par Marie-Agnès Leplaideur
Les ONG ont leur propre langue composée d’expressions spécifiques et de sigles mystérieux. Que se cache-t-il derrière ? Difficile de savoir car tout le monde ne la comprend pas, mais les associations jugent que parler ainsi fait sérieux et surtout plaît aux bailleurs de fonds.
« Un atelier a réuni les points focaux des mamans vulnérables pour renforcer leurs capacités à développer des AGR (activités génératrices de revenus)…. ». « Dans le cadre de la lutte contre la stigmatisation, l’ONG a réuni des PVVIH (séropositifs), surtout les PS (professionnelles du sexe) pour leur auto-prise en charge… ». « Après l’atelier, les éleveurs de chèvres ont été dotés d’intrants de construction… ». En clair : on leur a donné des tôles…
Au Burundi, en RDC, au Rwanda et ailleurs dans le monde, les ONG utilisent des mots abstraits et compliqués et de très nombreux sigles. Certains sont passés dans le langage courant. Les journalistes sont les premiers à utiliser ce jargon, sans savoir le traduire. La réalité concrète disparaît ainsi derrière des phrases toutes faites. Surtout quand le monde politique y ajoute sa langue de bois : « Par cet acte, le gouvernement vient de prouver, une fois de plus, sa volonté de sortir la personne vivant avec handicap du cercle de la marginalité ».
Comprenne qui pourra… Toutefois, maîtriser ce qui s’apparente souvent à du charabia, semble pour les associations - appelées ONG (organisations non gouvernementales), OSC (organisations de la société civile) ou, pour l’Union européenne, ANE (acteurs non étatiques) – être la base de tout travail. Autant de mots-clefs à employer impérativement pour espérer décrocher des financements. Selon les années, il s’agit de « lutter contre la pauvreté », de « contribuer à la bonne gouvernance », de « renforcer la société civile », de « défendre les droits des groupes marginalisés »… Bien entendu, il faut utiliser « des approches participatives » avec « des groupes cibles » et établir « des partenariats multi-sectoriels », voire « des synergies pour capitaliser les acquis » et dans tous les cas « sensibiliser les bénéficiaires »...
Actuellement l’« approche genre » (ou « genrée » !) est dans l’air du temps, surtout dans les deux Kivu où les viols font régulièrement la Une des médias. « Nous avons commencé à parler de ’genre’ dans toutes ’les activités de développement’, deux termes qui nous ont permis de convaincre les bailleurs de fonds », se félicite l’animateur d’une association du Sud-Kivu.