Plaidoyer pour la recherche-action

Mise en ligne: 16 décembre 2010

La collecte systématique d’informations conçue pour révéler les changements sociaux, l’autre manière d’évaluer, par Mark K Smith

L’évaluation fait partie intégrante de l’éducation, bien qu’elle puisse être vécue comme un fardeau et une intrusion inutile. Dans cet article, nous explorons la théorie et la pratique de l’évaluation ainsi que quelques notions fondamentales pour les acteurs éducatifs du travail social. Plus concrètement, nous considérons les éducateurs en tant qu’artisans-experts et acteurs critiques, et analysons comment ils peuvent approfondir leurs bases théoriques pour devenir des chercheurs dans la pratique.

Beaucoup a été écrit sur l’évaluation dans les processus éducatifs. Cependant, une bonne partie de ces écrits induit en erreur ou reste peu claire. D’autre part, de nombreux acteurs éducatifs du travail social se méfient de l’évaluation, car elle leur parait imposée de l’extérieur : c’est quelque chose que l’on nous demande de faire, ou que l’on nous impose. Selon Gitlin et Smyth, malgré son origine latine qui signifie « renforcer » ou « rendre autonome », le terme a pris avec le temps un sens numérique (aujourd’hui, l’évaluation porte largement sur la mesure des choses) et peut facilement glisser vers une fin plutôt qu’un moyen. Dans la présente réflexion, nous nous concentrerons sur la manière de ramener au centre du processus les questions portant sur la valeur (plutôt que la valeur numérique).

L’évaluation fait partie intégrante de l’éducation : en tant qu’acteurs éducatifs du travail social, nous sommes constamment appelés à porter des jugements, à théoriser, et à déterminer si les actions en valent la peine. Nous devons ainsi être à la fois artisans-experts et acteurs critiques, selon les mots d’Elliot W. Eisner. Dans cet article, nous explorerons certaines dimensions importantes du processus d’évaluation, les théories qui le fondent, ainsi que l’importance de nous percevoir nous-mêmes comme des chercheurs en action. Nous analyserons aussi certaines problématiques ainsi que le potentiel de l’évaluation du travail éducatif dans le contexte de l’action sociale et communautaire. Cependant, pour commencer, nous devons aborder la notion d’évaluation en tant que telle.

A propos d’’évaluation...

Une grande partie de l’intérêt actuel pour la théorie et la pratique évaluatives peut être directement relié à la croissance des programmes gouvernementaux (« New Deal » des années trente, programmes contre la pauvreté aux Etats-Unis dans les années soixante... Ainsi, depuis les années soixante, l’évaluation a pris son essor en tant qu’activité à part entière : elle est devenue un domaine spécialisé de l’emploi avec ses propres institutions professionnelles et fondée sur un ensemble de théories. Avec les énormes liquidités issues de l’Etat qui affluent vers de nouvelles agences (dont les projets et les programmes sont souvent contrôlés ou influencés par des personnes précédemment exclues du pouvoir politique), les fonctionnaires et les politiciens ont cherché à renforcer leurs méthodes de suivi, de manière à contrôler ou à freiner ce qu’ils considéraient comme des « abus », et à améliorer l’efficacité ainsi que l’efficience de leurs programmes. Une lecture moins charitable dirait qu’ils étaient surtout de plus en plus concernés par la micro-gestion des initiatives et par le contrôle des activités des agences et nouveaux groupes. Ils ont été aidés en cela par le développement de la recherche en sciences sociales. Nous tenons à souligner ici les travaux de Kurt Lewin et l’intérêt pour la recherche-action, après la Seconde Guerre mondiale.

Comme point de repère, commençons par une proposition de définition de l’évaluation : l’évaluation est l’exploration et le jugement systématique des processus de travail et des expériences ainsi que de leurs résultats. Elle s’intéresse particulièrement aux objectifs, aux valeurs, aux perceptions, aux besoins et aux ressources.

Il y a plusieurs éléments à retenir à propos de cette définition.

Premièrement, l’évaluation inclut de collecter, de classer et de porter des jugements sur une information de façon méthodique. Il s’agit d’un processus de recherche.

Deuxièmement, l’évaluation est quelque chose qui est plus qu’un simple suivi. Le suivi consiste en grande partie à « regarder » ou à garder des traces et peut impliquer par exemple des indicateurs de performance. L’évaluation implique de porter des jugements prudents sur la valeur, l’importance et la signification du phénomène.

Troisièmement, l’évaluation est un processus très sophistiqué. Il n’y a pas de moyen simple de porter de bons jugements. Cela implique, par exemple, d’élaborer des critères ou des normes de référence qui soient à la fois significatifs et respectueux du travail réalisé ainsi que de ceux qui y sont impliqués.

