En février 2010, l’ONG italienne CISP a mené à bien une intéressante expérience d’animation du jeu des chaises d’ITECO, avec des étudiants d’une école de cinéma à Rome. Un groupe d’étudiants a joué le jeu, conduit par deux animatrices du CISP, pendant que d’autres étudiants filmaient. Le résultat se trouve sur la vidéo que vous pouvez regarder ci-dessous en deux parties. La vidéo est en italien et espagnol. Ci-dessous aussi, vous trouverez une traduction en français.
- Bonjour, comment tu t’appelles ?
La vidéo a été réalisée par le CISP, dans le cadre de la campagne « L’éducation fait croître les droits », avec le concours des élèves de l’institut Ciné TV Roberto Rosselini de Rome. L’objectif est de faire voir comment, à travers un jeu, l’éducation peut aider à lire et interpréter la réalité complexe de nos jours.
- Antonio : Mon nom est Antonio de la Fuente, je travaille au sein d’une ONG belge, à Bruxelles, qui s’appelle ITECO, un centre de formation pour le développement. Nous essayons de montrer les connexions qui existent entre les réalités du tiers monde et de l’Europe.
- Animatrice : Nous allons faire un jeu ; venez avec moi. Combien y a-t-il d’habitants sur terre ? 6 milliards ? Un peu plus de 6 milliards. 6 milliards et demi. Chaque joueur symbolise la répartition de la population mondiale en représentant une part en millions d’habitants.
Il y a 16 joueurs : chaque joueur représente 396 millions d’habitants.
- Antonio : Dans le cadre d’une de nos formations, l’idée est venue de montrer d’une façon ludique et active des réalités complexes, comme la répartition de la population dans le monde, la répartition de la richesse dans le monde, la consommation d’énergie, l’empreinte écologique ; des notions qui sont plus facilement appréhendables à travers une activité pédagogique, qui nous invite à bouger, à entrer en relation avec les autres ; c’est-à-dire, à travers un jeu pédagogique, un exercice pédagogique.
- Il s’agit ici du jeu des chaises, c’est un jeu simple qui consiste à demander aux participants comment ils pensent que la population mondiale est répartie et comment la richesse est répartie dans le monde, la consommation d’énergie et l’empreinte écologique. C’est-à-dire quelle part de richesses naturelles nous prenons chacun d’entre nous ainsi que les continents, et éventuellement combien nous sommes en train de prendre en trop. C’est ça l’idée, c’est un jeu court qui dure trente minutes
et qui peut être animé dans n’importe quelle circonstance. On n’a besoin de rien de plus que de quelques chaises. Des gens qui ont vu ce jeu évoluer tout au long de ces années, nous disent qu’il sert à montrer la réalité du monde, puisqu’il donne une photo, une image du monde qui est facilement perceptible, autant par des enfants que par des adultes.
- Ce que les jeux pédagogiques ont comme avantage est le fait qu’ils permettent d’intérioriser une expérience par la voie de l’expérimentation. C’est un contact physique, sensoriel, avec les réalités qui sont abordées. C’est donc une bonne méthode, mais ce n’est pas la seule.
- L’éducation est la façon de faire en sorte que chacun d’entre nous soit le plus libre possible, c’est-à-dire que nous ayons de l’autonomie, des informations suffisantes pour prendre des décisions. C’est à la fois aussi simple et aussi complexe que cela.
- Peut-on éduquer en jouant ? Certainement ! Les enfants apprennent en jouant, et c’est un des moyens par lesquels nous pouvons partager des informations et nous les approprier, les intégrer. C’est donc une bonne méthode, mais ce n’est pas la seule. Idéalement, comme je le disais, il faudrait essayer de les rendre complémentaires.
- Animatrice : Quels sont les moyens grâce auxquels tu t’informes ?
- Les journaux, internet.
- Les journaux, internet.
- Internet, la télévision et les journaux.
- La télévision et les journaux.
- Internet et télévision surtout.
- Internet, télévision et journaux
- Les journaux et en classe avec les professeurs.
- Animatrice : Selon toi, où est-ce que l’on apprend l’éducation ?
- A l’école, avec la famille surtout.
- A l’école et à la famille.
- La famille.
- Majoritairement la famille.
- Antonio : L’interculturalité existe depuis toujours. Les cultures et peuples ont toujours été en contact entre eux. Malheureusement, au cours de l’histoire, ces contacts se sont produits la plupart du temps par la force, la violence et la domination. Aujourd’hui, nous vivons dans le monde un processus d’interculturalisation accéléré, parce que le développement des moyens de transport et de communication fait en sorte que les gens se déplacent, communiquent, changent de pays, de lieux, que les échanges entre les personnes se soient accélérés énormément. Nous avons donc l’habitude d’être, et de manière bien plus fréquente, en contact avec des personnes qui ont un cadre culturel différent du nôtre.
