16 mai 2009

Le nombre de coopérants diminue tandis que le nombre de voyageurs augmente

ITECO, Centre de formation pour le développement et la solidarité internationale, a été créé en 1963 pour former les jeunes volontaires
qui voulaient partir en Afrique centrale, au lendemain de la décolonisation,
et y faire notamment ce que, à l’époque, on appelait de l’assistance technique auprès des populations pauvres de ces régions.

D’autres processus de décolonisation
ont suivi le même mouvement en Afrique occidentale française, dans le Maghreb, et un peu plus tard en Afrique d’expression lusophone. De nombreux jeunes belges sont partis à l’époque collaborer avec ces nouveaux
États. Et ils ont fait de même en Amérique latine et en Asie, régions où des associations belges ont entamé
une collaboration avec des associations
locales dans une optique de soutien aux efforts d’amélioration des conditions de vie des populations sur place.

Au milieu des années nonante, le ministre de la coopération au développement
de l’époque, Réginald Moreels (qui est, par ailleurs, un des fondateurs
de Médecins sans frontières en Belgique), a promu une réforme significative
de l’ensemble du travail de la coopération au développement. Pour l’essentiel, cette réforme a représenté une impulsion considérable au travail de sensibilisation et d’éducation au développement en Belgique, et une diminution conséquente du nombre de personnes partant travailler en tant que jeunes experts en matière de coopération au développement.

Parallèlement aux effets de cette réforme,
le fait est que bon nombre d’ONG du Sud sont devenues plus fortes et, dans une certaine mesure, moins dépendantes des ONG belges, de telle sorte que peu d’entre elles ont le réflexe de demander l’envoi d’un coopérant étranger. Par ailleurs, l’immigration soutenue a fait qu’un certain nombre d’étrangers, ayant acquis la nationalité belge, ont, dans certains cas, regagné leurs pays avec un contrat de coopérant ONG. À titre d’exemple, 18 % des coopérants envoyés
par l’ONG Volens ont l’espagnol comme langue maternelle.

Un des résultats de ces dynamiques confluentes est la diminution du nombre
de coopérants d’ONG actifs dans le pays du Sud. En 1990, le nombre de coopérants d’ONG dans le Sud était de 1539. En 2007, ce nombre avait chuté à 345, ce qui représente une diminution
de 78 % en 17 ans. En tout et pour tout, on estime le nombre d’expatriés belges dans le Sud entre 1100 et 1200, dont les coopérants d’ONG de développement et d’aide d’urgence, la centaine de jeunes recrues du Service volontaire de coopération au développement
et le personnel de la coopération
gouvernementale.

Pour ce qui est des coopérants d’ONG, ils sont pour la plupart en Afrique et en Amérique latine (42% respectivement),
tandis que 16% se trouve dans un pays d’Asie. Leur moyenne d’âge se situe entre 30 et 40 ans.

Mais les jeunes belges n’ont pas cessé de voyager pour autant et, dans certains cas, de s’installer pour vivre et travailler ailleurs dans le monde. Dans les formations que nous animons
pour des jeunes qui souhaitent partir en coopération, il apparaît que la plupart des participants ont déjà été dans trois ou quatre, voire sur les cinq continents !
La massification du transport aérien y est sans doute pour beaucoup mais la glorification du voyage et de l’aventure, des grands espaces et de la rencontre interculturelle font le reste. L’industrie touristique est en pleine expansion et les moyens de communication vont dans la même direction. L’image marquante de l’époque c’est le routard,
le baroudeur, le bourlingueur qui s’avance dans les vastes étendues de la planète qui, par ce flux incessant devient, de manière paradoxale, un domaine ouvert au transit, une cour de recréation. Les ONG suivent aussi le mouvement et même les noms de leurs journaux (Hémisphères, Méridiens, Antipodes...) montrent que l’air du temps privilégie le voyage et les grands espaces.

Pourtant et, sans surprise, parmi les 300.000 Belges inscrits dans un consulat
belge à l’étranger, toutes professions
et tous âges confondus, le plus grand nombre se trouve dans les pays voisins : la France, le Luxembourg, les Pays-Bas. Ailleurs dans le monde, et même si le nombre de Belges résidents
en Afrique du Sud a diminué depuis quinze ans, Johannesbourg et Le Cap récoltent ensemble le plus grand nombre d’inscriptions de Belges résidents dans un pays du Sud, bien avant Buenos Aires, Sao Paulo et Kinshasa.

Les jeunes voyageurs décollent aussi
de plus en plus jeunes. Les programmes
d’échanges scolaires se sont multipliés aussi bien lors des études secondaires qu’universitaires, le succès du programme d’échanges universitaires Erasmus étant la point d’orgue de ce phénomène de société. Nombre d’associations proposent des
voyages encadrés et des séjours à court et moyen terme permettant aux jeunes de vivre une expérience à l’étranger qui peut se rapprocher de près ou de loin, selon les cas, à une première expérience professionnelle.

Puisque l’herbe semble toujours plus verte dans le pré d’à côté, les jeunes veulent avoir la possibilité d’aller voir sur le terrain, en chair et en os, ce qu’il en est de cet ancien adage. Dernier paradoxe et non des moindres : cette situation existe au moment même où un flux incessant de démunis tente de franchir les frontières européennes en quête d’un meilleur avenir mais se
voient interdire l’accès à ce territoire.

Antonio de la Fuente, publié dans Osmoses n° 51 >