Un tour d’horizon de la corruption et de l’usage qu’on en fait en Afrique centrale, par Marie-Agnès Leplaideur, Albert-Baudouin Twizeyimana, Silvère Hicuburundi, Thaddée Hyawe-Hinyi et Beatriz Camargo
La lutte contre la corruption, qui ruine les économies et détruit les sociétés, est à l’ordre du jour dans les pays des Grands Lacs. Au Rwanda, les sanctions sont sévères contre les corrompus que ce soient des personnalités haut placées ou des élus de base. Au Burundi, le gouvernement fait des coups d’éclat à l’approche des élections sans réussir à convaincre de sa volonté de s’attaquer aux plus grands corrompus. En RD Congo, les mots d’ordre sont là, mais leur application, encore timide, est très variable selon les régions et les villes. Dans la plupart des cas, il s’agit plus de punir que de prévenir, de montrer du doigt que de donner l’exemple.
Selon l’indice de perception de la corruption dans les administrations publiques publié par Transparency international, en 2009 c’est le Burundi qui est le moins bien classé parmi les pays de la région : 168e sur les 180 pays mesurés, il a perdu 37 places en deux ans ! La RD Congo continue à descendre elle aussi dans le classement : de la 150e place en 2007 à la 162e en 2009. Seul le Rwanda remonte de la 111e à la 89e place.
La corruption dans ces pays n’est pas seulement le fait de fonctionnaires très mal payés qui profitent de leur poste pour arrondir leurs fins de mois ou de gens du pouvoir qui puisent dans les caisses de l’Etat. Elle gangrène aujourd’hui toutes les couches et toutes les activités de la société : l’école, la médecine, l’université, les Églises… Beaucoup trouvent normal de devoir graisser la patte pour obtenir ce à quoi ils ont droit, pour passer devant les autres, pour ne pas payer ce qu’ils doivent...
Sans même chercher parfois à suivre les procédures normales, à s’interroger, à réclamer son dû ou des documents officiels. Des parents payent pour que leurs enfants passent au niveau supérieur à l’école. Des étudiants achètent leurs mémoires de fin d’études. D’autres glissent un billet pour avoir une attestation de santé, un faux document d’identité…
Ceux qui refusent cet argent et le service qu’on leur demande sont souvent mal vus, comme s’ils se mettaient à l’écart de la société. De nombreux jeunes, qui ne savent pas toujours comment fonctionne un État de droit qu’ils n’ont jamais connu, participent aussi à ce jeu de la corruption à tout va et pour tout, comme le montrent les innombrables fraudes dans les universités, particulièrement en RDC. Sans être conscients qu’ils sapent les fondements d’un État de droit démocratique qu’ils appellent pourtant de leurs vœux, ils remettent à plus tard le développement économique tant attendu pour sortir de la misère, se ligotent chaque jour un peu plus vis-à-vis de ceux qui veulent exploiter leurs richesses ou contrôler leurs dépenses… Leurs aînés actuellement au pouvoir ne leur donnent guère l’exemple.
Au moins deux tiers des maires rwandais et leurs adjoints ont dû rendre leur tablier deux ans avant l’expiration de leurs mandats. Sur 556, près de 300 ont démissionné spontanément ou ont été contraints de le faire. Ainsi, à l’heure actuelle, seuls huit des trente maires élus directement sont encore en exercice. Nombre de ces élus sont poursuivis pour détournement de fonds publics, mauvaise gestion ou corruption.
« Pour ces postes qui rémunèrent bien, le pouvoir impose ses fidèles qui, une fois en place, s’attellent à s’enrichir aux dépens des populations », constate un habitant de Kigali. Les tentations sont fortes : un maire de district décide de toutes les entrées et sorties de caisse. Il a un droit de regard sur tous les projets opérant dans son entité, l’attribution des marchés publics et autres domaines.
« Comme la lutte contre la corruption est en vogue, on accuse chacun à tort ou à raison d’être corrompu, car souvent ces postes politiques sont pris pour des portes ouvertes aux pots de vin », remarque-t-il. Pour Protais Musoni, ancien ministre de l’Administration locale, nombre de ces élus qui ont quitté leur poste se sont aussi révélés incompétents dans l’exercice de leurs fonctions. « Ces élus sont dépassés, car ils doivent coordonner différentes tâches », estime-t-il.