Quatrièmement, l’évaluation fonctionne à de nombreux niveaux. Elle est utilisée pour analyser et juger la pratique, les programmes et les projets (voir ci-dessous).

Enfin, l’évaluation, si elle veut avoir un sens, doit examiner les personnes impliquées, les processus et tout résultat identifiable. L’appréciation de la substantifique moelle de tout ceci implique le dialogue. Ce qui implique de se centrer sur l’investigation plutôt que sur la mesure - même si certaines mesures peuvent être nécessaires (Rowlands). Le résultat, c’est que l’on doit mettre l’accent sur la négociation et un accord consensuel concernant le processus d’évaluation, ainsi que les conclusions auxquelles on aboutit.

Trois dimensions clés

Fondamentalement, soit l’évaluation cherche à prouver que quelque chose fonctionne ou est nécessaire, soit elle vise à améliorer la pratique ou un projet (Rogers et Smith). Le premier cas se pose souvent dans le cadre de notre responsabilité et de notre volonté de transparence vis-à-vis des bailleurs de fonds, des gestionnaires et, surtout, des travailleurs de l’organisation. Le second cas est généré par notre désir de mieux faire ce que nous faisons tous les jours. Nous comptons sur l’évaluation pour renforcer notre pratique, notre organisation et nos programmes (Chelimsky). Afin d’aider à donner un sens au développement de l’évaluation, je souhaite en explorer trois dimensions clés et les aspects théoriques qui leurs sont associés.

1. Evaluation le programme ou la pratique ?

De prime abord, il est utile de faire une distinction entre l’évaluation de programmes ou de projets, et l’évaluation de la pratique. Beaucoup de la croissance des pratiques d’évaluation a été généré par la première orientation.

Evaluation de programmes et de projets. Cette forme d’évaluation est généralement soucieuse de poser des jugements sur l’efficacité, l’efficience et la durabilité du travail : l’évaluation y est essentiellement un outil de gestion. Les jugements sont faits pour récompenser l’organisation ou ses travailleurs et pour fournir un retour (feedback) pour l’amélioration ou la modification des actions à venir. Cette première forme d’évaluation pourrait très bien être apparentée à une forme d’octroi de rétributions, primes et bonus, en fonction des résultats et des « succès » rencontrés dans les activités, ou de pénalités pour ceux qui n’ont pas atteint les objectifs fixés, elle conditionnerait les décisions pour accorder ou non des fonds supplémentaires. Cette deuxième forme d’évaluation est donc importante et nécessaire pour le développement d’une action.

L’évaluation de la pratique. Cette forme d’évaluation vise à l’amélioration du travail éducatif entrepris avec les personnes et les groupes, et concerne l’évolution des participants (y compris de l’acteur éducatif de l’action sociale). Elle tend à constituer une partie intégrante du processus de travail. Afin de répondre à certaines situations, les acteurs éducatifs doivent donner du sens à ce qu’il se passe, et se positionner sur la manière d’intervenir (ou non). De même, d’autres participants peuvent également être encouragés à ou décider d’eux-mêmes de porter des jugements sur une situation. En d’autres termes, ils évaluent la situation ainsi que leur part de responsabilité dans la situation. Une telle évaluation est parfois décrite comme éducative ou pédagogique, car elle cherche à favoriser l’apprentissage. Mais ce n’est pourtant qu’une partie du processus, car l’apprentissage concerné est également orienté vers l’avenir ou l’action future. Il est par ailleurs guidé par des valeurs et des engagements (les acteurs éducatifs du travail social on besoin d’avoir une idée de ce qui permet l’épanouissement humain et de ce qui est « bien »). Pour cette raison, nous pouvons affirmer que l’approche porte sur la praxis - l’action qui est influencée et engagée.

Ces deux formes d’évaluation auront tendance à aller dans des directions différentes. Les deux sont nécessaires - mais la manière dont elles seront vécues dépendra des deux dimensions suivantes.

2. Evaluation sommative ou formative ?

Les évaluations peuvent être sommatives ou formatives, et l’évaluation sera destinée à l’une ou l’autre fin :

  • Permettre aux personnes et aux organisations de porter des jugements sur le travail entrepris, d’identifier leurs connaissances, leurs attitudes et leurs compétences, de comprendre les changements qui ont eu lieu, et ainsi d’accroître leur capacité d’évaluer leur propre apprentissage et leurs acquis (évaluation formative).
  • Permettre aux personnes et aux organisations de démontrer qu’ils ont rempli les objectifs du programme ou du projet, ou de démontrer qu’ils ont atteint les normes requises (évaluation sommative).

