50 ans en 25 témoignages

Mise en ligne: 22 novembre 2013

Vingt-cinq témoins de l’action d’ITECO s’expriment

Jacques Bastin

ITECO s’est ouvert et a fortement développé au début des années nonante deux autres secteurs d’activité : le premier, la communication interculturelle, qui consiste à avoir une intervention de formation et d’éducation pour les acteurs sociaux ici en Belgique ; et le deuxième, l’éducation au développement, qui prenait de plus en plus importance dans les ONG et la coopération au développement et consiste à faire de la coopération ici. Ces deux activités se sont fortement développées dans les années nonante et ont finalement pris le dessus sur la formation des coopérants.

Etienne Van Parys

ITECO a un créneau tout-à-fait particulier dans le paysage des organisations de développement, dans le sens où l’ONG n’est pas strictement liée à la coopération au développement, puisqu’elle se situe dans un créneau plus large en lien avec le monde associatif. Elle a pour mission d’éveiller les organisations et une frange importante de l’opinion publique, des jeunes et des moins jeunes, qui veulent s’engager dans la solidarité, et de les faire réfléchir sur ce qu’est la solidarité et l’interculturalité, qui est un domaine dans lequel ITECO s’est fortement investi.

Mario Bucci

ITECO est une organisation formée de personnes compétentes, mais ce qui est spécial chez ITECO, c’est le fait que toutes ces compétences sont mises au service d’un projet de transformation sociale, et je pense que dans le panorama de la coopération, c’est un exemple qui vaut la peine d’être connu et imité, si possible.

Pie Tshibanda

ITECO incite les gens à devenir un peu plus réalistes, à ne pas aller dans le monde avec l’idée qu’on va tout changer, mais y aller avec modestie, avec humilité, savoir qu’on trouve des gens formés là-bas. Elle aide à voir comment on va travailler pour aller de l’avant, de manière bénéfique pour tout le monde. A tous ces jeunes qui rêvent d’aller dans le monde donner un coup de main, faites savoir qu’il faut passer par ITECO pour avoir les pieds sur terre. Et puis, je vois les publications d’ITECO, je peux les résumer en un mot : l’interculturel, enrichir la grille de lecture de chacun d’entre nous. ITECO n’a pas envie de dire à quelqu’un qui va à la formation « Désormais tu vas procéder de cette manière... Non. C’est plutôt : Tu as ta manière de voir, mais il y a d’autres manières de voir les choses… Tu as ta grille de lecture, tu peux l’enrichir ». Je pense que les publications d’ITECO donnent des éléments qui sont des ponts entre les peuples.

Alain Fohal

Je ne suis plus du tout dans le monde de la coopération actuellement mais je garde un souvenir précis de la méthode des incidents critiques, utilisée dans la préparation des coopérants, et que j’ai eu l’occasion d’utiliser dans un autre cadre : c’était avec des personnes relativement engagées, mais il y avait quand même des non-dits, des problèmes de voisinage avec des personnes d’autres cultures. On n’osait pas en parler parce que a priori ce n’était pas bien, on a eu tout un week-end de formation en utilisant cet outil pédagogique d’ITECO dont je me souvenais.

Benoit Van der Meerschen

A ITECO, et beaucoup plus que dans d’autres endroits associatifs, le bénéfice de ces formations, c’est qu’on prend le temps de les penser, de les réfléchir, d’avoir une réflexion beaucoup plus aboutie sur des processus et pas uniquement sur un événement ponctuel.

Pie Tshibanda

Quand je suis arrivé en Europe j’ai fait une expérience particulière pour me faire un petit place, notamment en écrivant et en jouant le spectacle « Un fou noir au pays des blancs ». Les animateurs d’ITECO ont entendu parler de moi et m’ont invité. Je suis allé chez eux à plusieurs reprises, je suis intervenu comme quelqu’un qui vient dire à ceux qui rêvent de partir, à quoi il doivent s’attendre, parce que j’estime que c’est nécessaire et je pense que c’est l’un des objectifs d’ITECO.

Alain Fohal

Je suis aussi entré à l’Assemblée générale d’ITECO -il faut savoir que Volens est une des ONG qui, au départ, ont fondé ITECO, même si l’ONG est assez rapidement devenu indépendante. Au début des années 2000, je suis aussi devenu administrateur d’ITECO et j’ai quitté le Conseil d’administration en 2010. J’ai connu ITECO de l’extérieur, en tant qu’utilisateur des services offerts par ITECO, et également de l’intérieur.