Cependant, cet ancien maire de l’un des districts du Sud, qui est parti à contre cœur, regrette qu’un petit groupe décide d’exercer une pression sur un élu et finisse par le mettre dehors, même quand il a la confiance de ses administrés. « Un dignitaire du parti au pouvoir ou le conseil consultatif du district exigent souvent des élus de démissionner sans souci de leurs réalisations en faveur de sa population », estime ce maire démissionnaire de la province du Sud. Quand il s’agit de pousser dehors un élu, les électeurs ne sont pas consultés. Certains districts ont des élections chaque année. En trois ans de mandat, trois maires se sont succédés dans chacun de ces districts. « Nous sommes fatigués de voter pour les dirigeants qui ne restent pas assez longtemps en place pour exécuter les projets de développement prévus au cours d’un mandat », se plaint un habitant de Kigali, au lendemain de la démission du maire de la ville en novembre 2009.
« Auparavant, des postes politiques étaient qualifiés d’alimentaires, aujourd’hui ils sont dits postes avant prison », affirme un secrétaire exécutif de Kigali. Actuellement, quiconque est suspecté de mauvaise gestion est envoyé en prison avant même son jugement. « Depuis que le gouvernement a adopté la tolérance zéro contre toutes sortes de corruptions et de mauvaise gestion des deniers publics, les hauts placés sont les premiers à être poursuivis en justice pour des abus financiers », remarque un agent de Transparency Rwanda, qui estime que « la bonne manière de lutter contre la corruption, ce n’est pas d’envoyer en prison les coupables mais de mettre en place un bon mécanisme de contrôle et de transparence ». Les tribunaux doivent à présent contraindre les coupables de détournement de fonds publics à restituer tout ce qu’ils ont pris en plus du paiement des amendes.
Pourtant, les candidats à ces postes continuent à se bousculer. Certains disent qu’ils sont prêts à faire de la prison après avoir gonflé leurs caisses. D’autres s’y engagent pour améliorer la gestion des fonds publics.
Le président burundais a limogé, en novembre 2009, son ministre de l’Énergie, Samuel Ndayiragije, pour « manquements graves dans l’exercice de ses fonctions ». La décision a particulièrement soulagé les députés qui, depuis plus de deux semaines, menaçaient de déposer une motion de défiance pour demander son renvoi du gouvernement. L’ancien ministre paie pour avoir décidé seul d’éponger, pour des raisons encore obscures une dette de plus de 30 millions de dollars que la Société internationale d’électricité des pays des Grands Lacs (copropriété du Rwanda, du Burundi et de la République démocratique du Congo) devait au Burundi. « Je reconnais avoir pris cette décision, mais c’était pour des raisons politiques, car ce sont des pays amis du Burundi qui nous ont aussi assistés pendant la guerre », a-t-il expliqué, sans convaincre. « Le ministre l’a fait tout en sachant ce qu’il risquait : c’est ainsi qu’il doit avoir préalablement empoché de l’argent liquide en échange de son aval », soupçonne, sous le sceau de l’anonymat, un député de l’opposition.
Pour réprimer les brebis galeuses, le gouvernement a mis en place, depuis 2007, des structures spécialisées – la cour et la police anticorruption – qui enquêtent et traitent les dossiers. À l’approche des élections générales, les autorités semblent relancer une campagne anti-corruption. Les députés et la société civile veulent eux la condamnation des grands commis de l’Etat qui n’hésitent pas à faire passer leur gain personnel avant l’intérêt général ; ils dénoncent les marchés publics irréguliers aussitôt qu’ils sont démasqués. « Les protestations tous azimuts suscitées par un contrat irrégulier de vente de quelques entreprises de l’État burundais à une société libyenne, signé incognito par un chef de cabinet au ministère du Commerce ont permis de le suspendre in extremis », rappelle un membre de l’Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques, une association indépendante.