Les deux méthodes peuvent être appliquées à un programme comme au travail d’un individu. La façon dont nous allons l’expérimenter va probablement être très différente selon la finalité de l’évaluation. Si l’on veut fournir un feedback sur les programmes ou les pratiques pour les améliorer par exemple, nous aurons probablement moins de propension à être sur la défensive au sujet de nos activités. Ce genre d’évaluation n’est cependant pas toujours confortable, et on peut parfois la ressentir comme une punition - surtout si elle nous est imposée (voir ci-dessous). Souvent, on est plus tendu lors d’une évaluation sommative, car elle peut faire la différence entre avoir un travail et être au chômage !

3. Evaluation bancaire ou dialogique ?

En dernier lieu, il est nécessaire d’étudier dans quelle mesure l’évaluation est ou non dialogique. Comme nous l’avons déjà vu, beaucoup d’évaluations sont imposées ou demandées par des personnes extérieures au contexte de travail. La nature de la relation entre ceux qui exigent l’évaluation et ceux qui sont évalués est donc d’une importance fondamentale. Il pourrait être utile ici d’employer deux modèles contrastés : celui du modèle dominant - ou traditionnel- qui a tendance à voir les personnes impliquées dans un projet comme des objets, et son alternative, le modèle dialogique, qui voit tous ceux qui sont impliqués comme des sujets. Cette division comporte beaucoup d’affinités avec le travail de Paolo Freire qui distingue le modèle bancaire du modèle dialogique de l’éducation.

Tableau n° 1

Evaluation traditionnelle (bancaire) et évaluation alternative (dialogique)
Joanna Rowlands nous a fourni un résumé utile de ces deux modes d’évaluation. Elle était particulièrement préoccupée par l’évaluation des projets de développement social.
Caractéristiques de l’approche traditionnelle (bancaire) de l’évaluation :

1. La recherche d’objectivité et d’une approche scientifique, par le biais de procédures normalisées. Les valeurs utilisées dans cette approche sont souvent le reflet des priorités de l’évaluateur.

2. Une dépendance excessive par rapport aux mesures quantitatives. Les aspects qualitatifs étant difficiles à mesurer, ils ont tendance à être ignorés.

3. Un degré élevé de contrôle managérial, par lequel les gestionnaires peuvent influer sur les questions posées à d’autres personnes qui elles-mêmes peuvent être touchées par les conclusions d’une évaluation et peuvent n’avoir que peu d’influence, que ce soit dans l’élaboration des questions à poser ou dans la réflexion sur les résultats.

4. Les évaluateurs externes sont généralement choisis avec la conviction que cela permettra d’augmenter l’objectivité, et peuvent être perçus négativement par ceux qui sont évalués.
Caractéristiques de l’approche alternative (dialogique) de l’évaluation :

1. L’évaluation est considérée comme partie intégrante du processus de développement ou de changement et implique la recherche-action. La subjectivité est reconnue et appréciée.

2. L’accent est mis sur le dialogue, sur l’enquête plutôt que la mesure, et il existe une tendance à utiliser des méthodes moins formelles, comme les entretiens non structurés et l’observation participante.

3. Elle est envisagée comme un processus d’empowerment, d’autonomisation, plutôt que comme un contrôle par un organisme externe. Il existe une reconnaissance des différentes perceptions des individus et des groupes. La négociation et la recherche d’un consensus sont valorisées dans le processus d’évaluation, ainsi que dans les conclusions et les recommandations qui sont formulées.

4. L’évaluateur joue le rôle de facilitateur plutôt que celui d’intervenant externe objectif et neutre. Une telle évaluation peut ainsi être entreprise en interne par des personnes directement impliquées dans le projet ou le programme.

Adapté de Joanna Rowlands (1991) Comment savons-nous si cela fonctionne ? L’évaluation des projets de développement social, et repris dans Rubin.

Nous voyons émerger dans ces modèles contrastés d’importantes questions sur le pouvoir, le contrôle et la manière de considérer ceux qui sont directement impliqués dans les programmes et les projets. L’évaluation dialogique place entièrement la responsabilité de l’évaluation sur les éducateurs et les autres participants à l’action. (Jeffs et Smith)

Réflexion sur les indicateurs

Certains pourraient faire valoir que la partie clé d’une évaluation est la formulation des questions que nous voulons poser, ainsi que le type d’information que nous voulons recueillir de telle sorte que les réponses nous fournissent les indicateurs de changement. Malheureusement, nous l’avons vu, la grande partie des discours et des pratiques autour des indicateurs en évaluation a été plus liée à de rudimentaires mesures de performance et à la nécessité de justifier des financements (Rogers et Smith 2006). Nous souhaitons analyser maintenant le genre d’indicateurs qui pourraient être plus appropriés au travail que nous réalisons.