Marie-Agnès De Staercke

Je suis arrivée en 1976, nous revenions de Tunisie, où mon mari avait un contrat comme médecin. En revenant, j’étais très impressionnée par le sous-développement. On vu un article dans une un journal paroissial, signé Albert Laurent (alors secrétaire général d’ITECO), je suis allée le voir et lui ai demandé ce que je pourrais faire. Il m’a dit « Tapez mon courrier », et j’ai dit « Voilà une bonne idée ». J’ai commencé par taper son courrier, et puis après ITECO a fait une revue et j’ai tapé tous les textes de la revue. J’ai commencé ainsi à faire du secrétariat.

Pierre Gillet

J’ai eu la chance d’avoir un engagement très long au Sud, 14 ans c’est quand même un engagement de long durée, et tous ceux qui participaient aux sessions d’ITECO n’envisageaient pas un engagement si long, je pensais que si on voulait descendre dans une autre culture et une autre langue, il fallait mettre le temps.

Guy Bajoit

Depuis 1982 ou 1983, j’ai fait –et je ne suis pas spécialement fier de cela- dix fois par an la sempiternelle conférence sur les modèles de développement. Je la répète à ITECO, à la CTB, en Espagne, en Amérique latine, je la répétais à l’UCL, puisque j’ai été professeur de sociologie et je donnais un cours d’Analyse sociologique du développement. Donc, je suis entré à ITECO parce que j’avais fait une systématisation des modèles de développement.

Annaig Bouguet, animatrice

Je suis animatrice en éducation au développement, et je le suis devenue sans doute un peu grâce à ITECO, puisque je suis passée par plusieurs de leurs formations. Cela m’a permis de définir mon projet professionnel et la forme de l’engagement citoyen que j’avais envie d’apporter.

Luis Javier Tinoco

J’ai suivi deux formations d’ ITECO, l’une de base, Ici et ailleurs, que faire ?, et une deuxième en éducation au développement, pour renforcer mon parcours. ITECO est tombé pile-poil, puisque mon petit dada c’est l’éducation populaire, et à ITECO ils avaient les outils essentiels pour réaliser les activités que je mène.

Etienne Van Parys

Une des particularités d’ITECO, c’est d’avoir une Assemblée générale plutôt statutaire et une autre thématique. Dans ce cadre-là, une année ils ont invité un responsable important de la Communauté française -je pense que c’était Etienne Grandjean-, et ce qui m’a frappé, au-delà du thème qu’il a abordé, c’était qu’un haut fonctionnaire de la Communauté française à l’époque parvenait à se débarrasser de ses vêtements de fonctionnaire et à interpeller le monde des ONG sur des aspects interculturels de manière positive, interpellante et profonde.

Oumou Zé

Il y avait une campagne, c’était via la publication Antipodes, où on mettait en évidence, en les grossissant, les traits caractéristiques du volontaire coopérant qui va dans le Sud et qui veut apprendre les habitudes de l’autre au Sud. Finalement il s’agissait de montrer comment cela peut tourner en quelque chose de plus respectueux de l’identité de l’autre et de ses valeurs… Et cette manière, par l’humour et la caricature, de grossir le trait sur des petites choses mais qui en s’accumulant sont finalement assez importantes dans le rapport à l’autre, j’aimais bien cela.

Claudine Drion

Il y avait des jeux de rôles très rigolos... parfois un peu caricaturaux sur les partenaires du Sud, et que finalement les participants stéréotypaient assez bien. Ce qui est intéressant, après, c’est de décoder tout cela. Et je trouve que dans la méthode d’ITECO, parfois, et même souvent, on s’implique et après on prend un temps d’arrêt, on regarde et on est parfois un peu effrayé par ce qui en est sorti. Et cela, c’est très formateur.

Dany Van der Steen

Quand je suis rentré dans la coopération, qui débordait de bons sentiments et des grossières erreurs, j’étais très heureux d’être en contact avec ITECO parce que c’était la seule ONG, ou l’une des rares, qui avait cet esprit critique par rapport à la coopération elle-même, et cela je l’ai trouvé de tout temps très stimulant, et j’ai toujours eu l’occasion de le retrouver à ITECO.

Stéphanie Van Steenberghe

J’ai débarqué à la formation d’ITECO, à Namur, en ne sachant pas trop comment faire, c’était la première fois que je faisais une présentation, et ils me disent « Explique ton parcours et puis les gens réagissent ». Cette première fois, ce n’était pas évident parce qu’il y avait quelques personnes un peu anarchistes, mais c’est une expérience enrichissante de partage et j’ai continué par la suite à le faire. On part sur un sujet en se disant « OK, je vais raconter un peu mon parcours, mes expériences à l’étranger » et puis finalement en trente secondes on est dans un tout autre domaine, qui est lié parce que tout est lié, avec des discussions, des coups de gueule, des rires, des gens qui ne tiennent plus sur leur chaise tant ils veulent absolument dire un mot... C’est vraiment très enrichissant.