Profitant de l’imminence de la Journée internationale dédiée à la lutte contre la corruption, le 9 décembre, les organisations de la société civile réclament qu’on fasse la lumière et qu’on prenne des sanctions contre les corrompus et les corrupteurs dans certains secteurs notoirement gangrenés par la corruption, les malversations économiques et autres détournements de deniers publics : justice, services des douanes et des impôts, etc. Les cadres et agents des douanes sont particulièrement visés. « D’énormes quantités de produits importés passent sans frais de dédouanement grâce à tout un réseau de complices dans la police et la douane », confie Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome. « En fait, cela devrait être un combat de tout le monde, car la corruption enrichit une poignée de gens et appauvrit tout un peuple », ajoute-t-il.
Publié en septembre, le rapport de cette organisation indique que, pour le seul premier semestre de cette année, ces fraudes ont fait subir au Trésor public un préjudice de près de 40 millions de dollars. « Cela correspond au prix d’au moins dix centres de santé pour soigner la population et cela va dans les poches de quelques individus », s’indigne Anatole Kariyo, un commerçant. Les plus grands dossiers impliquent généralement les gens du pouvoir et du monde des affaires les plus hauts placés, notamment dans l’attribution des marchés publics. Aujourd’hui, l’un des dossiers, qui refait surface grâce à la détermination des députés, est en rapport avec la vente controversée du jet présidentiel, un Falcon 50, en 2006. « C’est un avion qui a été vendu à vil prix et dans des conditions irrégulières. Une commission d’enquête parlementaire qui a planché sur ce dossier a rendu son rapport. Nous demandons qu’il soit rendu public et que les coupables soient sanctionnés », déclare Léonard Nyangoma, président du parti d’opposition, CNDD.
Les diplomates burundais accrédités dans d’autres pays sont aussi visés par cette campagne. Ceux qui sont coupables risquent de finir leur odyssée à la prison centrale de Bujumbura. En octobre, Salvator Ntacobamaze, ambassadeur au Kenya, a été rappelé et incarcéré pour détournement de fonds. Pour les mêmes raisons, il a été rejoint au cachot par Léopold Ndayisaba, ambassadeur en Italie. Malgré ces arrestations spectaculaires, le combat est loin d’être gagné. « A vrai dire, tout ça c’est pour faire semblant de sévir et gagner la sympathie de l’électorat, mais les as de la corruption sont tranquilles », conclut Alexandre Nahayo, consultant. Comme pour prouver qu’il y a encore du chemin à faire, Ernest Manirumva, vice-président de l’Olucome, la principale association anticorruption, a été assassiné en avril 2009. Il enquêtait sur les grands dossiers de corruption.
« Un Congo sans corruption est possible » : c’est le slogan de la campagne « tolérance zéro » organisée par la Synergie des acteurs de lutte contre la corruption et l’impunité, Salcori, en septembre dernier à Bukavu, à l’est de la RD Congo. « Les régies financières, les agents de l’ordre, des renseignements et des services publics ainsi que les autorités politico-administratives ont été sensibilisés contre la corruption et les antivaleurs », explique Jean-Claude Meya, membre de la Salcori.
Calicots sur la place publique, émissions radio et télévisées, visites dans les bureaux des services publics, conférences sur les marchés : tout a été mis en œuvre pour toucher de nombreuses personnes. Une caravane a clôturé cette semaine de sensibilisation. La semaine suivante, l’inspecteur général de la police de circulation routière a demandé que les policiers cessent d’arrêter les véhicules. « Mes recettes journalières avaient augmenté et je pouvais terminer le travail avant la nuit », se réjouissait alors un taximan. Mais début novembre, les policiers ont recommencé à tendre la main aux chauffeurs….
Pour le peuple, cette campagne est une supercherie. Les gens soupçonnent certaines organisations de la société civile tenues par les politiciens de jouer un double jeu. Ils sont découragés par le niveau élevé de corruption et d’impunité des politiciens qu’ils ont élus il y a trois ans. « On constate du népotisme ; les ressources nationales sont inégalement réparties et l’impunité s’institutionnalise », constate maître Julienne Mushagalusa. Selon Salvator Mubalama, animateur de Solidarité pour le développement de Kaniola, « une lutte anti-corruption où le pouvoir en place n’est pas à l’avant-garde n’est que démagogie ». Cependant pour D. Sango de Salcori, ces premiers pas sont « l’annonce d’une lutte acharnée qui va être menée contre les antivaleurs et une détermination d’exiger du pouvoir qu’il soit plus responsable, car tout n’est pas encore perdu ».