Dans l’usage courant un indicateur montre quelque chose, c’est un signe ou un symptôme. La difficulté qui nous attend est de savoir en quoi ce que nous voyons peut être un signe, et un signe de quoi ? Dans l’action éducative non formelle - et dans toute authentique éducation - les résultats du travail peuvent n’apparaître que bien plus tard, dans la manière dont les gens vivent leur vie par exemple. En outre, tout changement de comportement que nous observons peut être spécifique au contexte ou aux relations interhumaines (voir ci-dessous). Il est également souvent difficile d’identifier ce qui a été significatif ou qui l’a été en termes de changement. Enfin, quand on analyse ou qu’on évalue un travail, comme le signale E. Lesley Sewell, nous avons tendance à trouver ce que nous recherchons. Pour toutes ces raisons, un grand nombre de résultats proclamés dans les évaluations et les rapports de travail collectifs ou individuels doivent être envisagés avec précaution.

Heureusement, en essayant de donner un sens à notre travail et aux types d’indicateurs qui pourraient nous être utiles en évaluation, nous pouvons tirer parti de la sagesse issue de la pratique, de résultats de recherche plus larges, ainsi que de nos valeurs.

Tableau n° 2

Pour quoi aurions-nous besoin d’indicateurs ?
Nous allons définir quatre domaines possibles pour lesquels nous pourrions vouloir des indicateurs :
Le nombre de personnes avec qui nous sommes en contact et avec qui nous travaillons. En général, en tant qu’acteurs éducatifs du travail social nous créons et entretenons de nombreux contacts afin que les gens nous connaissent et soient au courant des opportunités et des supports que nous pouvons leur offrir. On a l’habitude d’impliquer un nombre moins important de participants dans les groupes et les projets, et un nombre encore moins élevé pour les travaux de suivi intensif. Le nombre de personnes diffère ainsi d’un projet à l’autre (Jeffs et Smith). Cependant, par le dialogue il semble possible d’arriver à un accord sur ces derniers - et dans le processus nous gagnons un outil utile pour l’évaluation.
La nature des possibilités que nous offrons. Nous devrions nous poser des questions sur la nature et l’étendue des possibilités que nous offrons. Par exemple, les jeunes ont-ils la possibilité de parler ouvertement et de s’amuser ; de développer et d’élargir leur expérience ? D’apprendre ? En tant qu’acteurs éducatifs du travail social nous sommes amenés à travailler avec des personnes qui ont des intérêts différents pour construire des programmes des groupes et des activités variées.
La qualité des relations disponibles. Beaucoup d’entre nous parlons de notre travail comme une « construction de relations ». Par cela, nous cherchons à dire que nous travaillons en même temps par la relation, et pour la relation (voir Smith et Smith à paraître). Cela a été critiqué par ceux qui préconisent un travail ciblé et plus axé sur les résultats. Cependant, le peu de recherches existantes confirme que ce qui compte vraiment ce sont les relations que les acteurs éducatifs du travail social et sociaux forment avec les jeunes et l’encouragement fait aux jeunes de développer leurs relations avec d’autres, (voir Hirsch). Malheureusement il n’est pas facile d’identifier des indicateurs sensibles de progrès - et pour cette raison le travail d’évaluation devient difficile.
Est-ce que les personnes travaillent bien ensemble et pour les autres ? Dans bon nombre de lieux où l’éducation informelle prospère il y a une valorisation du travail pour que les gens puissent organiser les choses pour eux-mêmes, et être au service des autres. Le respect de la valorisation du travail est également soutenu par la recherche. Nous savons, par exemple, que les personnes impliquées dans la gestion de groupes améliorent la confiance en soi et développent une gamme de compétences (Elsdon). Nous savons aussi que les communautés dans lesquelles un nombre important de personnes s’impliquent dans l’organisation de groupes et d’activités sont en meilleure santé, ont des expériences plus positives de l’éducation, sont plus actifs économiquement, et entrent moins dans la criminalité (Putnam). (Tiré de Rogers et Smith).
Pour certains de ces domaines, il est assez facile d’élaborer des indicateurs. Cependant, quand il s’agit de choses comme les relations humaines, comme Lesley Sewell l’a remarqué il y a plusieurs années, « une grande partie est intangible et peut être ressentie dans l’ambiance et l’esprit. L’appréciation de ceci dépend inévitablement dans une certaine mesure des participants eux-mêmes ». Il y a des signes extérieurs, comme la façon dont les gens parlent les uns aux autres. Finalement cependant, on peut dire que l’action éducative non formelle est fondamentalement un acte de foi. Cependant, notre foi peut être soutenue et renforcée par la réflexion et la recherche.