Marie-Agnès De Staercke

C’est incroyable tout ce que la technique a apporté. Avant, on travaillait dans la cave, on devait tout faire au stencil, on s’énervait parce que la machine se mettait en panne, et puis on faisait des centaines de pages pour les préparations des sessions, on se réunissait tous, on mettait de la musique et on tournait autour de la table, on ramassait tous les papiers pour pouvoir les envoyer à chaque participant. On passait une demi-journée à cette tâche, mais on s’amusait, on trouvait que c’était drôle ! Mais c’est pour dire combien les moyens ont changé !

Véronique Wemaere

Je crois que la plus belle expérience c’est le Maroc, où là j’ai eu l’occasion de participer à quelques ateliers animés par ITECO, et cela a été extrêmement intéressant. D’autant plus qu’on démarrait un programme au Maroc, c’était une manière parfaite pour démarrer une relation de partenariat. On est avec les acteurs directement plongés dans des ateliers, au même niveau qu’eux. Cela a été pour moi très riche parce que, d’abord, j’étais au même niveau qu’eux et je parvenais à analyser aussi, le but c’était de s’analyser, d’analyser le contexte, la fameuse boussole, et donc de le faire avec eux, ensemble. Démarrer des relations partenariat comme cela… c’est un rêve !

Pierre Hublet

Je me souviens nettement d’une formation en hiver, c’était en janvier ou février, il faisait vraiment froid dans ce bâtiment de La Marlagne -toute personne qui connaît ITECO connaît La Marlagne-, il n’y avait personne d’autre que les formateurs et les participants… Et personne n’aurait imaginé finalement la chaleur qu’il y avait dans cette petite salle là en bas…. Cela foisonnait d’idées, de dynamisme, de volonté de refaire le monde, et je trouvais génial ce paradoxe entre la chaleur du petit groupe et ce grand bâtiment sans âme. Très intéressant.

Dany Van der Steen

Ce qui m’a beaucoup marqué c’est cette Assemblée générale qui avait été organisée par Michel Elias, où tout était décoré en Batman. C’était du deuxième dégré parce que je sais bien qu’ITECO ne croyait pas que la coopération c’était Super Blanc qui allait venir aider les gens dans le Sud, mais c’était un clin d’œil.

Michel Elias

J’ai passé près de vingt ans dans la maison de la Rue du Boulet… Pour moi, ITECO est associé à cette maison. Je passe souvent devant parce que maintenant j’ai un atelier de peinture Rue des Chartreux, car je me suis reconverti dans la peinture, je passe très souvent devant cette maison et elle me fait rêver, et c’est drôle parce que j’ai eu mon bureau au deuxième étage de cette maison et je recevais de temps en temps des candidats qui voulaient partir dans le tiers monde, qui venaient s’informer, qui venaient voir pour les formations. Il faut dire que cette maison avait été, avant que nous l’occupions, un squat. Une communauté un peu hippie habitait là, et un jour je reçois un jeune monsieur qui venait s’informer pour partir dans le tiers monde, on en parle et pendant que je lui expliquais les choses il regardait les murs, le plafond… et puis il me dit : « J’ai habité ici… Qu’est ce qu’on a baisé dans cette pièce ! »... Alors, oui, c’est un souvenir qui m’a beaucoup marqué parce que nous, on n’a pas beaucoup baisé dans cette pièce...

Jacques Bastin

Le jour où l’on a acheté cette maison, je me suis retrouvé chez le notaire avec l’institut de crédit qui devait financer le prêt et voilà que le notaire et le représentant de l’institution de crédit s’engueulent et le type de l’institution de crédit quitte la pièce avec le chèque. Et je me suis retrouvé là sans moyens pour acheter la maison. Il a fallu après rameuter tout le monde et calmer les esprits pour pouvoir conclure l’affaire.

Sylvie de Terschueren

Pendant la formation Ici et ailleurs, que faire ?, je me souviens du catering, c’était à Schaerbeek à l’époque et on avait fait appel à une association d’économie sociale qui faisait des pastillas délicieuses, donc les temps de pause étaient plus qu’attendus.

Jean-Jacques Grodent

ITECO a été significatif sur le plan de la réflexion, de la mise en débat et de la coopération entre différents acteurs, qu’ils soient ONG ou non, autour de l’éducation au développement. Et c’était pour moi une association qui portait le débat de façon très pointue, très spécifique et très appropriée sur toutes les questions d’éducation au développement, avec une pertinence qui était vraiment impeccable, et avec une grande ouverture, une grande tolérance vis-à-vis des points de vue des uns et des autres.