Mais il y a fort à faire. « La faible citoyenneté responsable fait que la plupart des gens banalisent la corruption », constate Sylvain Masirika, d’Humanité sociale. L’État, qui emploie le plus grand nombre de salariés, ne respecte pas le salaire minimum garanti pour le personnel de la fonction publique. « La modicité du salaire et l’absence de retraite des agents de la fonction publique imputables aux dirigeants et l’irrégularité dans le paiement sont à la base de la corruption vécue en milieu professionnel », explique maître Idesbald Byabuze.
D’autres, parmi les opérateurs économiques, accusent la conjoncture actuelle qu’ils ne font rien pour améliorer. « Même les personnes jouissant d’un revenu important trichent pour s’enrichir de plus belle au nom de la pauvreté », dénonce Martial Rutega, un analyste.
Au sein des institutions, les méthodes de gestion des « cinq chantiers » (voirie, logement, emploi, eau et électricité, santé et éducation) du gouvernement ne rassurent pas. « Sous le prétexte de réhabiliter la voirie urbaine, des ressources financières sont dilapidées sur des petits espaces jamais achevés, dénonce Oswald Rubasha, expert à la permanence de la Société civile du Sud-Kivu. En dehors de quelques kilomètres de routes témoins, les quatre autres chantiers sont laissés pour compte. « Pourtant », constate Adolphe Bandeke, un étudiant, « le Parlement est informé de la mauvaise gestion des affaires de l’État par l’Exécutif, mais il ne le sanctionne pas ».
« La culture de rendre compte, la sanction positive ou négative et l’alternance au pouvoir ne préoccupent pas les dirigeants », estime Jean Bosco Kazamwali, défenseur des droits des personnes du troisième âge.
Conscientes qu’il faut conjuguer leurs efforts pour obtenir des résultats dans la lutte contre la corruption, les associations se répartissent les interventions et échangent sur les méthodes à appliquer. Certaines dénoncent les taxes illicites, exorbitantes et les sous-taxes et « animent des émissions radiodiffusées par lesquelles elles sensibilisent les familles, les écoles et les Églises sur les dégâts que cause la corruption », rappelle Solange Mulinganya, membre de la Salcori. L’Observatoire gouvernance et paix forme les bourgmestres et les chefs de quartier à la citoyenneté responsable.
Le Centre d’étude et de formation sur la gestion et la prévention des conflits dans la région des Grands Lacs, une branche de l’Université catholique de Bukavu, a, lui, produit des affiches où on peut lire « La corruption appauvrit le corrupteur » ou « Non à tout paiement sans quittance ». Ce centre vulgarise les lois qui répriment la corruption et mène des actions de plaidoyer auprès des élus du peuple pour qu’ils votent des lois poussant corrompus et corrupteurs à renoncer à ces pratiques.
La République Démocratique du Congo semble rencontrer les mêmes problèmes que le Brésil. Le fameux « jeitinho brasilero » (le « système D », pour « débrouille », appelé aussi au Congo « l’article 7 ») est présent : cette façon de contourner les normes et d’agir dans l’informel, moyennant argent ou bien par jeu d’influences, de faire des manières voire des magouilles quand les solutions officielles manquent. La misère, l’informalité du marché du travail, le manque de services de base, les politiciens qui donnent leur propre nom aux rues, aux avenues et aux écoles… Tout cela me semble connu, ce qui me fait me sentir plus ou moins « à la maison » à Kinshasa, plus qu’en Europe (et surtout plus qu’en Belgique, pays où je passe mon temps à convaincre les Belges de la chance qu’ils ont d’avoir un système de sécurité sociale et sanitaire qui fonctionne). Je me suis aperçue que voir le Congo et l’Afrique pour la première fois a été un choc moindre pour moi que celui éprouvé en rencontrant les Européens.