L’action éducative non formelle implique plus que de seulement gagner et d’exercer des connaissances et des compétences techniques. Il dépend de nous aussi de cultiver une espèce de compétence artistique. Les éducateurs ne sont pas des ingénieurs appliquant leurs compétences pour mener à bien l’exécution d’un plan ou d’un dessin technique, ce sont des artistes qui sont capables d’improviser et de concevoir de nouvelles façons de voir les choses. Nous devons travailler avec une idée personnelle, mais partagée de ce qui est « bon » - une appréciation de ce qui facilite l’épanouissement humain et le bien-être (Jeffs et Smith). Qui plus est, il y a peu de routine ou de prévisible dans notre travail. Par conséquent, ce qui est central en tant qu’éducateurs, c’est la capacité de « penser vite et bien ».

L’action éducative non formelle naît par l’échange, par des valeurs et des engagements (Jeffs et Smith) :

  • Evaluer la situation : Nous évaluons ce qui peut se passer et le rôle que nous pouvons jouer.
  • Etablir le contact : Nous engageons la conversation.
  • Questionner : Cette conversation soulève des questions.
  • Discerner : Nous considérons que ces questions en relation avec ce que nous identifions peuvent faciliter l’épanouissement.
  • Proposer : Ceci nous permet de proposer une réponse.

Décrire l’action éducative non formelle comme un art peut sembler un peu prétentieux, ou même un peu stupide. Mais il y a du sérieux. Lorsque nous écoutons les autres éducateurs, par exemple dans les réunions d’équipe, ou lorsqu’on a la chance de les observer en action, nous portons inévitablement un jugement sur leur capacité. À un certain niveau, par exemple, nous pourrions être impressionnés par la connaissance qu’une personne a du système d’allocations sociales ou des effets des différentes drogues. Toutefois, une telle connaissance est inutile si elle ne peut pas être utilisée de la meilleure façon. Nous pouvons être informés et être en mesure de nous appuyer sur une gamme de techniques, mais ce qui est spécial c’est la manière et la capacité de combiner ces techniques et d’improviser face à chaque situation particulière. C’est cette qualité que nous décrivons comme un art.

Pour Donald Schön, l’art est un exercice de l’intelligence, une sorte de savoir. Grâce à notre engagement dans notre pratique, nous sommes capables de créer des règles sur le travail de groupe, par exemple, ou le travail avec un individu. En d’autres termes, nous apprenons à apprécier - à connaître et à comprendre - ce que nous avons expérimenté. Nous devenons ce qu’Eisner décrit comme des « connaisseur » (artisan expert). Il s’agit de qualités très différentes de celles requises par les modèles dominants de l’évaluation.
Être « artisans experts », c’est l’art de l’appréciation. On peut trouver cet art dans n’importe quel domaine dans lequel le caractère, la signification, ou la valeur des objets, des situations, et des performances est partagé et variable, y compris la pratique éducative. (Eisner).

Le mot « connaisseur » vient du latin cognoscere, savoir (Eisner), qui implique la capacité de voir, et pas seulement à regarder. Pour ce faire, nous devons développer la capacité de nommer et d’apprécier les différentes dimensions des situations et des expériences, et le type de relations entre les unes et les autres. Nous devons être en mesure de tirer parti, et d’utiliser, un large éventail d’informations. Nous devons également être en mesure de mettre nos expériences et la compréhension dans un contexte plus large, et de les connecter avec nos valeurs et nos engagements. Pour être connaisseur, il faut y travailler, mais ce n’est pas un exercice technique. Le regroupement des différents éléments en un tout, c’est de l’art.

Toutefois, les éducateurs ont besoin de devenir plus que des artisans experts. Nous avons besoin de devenir des acteurs critiques. Si être « connaisseur » (artisan expert), c’est l’art de l’appréciation, la critique est l’art de la communication. La critique, comme Dewey l’a souligné dans L’art comme expérience, a pour but la rééducation de la perception. La tâche du critique est de nous aider à voir.

Ainsi être « connaisseur » (artisan expert) signifie être critique avec son sujet. Etre artisan expert est du domaine privé, mais la critique est publique. Les artisans experts ont simplement besoin d’apprécier ce qu’ils rencontrent. Les acteurs critiques, cependant, doivent rendre ces qualités vivantes par une utilisation habile et intelligente de la communication critique. (Eisner).