L’éducation fait croître les droits.
(Deuxième partie)
- Antonio : Sur ce terrain, pour aller un peu plus loin que les simples relations instrumentales ou celles où s’impose la volonté de l’un contre celle de l’autre, il est important de passer par trois étapes. Tout d’abord, il est important de se connaître bien soi-même, car c’est la condition pour communiquer avec l’autre. Ensuite, il est nécessaire de connaître minimalement le cadre culturel de l’autre. Enfin, le plus difficile, il faut négocier, c’est-à-dire voir s’il est possible de trouver un terrain commun, un espace dans lequel autant l’un que l’autre puisse se sentir reconnu et considéré, puisse retrouver ce qu’il recherche.
- Cela semble facile quand on le dit, mais c’est plus difficile d’y arriver en réalité. C’est difficile car il y a des mouvements de population qui se sont accélérés, et les sociétés d’accueil n’ont pas toujours les conditions ou ne sont pas toujours disposées à ouvrir des espaces de négociation avec les nouveaux arrivés. Une formation réciproque et ouverte est donc nécessaire, qui puisse nous permettre à tous, c’est-à-dire aux nouveaux arrivants et aux Européens d’ouvrir des espaces dans lesquels la connaissance mutuelle et la négociation puissent être possibles. Ce n’est pas facile, mais sans formation, ce serait encore plus difficile.
- Animatrice : La consommation d’énergie peut être symbolisée par une bougie et l’empreinte écologique par une feuille.
Que représentent les caramels selon vous ?
C’est de l’énergie électrique.
L’empreinte écologique est la quantité d’hectares, de terre que nous sommes en train d’utiliser pour produire ce que nous consommons et pour détruire les déchets qui proviennent de ce que nous produisons.
L’empreinte écologique, nous la représentons avec une petite bougie.
En Europe, combien de bougies y a-t-il ? Quatre, alors qu’il n’y a que deux habitants.
En Amérique du Nord, quatre bougies pour un habitant.
En Asie et dans le Pacifique, six bougies pour dix habitants.
En Afrique, une bougie pour deux habitants.
En Amérique Latine et les Caraïbes, une bougie pour un habitant.
Savez-vous que les satellites qui observent notre planète de nuit voient à peu près la même image que nous voyons maintenant ?
Si nous éteignons la lumière, nous voyons qu’il y a des continents qui sont entièrement illuminés.
Il est évident que l’unique modalité pour réduire l’empreinte écologique est de le faire dans les pays qui consomment le plus, où il y a le plus de ressources.
Le jeu est fini. Venez tous par ici.
Regardez là-haut.
Au revoir !
- Animatrice : Tu as participé au jeu. As-tu découvert quelque chose que tu ne savais pas ?
- Oui, je pensais qu’il y avait plus de personnes en Amérique du Nord qu’en Asie.
- Non.
- J’avais une vague idée sur comment les choses sont en réalité.
- Animatrice : Penses-tu que ce jeu est utile, éducatif, formatif ?
- Oui, certes.
- Animatrice : Ce jeu servira-t-il à comprendre mieux le cours du monde ?
- Evidemment
- Antonio : Nous avons fait aujourd’hui une photographie du monde. La question est à présent, comment est-ce que nous pouvons la changer ?
Je considère comme valeur toute forme de vie, la neige, la fraise, la mouche.
Je considère comme valeur le règne minéral, la république des étoiles.
Je considère comme valeur le vin tant que dure le repas, un sourire involontaire, la fatigue de qui ne s’est pas épargné, deux vieux qui s’aiment.
Je considère comme valeur ce qui demain ne vaudra plus rien et ce qui aujourd’hui vaut encore peu.
Je considère comme valeur toutes les blessures.
Je considère comme valeur l’eau économisée, la paire de chaussures réparée, se taire quand il le faut, accourir à un cri, demander la permission avant de s’asseoir, éprouver de la gratitude sans se souvenir pourquoi.
Je considère comme valeur savoir où se trouve le nord dans une pièce, le nom du vent qui sèche la lessive.
Je considère comme valeur le voyage du vagabond, la clôture de la moniale, la patience du condamné, quelle que soit sa faute.
Je considère comme valeur l’usage du verbe aimer et l’hypothèse qu’il existe un créateur.
Parmi ces valeurs, nombreuses sont celles que je n’ai pas connues.
Erri di Luca
- Animatrice : As-tu faim ?
- Maintenant, oui.
- Animatrice : Soif ?
- Aussi.
- Animatrice : Cela fait combien de temps que tu n’as pas coupé tes cheveux ?
- Deux ans.
- Comment tu t’appelles ?
- Animatrice : Jessica.
- Animatrice : Tu as une copine ?
- Non. Tu as mon numéro ?