement de l’Etat de Kano".
"Au milieu de l’épidémie, Pfizer a imaginé un arrangement lui permettant de déformer et de cacher ses intentions premières sous couvert de participer aux soins des victimes de l’épidémie. Pfizer n’a jamais révélé qu’il avait eu l’intention de faire des expérimentations sur des victimes vulnérables ou de mener de quelconques essais cliniques, sans les approbations nécessaires des agences régulatrices du Nigeria, mais il a prétendu venir apporter une aide humanitaire."
Les autorités de Kano ont intenté, en mai, un procès semblable à Pfizer devant la Haute Cour de l’Etat, réclamant 2,75 milliards de dollars (2,03 milliards d’euros) d’indemnités à la société pharmaceutique pour avoir "secrètement utilisé des enfants comme cobayes dans les tests d’un médicament sous le prétexte d’apporter une aide humanitaire". Le procureur général de l’Etat de Kano, Aliyu Umar, a demandé au tribunal de retenir contre le laboratoire 29 chefs d’accusation dont "comportement antiéthique, comportement délictueux, complot, dissimulation et mort de victimes innocentes".
Un tribunal fédéral de Manhattan a rejeté en 2001 une poursuite engagée contre Pfizer par des Nigérians handicapés qui disaient avoir participé à l’étude, mais les plaignants ont fait appel. Les autorités de l’Etat de Kano estiment que l’affaire Pfizer attise la méfiance d’une bonne partie de l’opinion publique à l’encontre des programmes de santé du gouvernement, notamment la campagne de vaccination des enfants contre la poliomyélite, qui rencontre une forte résistance dans le nord du pays.
Les dirigeants musulmans de l’Etat de Kano à grande majorité musulmane ont présenté l’affaire Pfizer comme la preuve d’une conspiration menée par les Etats-Unis. Des rumeurs selon lesquelles le vaccin contre la poliomyélite sert à inoculer le virus du sida ou rendre infertile accompagnent le boycott de la campagne publique dans le Kano et un autre Etat à majorité musulmane, celui de Zamfara. Les programmes de vaccination ont repris au Nigeria en 2004 après un boycott de onze mois, mais l’éradication de la poliomyélite en a été retardée et une épidémie a gagné toute l’Afrique et le Moyen-Orient.
Extrait du Monde