La mer commence à envahir le Bangladesh, et
l’on craint fort que ce pays ne perde une grande
partie de son territoire. Les inondations ont déjà
forcé les habitants de plusieurs villes à
déménager. Dans le Pacifique, le niveau de lamer
montera au point de submerger des îles entières,
que la population sera obligée de quitter pour
toujours. Les glaciers sont en train de fondre
dans les pays andins d’Amérique du Sud et dans
les pays himalayens d’Asie, où des populations
entières dépendent des sources alimentées par
les neiges éternelles des montagnes pour avoir
de l’eau et pratiquer l’agriculture. Cette situation
les met sur le chemin de l’extinction.
Tandis que certaines régions subissent des
inondations, d’autres endurent de graves
sécheresses et une désertification croissante.
Dans tous les cas, le résultat est l’augmentation
de la faim, de la soif, des maladies et des
déplacements. La crise climatique que traverse la
planète aujourd’hui a déjà causé des dommages
irréversibles à de nombreux écosystèmes, et ses
répercussions ne pourront que devenir plus
graves, les conflits économiques et sociaux
s’intensifiant en conséquence.
À chaque instant, le changement climatique
met à nu la fragilité du système économique
dominant, qui impose des exigences
démesurées à la richesse de la nature et qui
fonctionne à base de combustibles fossiles
comme le pétrole et le charbon, sources
d’émission de gaz à effet de serre. La cause
principale du dérèglement du climat est la
surconsommation sans entrave dans le Nord ;
il est urgent de la réduire,mais ce problème est
écarté avec cynisme.Malgré l’évidence qu’il sera
impossible de réduire la consommation et la
demande à moins de réduire simultanément la
production et l’offre, les intérêts des puissantes
industries automobile, pétrolière,minière et,
depuis peu, de celle des agrocarburants, passent
avant les solutions au changement climatique.
Des réalités aussi pressantes posent de nombreux autres problèmes. Les populations du Sud
et les peuples autochtones du monde entier sont les plus vulnérables au changement
climatique, parce que leurs moyens de vie sont étroitement liés à la terre et à l’eau, à la
diversité de leurs écosystèmes et à leur connaissance traditionnelle de ces ressources. Or, la
crise climatique compromet gravement ces fondements de leur existence.
Pourtant, leurs voix sont rarement écoutées, bien que les dangers soient pour eux les plus forts,
et malgré l’abondance d’informations, de rapports de recherche et d’émissions de télévision sur
le changement climatique, qui viennent même de faire l’objet d’un Prix Nobel. Les Amis de la
Terre International publient un rapport pour faire entendre les voix des
populations les plus exposées et pour révéler les points de vue de ceux qui vivent cette réalité. Le rapport est composé de neuf articles qui portent sur neuf pays différents du monde. Les
articles énumèrent les incidences particulières à chaque cas, accompagnées des témoignages
de membres de la population qui ont eu une expérience de première main de phénomènes
climatiques dévastateurs. Ces personnes donnent aussi leurs impressions sur les défis qui se
posent aux autorités, aux décideurs et aux propres habitants des régions en question.
Dans ce rapport, les peuples autochtones, les autorités locales, les petits agriculteurs et les
pêcheurs artisanaux disent franchement ce qu’ils pensent, autant ceux du Honduras, du Pérou et
du Brésil que ceux du Mali et du Swaziland, autant ceux du Royaume-Uni que ceux de l’Australie,
la Malaisie et Tuvalu. Ces hommes et ces femmes parlent des stratégies qu’ils ont imaginées
pour essayer de s’adapter aux transformations que le changement climatique a imposées à leur
territoire, à leur mode de vie et à leur écosystème. Leurs déclarations sont énergiques,
pénétrantes et irréfutables, et révèlent leur scepticisme à l’égard des mesures que leurs propres
institutions gouvernementales et la communauté internationale sont en train de prendre.