La critique peut être envisagée comme le processus qui permet aux autres de voir les qualités de quelque chose. Comme Eisner (1998 : 6) le dit, « la critique efficace fonctionne comme une sage-femme de la perception. Elle l’aide à voir le jour, puis plus tard, elle affine et l’aide à devenir plus aiguë. « L’importance de tout cela pour ceux qui veulent être des éducateurs est donc claire. Les éducateurs ont également besoin de développer la capacité de travailler avec les autres de manière à découvrir la vérité dans les différentes situations, expériences et circonstances.

Schön (1987) parle des professionnels qui sont des « chercheurs dans le contexte de la pratique ». Comme Bogdan et Biklen l’ont dit, « la recherche est un état d’esprit, une perspective que les gens prennent face objets et aux activités. Pour eux et pour nous ici, c’est quelque chose que nous pouvons tous entreprendre. Ce n’est pas limité aux personnes qui ont une formation longue ni de spécialiste. Elle comprend (Stringer) :

  • Un problème à étudier.
  • Un processus d’investigation, d’enquête
  • Les explications qui permettent aux gens de comprendre la nature du problème.

Dans la tradition de la recherche-action, il y a deux orientations fondamentales. La tradition britannique - en particulier celle liée à l’éducation – qui tend à considérer la recherche-action comme la recherche orientée vers l’amélioration de la pratique directe. Par exemple, Carr et Kemmis fournissent une définition classique :
La recherche-action est tout simplement une forme d’enquête d’autoréflexion entreprise par les participants dans des situations sociales afin d’améliorer la rationalité et la justesse de leurs propres pratiques, leur compréhension de ces pratiques, et les situations dans lesquelles les pratiques sont effectuées (Carr et Kemmis).

La seconde tradition, peut-être plus largement abordée dans le domaine de la protection sociale – c’est certainement la plus courante aux Etats-Unis - est la recherche-action en tant que « collecte systématique d’informations conçue pour révéler les changements sociaux » (Bogdan et Biklen).

Pour Bogdan et Biklen ces praticiens donnent des preuves ou des données pour montrer les pratiques injustes ou les dangers de l’environnement et recommander des actions pour le changement. Cette tradition a été liée aux traditions de l’action citoyenne et de l’organisation communautaire, mais en plus ces dernières années elle a été adoptée par les travailleurs dans des domaines très différents.

À bien des égards, cette distinction reflète celle que nous avons déjà utilisée - entre l’évaluation des programmes et l’évaluation de la pratique. Dans ce dernier cas, on peut ainsi explorer un aspect particulier du travail. On peut penser à une étude de cas – à l’examen détaillé d’un local ou à un seul sujet, ou à un événement particulier (Merriam). Nous pouvons explorer ce que nous avons fait en tant qu’éducateurs : quels étaient nos objectifs et nos préoccupations ; comment nous avons agi, quelles ont été nos pensées, nos sentiments et ainsi de suite ? Nous pouvons regarder ce qui a pu se passer pour d’autres participants, les conversations et les interactions qui ont eu lieu, ce que les gens ont appris et comment cela peut avoir influencé leur comportement. Ce faisant, nous pouvons développer nos capacités en tant qu’artisans experts et acteurs critiques. Nous pouvons améliorer ce que nous pourrons prendre en compte lors de futures rencontres.

Lors de l’évaluation d’un programme ou d’un projet, nous pouvons demander aux autres participants de se joindre à nous pour découvrir et porter un jugement sur les processus dans lesquels ils ont été impliqués (surtout si nous nous intéressons à une approche plus dialogique de l’évaluation).

Notre souci est de recueillir des informations, d’y réfléchir, et de porter des jugements quant à la valeur du projet ou du programme, et sur les améliorations à apporter. Cela nous amène à ce qu’un certain nombre d’auteurs ont appelé la recherche-action communautaire. Nous présentons un exemple ci-dessous.

Une prémisse fondamentale de la recherche-action communautaire, c’est qu’elle commence par porter son intérêt sur les problèmes d’un groupe, d’une communauté ou d’une organisation. Son but est d’aider les personnes à approfondir leur compréhension de leur situation et ainsi résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés ....

