...et tout autant de besoins de formation non rencontrés, par Brigitte Gaiffe
Dans ce numéro, Antipodes a choisi d’aborder le thème des besoins de formation des agents de développement. Pourquoi ce choix et d’abord qu’entendre par « agents de développement ». Comment concevoir les « besoins de formation » ?
Les agents de développement sont des personnes engagées dans une organisation de développement au Sud ou au Nord. Responsables de programmes ou animateurs dans des projets, chargés de projets dans les ONG, les communes, les associations, engagés dans un projet de solidarité internationale, impliqués dans le travail social, l’économie sociale, le syndicalisme, les agents de développement peuvent être des salariés ou des bénévoles.
Depuis sa naissance ITECO a accompagné des personnes dans une réflexion sur l’importance de l’engagement ici et ailleurs. La formation d’agents de développement, d’abord intitulée « formation directe » pour les coopérants, a démarré dans les années nonante.
En 2008, dans un contexte de changement de la coopération, ITECO a considéré nécessaire de réaliser une étude sur les besoins de formation des agents de développement afin de pouvoir ajuster sa formation et proposer de nouvelles offres éducatives à ces acteurs.
Ce numéro d’ Antipodes est donc l’occasion de partager avec un plus grand nombre les conclusions de cette étude et d’inviter d’autres personnes, du Nord et du Sud, à contribuer à la réflexion sur les besoins de formation.
Il est vrai que l’on peut estimer qu’il y a pléthore de formations en Europe mais il est tout aussi vrai qu’il existe tout autant de besoins de formation non rencontrés. Le Sud peut être défini par la coexistence d’une pénurie éducative et des besoins pléthoriques.
Tâchons de poser un regard sur les articles qui vont suivre, pour tenter de comprendre quels sont les types de besoins de formation des agents de développement aujourd’hui. La lecture met en évidence des besoins situés sur plusieurs axes qui mettent en tension des aspects différents, voire opposés :
L’axe des besoins individuels versus les besoins collectifs etu organisationnels.
L’axe des besoins sur les plans technique et administratif versus des besoins sur des dimensions politiques et conceptuelles, et l’apprentissage visant le changement social et politique.
L’axe des besoins de développer des capacités humaines versus la nécessité de nouvelles capacités institutionnelles.
Avec la boussole d’ITECO en perspective, on peut voir que ces besoins se situent autour ou entre quatre pôles.
Des besoins de type identitaires, individuels, motivés par la remise en cause personnelle et professionnelle. Il s’agit alors de renforcer les identités, d’explorer de nouvelles libertés individuelles, de dépasser ses propres limites ou de s’ouvrir à de nouvelles cultures, ou bien d’acquérir de nouvelles connaissances et compétences pour renforcer sa position d’acteur et prendre de nouvelles responsabilités en « grimpant » dans l’échelle sociale. Ces besoins sont traités notamment dans l’article sur des femmes Africaines dans un parcours de formation en Belgique (pages 16 à 23 de ce numéro).
Des besoins liés au contexte et à la réalité des actions. Nous percevons dans ce cadre contextuel deux catégories de besoins qui peuvent paraître opposés mais sont peut-être complémentaires :
Des besoins guidés par la nécessité de répondre aux exigences qui entourent les projets et les programmes de développement et notamment la recherche de fonds. Pour obtenir des financements, il faut s’adapter aux logiques pratiquées par les bailleurs de fonds et les institutions internationales. Il s’agit essentiellement de besoins en termes de compétences technico-administatives sur les questions financières, économiques et de gestion, ainsi que des stratégies de mobilisation de fonds et des techniques de communication, de négociation ou de rédaction de projets.
Des besoins en éducation au développement axés sur la compréhension et l’analyse du contexte, des enjeux des acteurs et du sens de l’action, avec pour objectif le changement social et politique.
Des besoins concernant la recherche d’un véritable partenariat Nord-Sud pour se faire des alliés et mieux collaborer, des besoins situés au-delà des aspects financiers et de gestion, et qui vont dans le sens d’une meilleure connaissance mutuelle et d’échange de savoirs, de mise en place de lignes politiques communes et de création d’alternatives.
Des besoins inspirés par l’action et les exigences de la pratique de terrain.
Des besoins en termes d’approche et de méthodologie d’intervention (développement communautaire, pédagogie active), de techniques d’animation et de production d’outils avec des objectifs d’apprentissage, de pouvoir lier pratique et théorie, comme dans l’éducation populaire.
Des besoins nés d’intérêts collectifs pour générer plus de démocratie à la base ou créer des rapports de force en apprenant à renforcer la capacité d’être un acteur collectif de changement du système social, économique, culturel et politique.
Des besoins d’accompagnement : par exemple, pour l’insertion de jeunes dans des projets de solidarité internationale.
En plus on peut questionner l’évolution des besoins qui entraînent une urgence pour tout ce qui est technico-administratif plutôt qu’une attention portée sur les questions de fond, de sens des actions, en vue de leur impact social réel.