Points de vue du Sud

Mise en ligne: 19 juin 2009

Des responsables associatifs du Sud répondent aux questions d’ITECO sur le partenariat Nord-Sud et leurs besoins de formation, par Maïté Verheylewegen et Brigitte Gaiffe

Responsables dans des organisations de la société civile du Sud (ONG et plateformes d’organisations), les agents de développement du Sud travaillent en Bolivie, au Cap Vert, en Guinée-Bissau, au Nicaragua, en République Démocratique du Congo, ou au Sénégal, en partenariat avec des ONG du Nord. Partenaires d’ONG en Belgique, ils ont accepté de répondre aux questions d’ITECO sur leur vécu du partenariat Nord-Sud et leurs besoins de formation.

Partenariat Nord-Sud

Confrontées au vide d’Etat ou refusant d’être instrumentalisées pour remplir le rôle de l’Etat, leurs organisations sont contraintes de se tourner vers des bailleurs de fonds internationaux pour financer leurs activités créant ainsi une forte concurrence entre ces organisations pour la recherche de fonds.

Au-delà des questions de survie financière, l’action en partenariat avec les organisations du Nord est motivée par un triple intérêt :

1. L’opportunité de participer à des espaces internationaux pour échanger des expériences Sud-Sud et Nord-Sud.

2. La nécessité de faire pression et d’influer sur les décisions pour faire changer les choses dans leurs propres pays et au niveau international. A ce propos, les alliances sont désormais indispensables pour faire face. « Il faut trouver plus d’alliés dans le Nord pour faire face aux injustices et aux discriminations » (Danny Singoma, RDC).

3. Une meilleure visibilité sur le plan national et international.

Toutefois, le travail en partenariat est complexe pour les organisations du Sud. A côté de la forte dépendance financière, il faut suivre les logiques, les normes et les modèles imposés par les différents associés du Nord. « Plus nous travaillons avec la base, plus nous rencontrons des difficultés de compréhension de ces instruments de suivi, planification de projets, élaboration de budget et plan stratégiques, entre autres » (Mário Monis, Cap Vert). De surcroît, par manque d’harmonisation entre les différents bailleurs de fonds, ces exigences varient et les instruments n’arrêtent pas de changer, ce qui met les organisations du Sud sous pression pour y répondre, les obligeant à consacrer une partie importante de leur temps d’action à ces questions administratives.

A cela s’ajoutent les incompréhensions d’ordre culturel -les bailleurs connaissent mal les contextes locaux-, et les nombreuses difficultés de communication dues à la précarité des infrastructures et à leur coût élevé.

Besoins de formation

Les subsides d’Etat pour la formation permanente des agents de développement sont quasiment inexistants et les formations offertes dans les différents pays sont en général payantes et trop chères. Lorsqu’elles sont gratuites, le public est beaucoup trop large et la qualité, souvent, laisse à désirer.

Dans les conditions précitées, il n’est pas surprenant que les besoins institutionnels de formation sur le volet technico-administratif arrivent au premier plan : instruments de gestion et de redevabilité tels que l’élaboration de plans stratégiques, la planification et le suivi de projets, la gestion financière et administrative.

A cette première catégorie s’ajoute la nécessité de se former aux méthodes de négociation et aux techniques de communication pour améliorer les relations de partenariat et la recherche de fonds.

Un autre ensemble de besoins prioritaires s’articule autour d’aspects plus politiques et conceptuels et qui abordent la question fondamentale du changement politique et social. Il s’agit de formations plus proches de l’éducation au développement, sur les enjeux de la coopération internationale, la place du développement durable, le rôle des différents acteurs et le plaidoyer, entre autres aspects.

L’éducation populaire et le développement communautaire sont également très présents dans la liste des besoins exprimés : méthodologies d’intervention, méthodologie participative et pédagogie active, exercice et défense des droits humains, approche de genre et développement, techniques d’animation, techniques de production et de transformation des produits, de renforcement sur les questions du leadership féminin et sur les questions liées aux identités culturelles. Dans ce domaine, est également soulignée l’importance du lien entre l’endogène et l’exogène, aussi bien dans les pays des agents que dans l’international. « Il est impensable de penser le développement durable sans une synergie active avec des associés internationaux, c’est à dire sans un mariage entre les savoirs locaux et les connaissances exogènes » (Braima Sambù Dabö, Guinée-Bissau).

Innovation et formation

Pour les personnes interviewées, il est important de construire des formations à plusieurs, de partager les expériences et de prévoir le transfert des connaissances. Les rencontres autour de besoins communs offrent des opportunités pour observer, échanger, se former mutuellement et croiser les regards. « Un programme d’échanges reviendrait moins cher que d’organiser des séminaires. A partir d’échanges de ce type on pourrait créer des réseaux réels et concrets » (Iouri Langlet, Nicaragua).

Dans cet ordre d’idées, les agents de développement émettent des suggestions à travers leurs questions :

1. Pourquoi ne pas envisager un partenariat spécifique entre organisations de formation au Sud et au Nord en vue du renforcement mutuel des capacités et du recyclage des agents de développement, et également pour la recherche de nouvelles méthodes et techniques adaptées ?

2. Pourquoi ne pas construire ensemble de nouvelles démarches et travailler sur la systématisation des expériences pour ensuite les diffuser ?

3. Pourquoi ne pas faciliter l’échange d’expériences et de méthodes entre partenaires au Nord ?