Christophe Dubois

Chez nous, dans l’éducation à l’environnement, on est parfois un peu trop centré sur les comportements. Et dans la préparation d’événements, on avait tendance à vouloir rentabiliser au maximum, d’aller très vite, et puis ITECO nous disait « Attention, prenons le temps de bien réfléchir sur ce qu’on fait, ne pas vouloir aller trop vite, prenons le temps du recul méthodologique et théorique sur nos pratiques ». Je trouve que c’est vraiment un apport. Et dans le fonctionnement même de l’équipe d’ITECO, en termes de fonctionnement organisationnel et institutionnel, cela nous fait réfléchir nous aussi sur la manière de travailler ensemble, de construire ensemble.

Benoit Van der Meerschen

La position d’ITECO, une position « Je me mets à l’intérieur et je suis dedans, et je me mets un petit peu à l’extérieur et j’observe et j’ai un regard critique », et je trouve que cela manque par rapport à trop d’associations et mouvements où l’on a toujours le nez sur le guidon et dans une dynamique de rapidité, de célérité, qui tue l’espace de réflexion et le temps justement pour savoir si on va dans la bonne direction.

Jacques Bastin

Pour la coopération, c’est très important d’avoir ce regard extérieur, ce regard critique, qui pose de bonnes questions sur ce qu’est la coopération, sur les pratiques de coopération, sur les pratiques des acteurs de la coopération… Avec sérieux et avec humour aussi, et c’est cela qui me plait beaucoup.

Vincent Slypen

Le questionnement est parfois assez similaire, évidemment le monde a fameusement changé et il faut être de plus en plus fort pour pouvoir avoir une idée de ce que sera la coopération au développement dans cinq ans, alors qu’à l’époque, en 83, le monde était un peu plus clairement partagé Nord-Sud, Est-Ouest, tout cela a fameusement évolué.

Karen Bähr

La formation à laquelle ITECO m’invite comporte une réflexion critique, une mise en question très forte de ce qu’on pense de le développement et sur ce qu’on pense sur nos propres actions sur le terrain, et donc souvent les gens que je rencontre, les jeunes, garçons et filles, qui suivent la formation, sont très bouleversés dans le sens positif, parce que c’est comme la terre, on remue d’abord pour que après cela pousse mieux.

Jaime Bejarano, agronome

Ce qui m’a impressionné le plus c’est de rencontrer autant de jeunes intéressés à d’autres choses que de se faire mener par la vie. ITECO réussit à débloquer, pas à donner des réponses, c’est impossible, mais quand même à pouvoir avancer dans ce grand questionnement su le développement.

Marie-Agnès De Staercke

J’aime bien voir qu’il y a certains jeunes très motivés et d’autres qui sont encore très peu conscients, mais c’est intéressant parce que j’ai l’impression qu’ITECO les réveille bien. Parfois il y a des choses très intéressantes, des jeunes qui changent… Par exemple, quelque chose de formidable, il y en avait un qui écrivait : « Cette session de formation m’a apporté plus qu’un an d’université ».

Eric Adam ex-objecteur de conscience à ITECO

Cela m’a ouvert les yeux sur pas mal de choses que je ne connaissais pas. J’ai continué depuis à acheter plusieurs journaux tous les jours et à m’informer comme je faisais à l’époque.

Luis Javier Tinoco

ITECO n’est pas uniquement une association qui donne une formation, je crois qu’elle crée aussi des liens.

Annaig Bouguet, animatrice

La convivialité qu’ils apportent, c’est un élément que je trouve important dans les modules de formation et garantit un bon fonctionnement et qui est vraiment un très bon tremplin. Elle est alliée à une exigence, un professionnalisme et une forme de militance très ancrée et très assumée.

Sylvie de Terschueren

Je pense que c’est vraiment une association phare en termes d’éducation au développement.

Pie Tshibanda

C’était à un moment où je venais à peine d’arriver en Belgique, je n’avais pas encore un travail fixe, comme maintenant, et j’avais beaucoup de problèmes sur le plan psychologique. J’avais l’impression de ne plus exister : c’est qui un étranger qui vient d’arriver d’un autre pays, qui était cadre dans son pays et qui se retrouve ici au bas de l’échelle ? Et lorsque ITECO m’appelle, et que dans la salle vous avez des ingénieurs, des médecins, des licenciés, des jeunes formés qui veulent partir, et qui m’écoutent pendant deux heures et c’est moi le formateur. Là, ITECO vient de me dire : « Tu n’es pas au bas de l’échelle, on te met le pied à l’étrier… allez, recommence avec nous ». C’est le début d’une animation. Et maintenant j’anime à travers le monde… ITECO est quand même un peu à la base.

Entretiens de Catherine Bruyère, vidéo d’Olsen productions, transcription de Valeria Dell’Aquila