La crise alimentaire n’est pas une nouveauté mais elle frappe avec renouveau et de plein fouet les populations pauvres urbaines qui voient le prix de la nourriture s’envoler, par Antonio de la Fuente
En matière alimentaire, la situation du monde est catastrophique, affirme Marcel Mazoyer, qui fait autorité en la matière. Les paysans pauvres et extrêmement pauvres représentent presque la moitié de la population mondiale. La plupart d’entre eux souffrent de graves carences alimentaires et presque un milliard ont faim une bonne partie de l’année.
Le développement agricole et économique des trente ou quarante dernières années, continue Mazoyer, a enregistré des progrès qui ont permis de nourrir à peu près correctement un milliard d’habitants supplémentaire, étant donné que la population mondiale est passée de trois à six milliards dans cette même période. Cela n’empêche pas néanmoins qu’il reste deux milliards de personnes carencées et 830 millions d’entre elles qui ont faim. Et, comme le dit une paysanne haïtienne, « des paysans sont obligés d’aller vers les villes pour acheter de la nourriture ! ».
La crise alimentaire n’est donc pas une nouveauté. Elle frappe pourtant avec renouveau et de plein fouet les populations pauvres urbaines qui voient le prix de la nourriture s’envoler. Les émeutes de la faim qui ont éclaté dans plusieurs grandes villes d’Afrique, Asie et Amérique en sont une conséquence.
En cause, la diminution des surfaces productives, la production d’agrocarburants, la désertification, la hausse du prix du pétrole, des politiques agricoles désastreuses, la spéculation, l’augmentation de la consommation... La crise n’est donc pas uniquement agricole, elle est ‘alimenterre’.
En même temps, un peu partout dans le monde, plusieurs réactions se profilent. De la demande pour l’augmentation du pouvoir d’achat à la remise en question du modèle de production et de consommation alimentaire même dans les pratiques quotidiennes. Pour sa part, les ONG destinent des ressources à combattre la faim, à sensibiliser les publics et les décideurs à la question complexe de la souveraineté alimentaire. Avec quels résultats ?
Il est vrai que la notion de souveraineté alimentaire se laisse difficilement réduire à quelques slogans et est souvent parasitée par des contenus proches du protectionnisme et du nationalisme. Néanmoins, il est indispensable d’aborder le problème dans sa complexité pour que le vieux défi d’en finir avec la faim dans le monde puisse être relevé.