Disney en Chine, l’envers du décor

Mise en ligne: 4 janvier 2007

Doigts écrasés ou amputés, membres mutilés, de nombreux ouvriers sont aussi
victimes de l’utilisation de machines non sécurisées à des rythmes effrénés, un texte de Cyberacteurs

Jouets, livres, vêtements, films, émissions de télé et parcs d’attractions,
voilà avec quoi Disney a fait rêver des générations d’enfants depuis sa
création en 1923. Avec près de 32 milliards de dollars de chiffre d’affaires
en 2005, cette multinationale est aujourd’hui l’un des plus grands groupes
de divertissement du monde. Mais à en croire les conditions dans lesquelles
travaillent les ouvriers chinois qui fabriquent ses produits, le monde
merveilleux
de Disney a viré au cauchemar... Dans un rapport qu’elle vient
de publier, la Sacom [1], une association d’étudiants et d’universitaires de
Hong Kong qui se bat pour la défense des droits des travailleurs, révèle
l’envers du décor chez plusieurs sous-traitants de Disney en Chine et
dénonce la passivité de la compagnie face à la violation systématique des
droits des travailleurs.

Une première enquête menée par la Sacom durant l’été 2005 auprès de quatre
usines sous-traitantes de Disney situées dans des zones industrielles de la
province du Guangdong [2], avait révélé de multiples violations des droits
des travailleurs. Durant l’été 2006, une nouvelle investigation a été
réalisée auprès de trois autres fournisseurs de Disney [3] et la Sacom a
ainsi pu constater, avec dépit, que les problèmes dénoncés dans son premier
rapport sont très loin d’être résolus.

Graves violations des droits des travailleurs

Les rapports de la Sacom font état des salaires de misère des ouvriers dans
ces usines. Nettement inférieurs au minimum légal [4], ceux-ci varient en
outre considérablement en fonction des mois. En morte-saison, lorsque les
commandes se raréfient, faute de travail, les ouvriers sont contraints de
prendre des jours de congé sans solde comme en témoignent des employés de la
fabrique de jouets de Kam Long, obligés de prendre jusqu’à 16 jours de congé
en un mois. Pendant ces périodes creuses, les salaires diminuent quasiment
de moitié. Même pendant la saison pleine, quand les commandes affluent, les
salaires restent trop bas pour assurer un niveau de vie convenable.
Pourtant, les ouvriers travaillent alors entre 11 et 16 heures par jour et
certains confient même avoir été contraints de travailler jusqu’à 30 heures
d’affilée pour honorer les délais d’une commande. Mais les nombreuses heures
supplémentaires imposées aux travailleurs ne sont pas rémunérées au taux
légal [5], ni même parfois comptabilisées. Pendant ces périodes, les ouvriers
travaillent six ou sept jours par semaine et ne sont pas autorisés à prendre
un jour de repos, même en cas de maladie. S’ils refusent ces conditions, les
ouvriers s’exposent à des retenues arbitraires sur leurs salaires, voire au
licenciement. Afin de dissuader ceux qui voudraient quitter ou dénoncer
l’entreprise, un à deux mois de salaire sont retenus par la direction en
dépôt et les contrats de travail ne leur sont pas communiqués.

Doigts écrasés ou amputés, membres mutilés, de nombreux ouvriers sont aussi
victimes de l’utilisation de machines non sécurisées à des rythmes effrénés.
La manipulation de produits chimiques dangereux sans protection adéquate, le
défaut d’information sur les différentes mesures de sécurité liées à la
manipulation de ce type d’appareils et de produits, ainsi que la chaleur
insoutenable qui règne parfois dans les ateliers, sans compter
l’alimentation peu équilibrée servie aux travailleurs, sont autant de
facteurs de dégradation des conditions d’hygiène et de sécurité sur le lieu
de travail. Dans ces usines, les accidents du travail sont quasiment
quotidiens et les travailleurs blessés ou malades ne peuvent généralement,
faute de moyens, accéder aux soins, car la direction ne finance que très
rarement l’assurance sociale comme le prévoit pourtant la loi.

L’inefficacité du Code de conduite et des audits de Disney

Les conditions de travail observées chez les sous-traitants de Disney sont
contraires à la fois à la législation chinoise et au propre Code de conduite
de Disney
, dans lequel l’entreprise s’engage à adopter "une conduite
responsable et éthique" et à "respecter les droits de tous les individus". Disney a beau se targuer d’avoir réalisé des dizaines de milliers
d’audits, supposés permettre l’application effective des dispositions de son
Code, les enquêtes révèlent que ces audits sont inefficaces. Dans la
pratique, la direction des usines auditées est informée à l’avance de
l’arrivée des inspecteurs et a donc le temps de fabriquer de faux contrats
de travail et de fausses fiches de paye avant l’arrivée des inspecteurs.
L’un des ouvriers de la manufacture de Qi Sheng témoigne de "formations"
organisées pour permettre aux travailleurs de mémoriser des réponses toutes
faites aux questions des inspecteurs. Les travailleurs sont incités, par le
biais de primes et de menaces de licenciement, à donner ces " bonnes
réponses ". Le jour de l’audit, certains sont congédiés pour la journée,
d’autres sont affectés à une autre usine, et seul un petit nombre
d’ouvriers, pré-selectionnés, restent sur leur lieu de travail.

Soutenez l’appel de la Sacom et exigez de Disney que les cadeaux de nos
enfants ne soient plus fabriqués dans la douleur, avec "la sueur, le sang
et les larmes des travailleurs chinois"
 [6].

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[1Students and Scholars Against Corporate Misbehaviour, Hong Kong

[2Nord Race Paper International et Lam Sun à Dongguan, Hung Hing Printing à Shenzhen et Hung Hing Printing and Packaging à Zhonghan

[3Les usines Huang Xing et Qi Sheng à Shenzhen, et Kam Long à Zhuhai

[4Les travailleurs sont payés entre 2,04 et 3,41 yuans par heure (entre
0,19 et 0,32 euros) selon les entreprises, tandis que le minimum légal est
fixé à 4,02 ou 4,12 yuans par heure selon les endroits

[5Entre 500 et 1000 yuans par mois (entre 47,7 et 95,4 euros)

[6Lettre de la Sacom à Robert Iger, PDG de la Walt Disney Company