Global Compact

Mise en ligne: 19 septembre 2006

Un engagement sans contrôle, par André Linard

Printemps 2004 : visite au Musée Cointreau, à Angers. Inévitablement remontent à la mémoire les conflits sociaux en Haïti sur les plantations d’oranges amères qui fournissaient la matière première à la firme, et où les conditions de travail étaient qualifiées par les travailleurs de « quasi esclavagistes ». A partir de 2000, il y eut des grèves, des menaces, des arrestations arbitraires de syndicalistes, des morts.

Juridiquement, une société n’est pas responsable des relations sociales chez ses fournisseurs. Mais un nombre croissant d’entreprises se préoccupent des conditions de travail chez leurs sous-traitants, par des chartes, des codes de conduite, etc. Interrogés aujourd’hui sur les mesures prises pour disposer de garanties à ce sujet, les responsables de Rémy-Cointreau répondent avoir adhéré, depuis 2003, à l’accord appelé Global Compact (Pacte global).

La déclinaison onusienne de la responsabilité sociale des entreprises s’appelle Global Compact, la charte globale. Même cautionnée par les organisations à vocation sociale des Nations unies cette charte laisse apparaître de nombreuses faiblesses.

Créé sous l’égide des Nations unies, ce Pacte est un appel aux entreprises à s’engager au respect de neuf principes de base : les droits humains, des principes environnementaux et d’autres liés au travail, dont la liberté syndicale et l’interdiction du travail des enfants. Le PNUD et l’OIT patronnent cette initiative avec d’autres organes des Nations unies, tandis qu’y sont associés des partenaires du monde de l’entreprise (la Chambre de commerce internationale, l’Organisation mondiale des employeurs...), des organisations de droits humains (Amnesty international...) et des syndicats (la CISL).

Un rapport, sans plus

Le Pacte mondial, lit-on sur son site, « n’est pas un instrument de réglementation - il ne sert pas à sanctionner, à dicter ou à évaluer le comportement ou les actions des sociétés. Il s’appuie plutôt sur la responsabilité à l’égard du public, la transparence et l’intérêt à long terme des sociétés, du monde du travail et de la société civile ». Plus de 1400 entreprises y ont adhéré, dont cinq firmes belges : Dexia (banque), DHL (courrier), Efico (alimentaire), Groupe Antilope (technologie), Bosal international (échappements automobiles). Leur engagement n’est ni contraignant, ni contrôlé. Il leur est demandé de publier des informations sur la manière dont elles mettent leur engagement en œuvre. Il serait intéressant de décortiquer le langage de Global Compact ; par exemple, de constater que la liberté syndicale n’est pas mentionnée ; les entreprises sont simplement « invitées à respecter la liberté d’association et à reconnaître le droit de négociation collective », alors que sur des principes moins controversés, le texte est plus net, évoquant par exemple « l’élimination de toutes les formes de travail forcé ou obligatoire ».

Global Compact fait l’objet de nombreuses critiques sur l’absence de caractère obligatoire et de contrôle indépendant des sociétés elles-mêmes. La Fédération internationale des droits de l’homme, par exemple, évoque un risque d’opportunisme des entreprises, qui pourraient utiliser la caution de s Nations unies pour couvrir des pratiques attentatoires aux droits humains, sans contrôle possible. Elle ajoute que « le Global Compact consacre un renversement inquiétant : les droits de l’homme sont proposés aux entreprises comme une disposition facultative, alors qu’ils devraient s’imposer à elles. » En Suisse, souligne Frédéric Burnand dans Swissinfo, les principales organisations de coopération mettent le doigt sur le fait que « aucun mécanisme indépendant ne nous permet de vérifier si les multinationales tiennent bel et bien leurs engagements ». Ces critiques sont la traduction à un cas particulier, de celles portées, en général, à la responsabilité sociale des entreprises. Vaut-il mieux un petit pas limité, voire ambigu, plutôt que le statu quo ? Des engagements volontaires plutôt que d’hypothétiques législations ?