24 février 2012

Au Sénégal, « y’en a marre de rester les bras croisés »

Le 16 janvier 2011, Dakar connait une énième coupure d’électricité. Ces incessantes coupures associées à certaines politiques gouvernementales sont à l’origine du ras le bol d’une poignée de Sénégalais. Le journaliste Fadel Barro accompagné d’amis rappeurs, Thiat et Kilifeu, avant de dénoncer la politique du Président Wade, fustigent alors leur propre immobilisme : ils en ont « marre de rester les bras croisés », d’après Le Monde. Le mouvement « Y’en a marre » est né.

L’objectif premier de « Y’en a marre » est de protester contre la vie chère, les coupures d’électricité, la corruption et la mal gouvernance. Dans un second temps, il est devenu un espace d’expression de la citoyenneté afin d’intéresser les jeunes à la gestion du bien public. « Y’en a marre » encourage les citoyens à s’inscrire sur les listes électorales et à exprimer leur voix
par les urnes. Ainsi, il encourage les Sénégalais à prendre leur destin en main, à devenir ce qu’il appelle « un nouveau type de Sénégalais »  [1] . Structuré à l’origine autour d’une poignée de personnes, le mouvement rencontre un engouement croissant de la part de la jeunesse sénégalaise, de sorte qu’il dispose actuellement d’un retentissement dans tout le pays.

Le 23 juin 2011, en réaction à la volonté du Président de modifier la Constitution afin d’instaurer un ticket pour l’élection simultanée, au suffrage universel, du Président et du vice-président de la République, Y en a marre, avec d’autres associations et partis d’opposition, initie une manifestation générale. L’action porte ses fruits, puisque l’Assemblé nationale décide finalement de rejeter le texte porté par le chef de l’Etat.

Cette mobilisation et le succès qu’elle a connu en faisant reculer le président Wade est un moment déterminant de ces derniers mois et sans doute de l’histoire du pays, en ce qu’il témoigne non seulement de l’extraordinaire
capacité mobilisatrice du mouvement « Y’en a marre », mais aussi de la pertinence de son message et de sa détermination à prendre appui sur la Constitution, à se l’approprier et à la revendiquer comme son bien le plus précieux. Un geste qui a notamment pour conséquence aujourd’hui que tous les candidats de l’opposition focalisent leur action et leurs discours sur l’inconstitutionnalité de la candidature du Président Wade.

Bien qu’apolitique, Y en a marre appartient au Mouvement des forces vives du 23 juin. Cette adhésion peut s’expliquer par le souhait de « Y’en a marre » de ne pas casser la dynamique d’opposition à la candidature d’Abdoulaye Wade. Néanmoins, ses membres précisent que leur opposition à la candidature du Président sortant n’est pas motivée par les mêmes raisons que celles du M23. Leur engagement contre la candidature d’Abdoulaye Wade se veut être un engagement citoyen en vue d’amener les élites politiques à prendre en compte les préoccupations des Sénégalais, et à cesser d’ériger des futilités en priorités. Par là, « Y’en a marre » perçoit la « chute » d’Abdoulaye Wade comme « une étape vers un changement de génération politique dans le pays  [2]. »

Extrait du Rapport sur les droits de l’homme au Sénégal à l’occasion des élections présidentielles 201, rédigé par Andy Dupont pour l’Association Culture et progrès.

Photo d’une manifestation anti-Wade du mouvement des jeunes « Y’en a marre », le 16 février 2012 à Dakar.

[1Pressafrik.com

[2Idem