La recherche-action à base communautaire est toujours adoptée par un ensemble explicite de valeurs sociales. Dans les contextes sociaux modernes et démocratiques, elle est considérée comme un processus d’investigation avec les caractéristiques suivantes :

  • Elle est démocratique, permettant la participation de tout le monde.
  • Elle est équitable, en reconnaissant l’égalité des personnes.
  • Elle est émancipatrice, offrant une liberté face à des conditions oppressantes et affaiblissantes.
  • Elle permet de renforcer les capacités, permettant l’expression du plein potentiel des gens. (Stringer)

La recherche-action

La recherche-action fonctionne avec trois phases principales :

  • Regarder : Pour construire une image et collecter des informations. Lorsque nous évaluons nous définissons et décrivons le problème à étudier et le contexte dans lequel il est situé. Nous décrivons également ce que tous les participants (éducateurs, membres du groupe, gestionnaires, etc.) ont fait.
  • Penser : Interpréter et expliquer. Lors de l’évaluation nous analysons et interprétons la situation. Nous réfléchissons à ce que les participants ont fait. Nous examinons les succès et les faiblesses, les questions ou les problèmes.
  • Agir : Résoudre les questions posées et les problèmes. En évaluant nous jugeons la valeur, l’efficacité, la pertinence et les résultats de ces activités. Nous agissons pour formuler des solutions aux éventuels problèmes. (Stringer).

Nous pourrions contraster cette approche avec une manière plus traditionnelle, bancaire, de recherche dans laquelle une personne externe (ou l’ éducateur tout seul) recueille l’information, l’organise, et tire des conclusions quant à la réussite ou non de son travail.

Evaluer l’éducation non formelle

Ces dernières années, les acteurs éducatifs du travail social ont été mis sous pression pour fournir des « mesures de succès objectives », des « critères qualitatifs », des « indicateurs de résultats », et des « critères d’évaluation adéquats ». Ceux qui travaillent avec les jeunes ont été encouragés à montrer comment les jeunes ont évolué « sur le plan personnel et social grâce à la participation ». Nous sommes confrontés à un certain nombre de problèmes lorsqu’on nous demande d’aborder notre travail de cette manière. Comme nous l’avons déjà vu, notre façon de travailler en tant qu’acteurs éducatifs du travail social nous place dans un cadre plus dialogique. L’évaluation de notre travail de manière bureaucratique et moins inclusive risque de compromettre ou de réduire l’ensemble de notre travail.

Il y a aussi des problèmes pratiques fondamentaux. Nous présentons ci-dessous quatre problèmes particuliers identifiés par Jeffs et Smith (2005) en ce qui concerne les évaluations des programmes ou projets.

Le problème des influences multiples. Tout ce qui influe sur le comportement des gens ne peut pas être facilement découpé. Par exemple, un acteur éducatif de l’action sociale avec un projet visant à réduire la criminalité des adolescents sur deux quartiers peut remarquer que dans le quartier où il y a un club de jeunes ouvert tous les soirs de la semaine il y a moins de criminalité que dans l’autre où il n’y a pas ce type de club. Mais cette différence est-elle une preuve ? On pourrait l’expliquer, comme la recherche l’a montré, par des différences dans la philosophie des écoles locales, des pratiques policières, du logement, des taux de chômage, ou par la volonté des habitants à signaler les délits.

Le problème de l’impact indirect. Ceux qui peuvent avoir été touchés par le travail des acteurs éducatifs du travail social ne sont souvent pas faciles à identifier. C’est possible de nommer ceux avec lesquels ils ont travaillé directement sur une période de temps. Cependant, beaucoup de contacts sont sporadiques et peuvent même se limiter à une seule rencontre.

L’impact indirect est à peu près impossible à quantifier. Nos efforts peuvent entraîner des changements importants dans la vie des gens avec lesquels nous ne travaillons pas directement. Cela peut se produire dans la mesure où ceux avec lesquels nous travaillons évoluent. Considérons, par exemple, la manière dont nous réfléchissons à des conversations que les autres nous racontent, ou aux idées acquises de deuxième ou de troisième main. Une bonne éducation informelle vise à atteindre un effet d’entraînement. Nous espérons encourager l’apprentissage par la conversation et l’exemple et ne pouvons avoir qu’une idée limitée de l’impact causé.

Le problème de la preuve. Le changement peut rarement être suivi, même sur une base individuelle. Par exemple, les acteurs éducatifs du travail social qui agissent sur l’abus d’alcool au sein d’un groupe particulier peuvent faire face à un problème insurmontable pour fournir des preuves de réussite. Ils ne seront pas capables de mesurer le niveau d’utilisation avant leur intervention, lors d’un contact ou après avoir terminé leur intervention. En fin de compte tout ce que les éducateurs seront en mesure de présenter sera, au mieux, des éléments de preuve vagues relatifs à des anecdotes ou à des contacts.

Le problème du calendrier. Le type de changement auquel les acteurs éducatifs du travail social s’intéressent ne se produit pas du jour au lendemain. Les changements dans les valeurs et la manière dont les personnes vont elles-même s’évaluer, sont notoirement difficiles à identifier, en particulier pendant qu’ils se produisent. Ce qui peut sembler anodin sur le moment peut, avec le recul, être reconnu comme tout à fait spécial.