J’ai été à Kinshasa, en RD Congo, dans le cadre d’un stage au sein de l’ONG Protection International, une organisation qui travaille pour la protection des défenseurs des droits de l’homme. En RDC, où Protection International est présente depuis six ans, nous avons organisé une conférence de presse, et c’est pourquoi nous sommes restés trois semaines dans le pays. La conférence de presse se basait sur le rapport d’un procès contre les inculpés de l’assassinat du journaliste congolais Serge Maheshe.
Serge Maheshe, assassiné à Bukavu en juin 2007, était le chef de rédaction de radio Okapi. En novembre 2008, un autre journaliste, Didace Namujimbo, du même comité de rédaction, a également été assassiné. D’autres cas de journalistes assassinés ont été relevés, tous dans des circonstances encore très obscures.
Pour revenir au parallèle entre le Congo et le Brésil, il faut bien avouer qu’en RDC, les proportions du « système D » sont tout autres, même si selon le classement de Transparency International pour 2008, la RDC se trouve deux places en dessous du Brésil en ce qui concerne la perception de la corruption. En RDC, les fonctionnaires publics ne sont pas rémunérés, ou bien ils touchent leur salaire avec beaucoup de retard et gagnent très peu.
« Comment donc lancer un programme de combat contre la corruption si les personnes ne reçoivent pas de salaire ? » nous a dit un avocat congolais qui travaille pour les Nations unies, alors que nous parlions de la corruption du système judiciaire. Durant tout mon séjour, j’ai pensé à différentes manières de pouvoir exercer une pression internationale pour obliger un Etat à payer ses fonctionnaires. Les grèves y sont fréquentes, mais je ne suis pas parvenue à déterminer l’effet qu’elles ont. Durant les trois semaines de mon séjour à Kinshasa, j’ai pu voir de près la grève des médecins et celle de la douane (cette dernière, de très près !).
Le problème et ses variantes se manifestent dans tous les secteurs de la société. Je vais parler du secteur professionnel qui m’affecte plus directement, le journalisme.
En vérité, il n’existe pas de journalisme professionnel au Congo. On peut oublier les concepts d’ « information », de « journalisme indépendant », d’ « impartialité ». Pour qu’un sujet paraisse dans la presse, il faut payer. Sinon, même si le journaliste s’est rendu à l’événement, il n’est pas certain que son sujet sera publié ou passera à l’antenne. Et le prix est presque préfixé ! Les journalistes signent leur reçu et tout. Que le sujet soit important ou non, qu’il ait un ou non un intérêt public, cela n’a aucune importance.
En outre, même si les journalistes se rendent sur le lieu et que le sujet est déjà « vendu », il n’est pas certain que ces derniers comprennent le point de vue que l’émetteur souhaite transmettre. C’est pourquoi il est bon de préparer un texte « de base » afin de orienter la presse au mieux. Dans certains cas, le travail du journaliste est inexistant, excepté la retranscription de ce qui lui a été donné par les organisateurs de la conférence de presse.
Mais les influences s’entrecroisent. Certains médias sont clairement liés au Gouvernement, il est dès lors difficile de véhiculer des critiques sur ce dernier. Récemment, j’ai entendu le témoignage d’un journaliste congolais exilé en France qui complique davantage les enjeux d’intérêts : le Gouvernement serait en train de financer des médias pour les avoir sous contrôle… Je ne sais pas comment cela se passe, alors. Le poisson ne revient-il pas à celui qui le paye le plus cher ?
Sortir de cette situation est complexe : la majorité des journalistes ne reçoit pas de salaire, beaucoup ont à peine un contrat verbal après des années de travail. Les rentrées de la publicité sont maigres et ne reviennent pas aux journalistes. Alors, pour ne pas mourir de faim…
Heureusement, il existe quelques rares et précieuses exceptions comme des petits médias alternatifs, qui fonctionnent grâce à un financement international, la radio Okapi (en partenariat avec les Nations unies et la Fondation Hirondelles), qui couvre tout le Congo, ainsi que l’ONG Journalistes en danger. Ces organisations, de par leur position un peu plus indépendante, souffrent des pressions gouvernementales et de l’opposition (le coup classique de « celui qui critique est contre »). Il existe une très grande autocensure des journalistes de tous les médias. Il s’agit dès lors d’un facteur de plus dans l’imbroglio politique congolais.