Solutions de contournement. Il y a deux voies classiques pour éviter ces problèmes pratiques. Les acteurs éducatifs du travail social peuvent utiliser les deux à la fois.

La première est de procéder à ce genre de recherche-action participative dont nous avons parlé. Lors de la mise en place et de l’exécution des programmes et des projets, nous pouvons inclure la recherche et l’évaluation participative dès le début. Nous l’introduisons dans notre manière de travailler. Les participants sont régulièrement invités à participer à l’évaluation. Nous les encourageons à réfléchir sur les processus auxquels ils ont participé, aux changements qu’ils peuvent constater et ainsi de suite. Cela peut être inscrit dans le cours général de notre action en tant qu’acteurs éducatifs du travail social.

La seconde voie consiste à établir des liens entre nos propres activités en tant qu’acteur éducatif et la recherche théorique. Voici un exemple sur l’appartenance à un groupe ou un club. On peut trouver qu’il est très difficile d’identifier les avantages concrets pour les individus d’être membre d’un groupe particulier, comme d’une équipe de football ou d’un club social. Cependant, ce que nous pouvons faire, c’est de nous tourner vers la recherche qui existe sur ces questions. Nous savons, par exemple, que la participation à de tels groupes renforce le capital social. Nous avons la preuve que dans les pays où l’Etat investit le plus dans les équipements culturels et sportifs les jeunes réagissent en investissant davantage de leur temps à de telles activités (Gauthier et Furstenberg). Plus les jeunes sont impliqués dans des activités de loisirs structurées, de bons contacts sociaux avec des amis, et la participation dans les activités artistiques, culturelles et sportives, plus ils sont susceptibles de réussir sur le plan scolaire, et moins ils sont susceptibles d’être impliqués, même dans des actes de faible délinquance (Larson et Verma).

Il semble y avoir une forte relation entre la possession de capital social et une meilleure santé. « En règle générale et approximative, si vous n’appartenez à aucun groupe, mais décidez d’en rejoindre un, vous réduisez de moitié votre risque de mourir l’année suivante. Si vous fumez et n’appartenez à aucun groupe, nul ne sait statistiquement si vous devez arrêter de fumer ou de commencer à en joindre un ». La fréquentation régulière d’un club, le bénévolat, le divertissement, ou la fréquentation des églises est l’équivalent du bonheur d’obtenir un diplôme ou de doubler vos revenus. Les relations sociales sont équivalentes au mariage et à la richesse comme facteurs prévisibles de bonheur dans la vie (Putnam).

Cette approche peut réussir là où il y a une certaine liberté dans la manière de répondre aux bailleurs de fonds et à d’autres en matière d’évaluation. Lorsque vous êtes obligés de remplir des formulaires qui exigent des réponses à certaines questions posées, nous pouvons toujours utiliser les évaluations que nous avons mises en place d’une manière participative - et il peut même être possible de mettre certaines références à la littérature existante.

La clé, c’est de se rappeler que nous sommes des éducateurs - et que nous avons la responsabilité de favoriser l’apprentissage, non seulement chez ceux avec lesquels nous travaillons dans un projet ou un programme, mais aussi chez les bailleurs de fonds, les gestionnaires et les décideurs. Nous avons besoin de considérer leurs demandes d’information comme des opportunités pour travailler à l’approfondissement de leur appréciation et de leur compréhension de l’action éducative non formelle et des enjeux et des questions que nous avons dans notre travail.

En conclusion

Le but de l’évaluation, comme le dit Everitt, est d’avoir une réflexion critique sur l’efficacité de la pratique personnelle et professionnelle. C’est contribuer au développement de la « bonne » pratique plutôt que la pratique « correcte » (correspondant au normes).

Parmi les manières instrumentales et technicistes d’évaluer l’enseignement, il manque le type de relations éducatives qui permettent de poser des questions morales, éthiques et politiques sur la « justesse » des actions. Lorsqu’elles se fondent sur des relations éducatives (par opposition à des relations de gestion), les pratiques d’évaluation peuvent alors se préoccuper de briser les silences structurés et préjugés étroits. (Gitlin et Smyth).

L’évaluation ne concerne pas principalement le comptage et la mesure des choses. Elle implique la valorisation - et pour cela nous devons nous développer comme des « connaisseurs » (artisans experts) et des acteurs critiques. Nous devons également veiller à ce que le processus qui consiste à « regarder, penser et agir » soit participatif.

Traduit de l’anglais (Royaume Uni) par Brigitte Gaiffe.

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