C’est nouveau !

Mise en ligne: 17 mars 2009

Essayez l’évaluation en réseau !, par Antonio de la Fuente

L’évaluation s’appuyant sur des indicateurs est une démarche qui dépasse largement le cadre des activités liées à la coopération au développement. Elle est utilisée un peu partout et notamment dans l’enseignement et au sein des entreprises. Même si chacun de ces mondes dispose de pratiques d’évaluation propres, les passerelles entre celles-ci sont nombreuses et parfois inattendues.

Après tout, la méthode de suivi et d’évaluation la plus répandue dans la coopération au développement, le célèbre cadre logique, a été développée par l’armée américaine dans les années cinquante et soixante avant que l’ agence de coopération américaine ne l’adapte et la diffuse partout dans le monde à travers les agences de coopération internationale. Savoir si le cadre logique a servi à gagner ou à perdre des guerres est une question logique mais probablement hors cadre.

L’évaluation des compétences telle que pratiquée dans le monde de l’enseignement a influé largement pour le meilleur et pour le pire le travail d’appréciation des résultats en matière de formation d’adultes, d’action sociale et de coopération au développement. Les rapports entre l’évaluation dans le cadre scolaire (les examens, la notation, la boucle de remédiation) et l’évaluation dans l’action sociale ont été largement étudiés et sont relativement connus. Nous nous arrêterons donc dans ce tte brève note sur deux démarches moins connues à l’heure actuelle mais que, sentant l’air du temps, il est possible qu’elles soient couramment utilisées à l’avenir. La première est la démarche du Poverty Action Lab qui essaye d’intégrer des techniques de la méthode expérimental scientifique à la coopération au développement ; et la deuxième, un logiciel informatique qui, s’inspirant du fonctionnement des réseaux sociaux sur le web introduit une démarche de feedback horizontal permanent notamment dans le milieu de l’entreprise.

La pauvreté dans le laboratoire

Vu qu’à l’origine de l’idée d’évaluer sur base de la mesure d’indicateurs se trouve la méthode scientifique, certains acteurs vont tenter de s’appuyer sur celle-ci pour tester et pour valider des programmes et des projets de développement. Ainsi, pour Esther Duflo, une des têtes pensantes du Poverty Action Lab, dans sa leçon au Collegue de France veut proposer « une troisième voie » (autre que la radicalisation et la démobilisation) dans laquelle « les politiques de lutte contre la pauvreté sont évaluées avec la rigueur des essais cliniques. Idées nouvelles et solutions anciennes sont évaluées sur le terrain, ce qui permet d’identifier les politiques efficaces et celles qui ne le sont pas. Ce faisant, nous améliorons notre compréhension des processus fondamentaux qui sont à l’origine de la persistance de la pauvreté. Science et lutte contre la pauvreté se renforcent ainsi mutuellement ».

Pour le Poverty Action Lab, qui se trouve à l’avant-garde dans la démarche d’associer science et développement, le défi principal pour ce dernier est de bien évaluer ce qui se fait déjà en la matière. Il faut pour cela, d’après ses experts, s’appuyer moins sur l’idéologie et davantage sur la science. Ainsi, l’évaluation basée sur des paramètres scientifiques montrerait souvent que des actions réduites et pas très coûteuses atteignent des résultats significatifs à moyen et long terme à la différence de certains programmes ambitieux et bien tressés qui s’effilochent au contact avec les réalités.

C’est ainsi que le Poverty Action Lab a développé des méthodes d’essai aléatoires semblables à celles qu’utilise l’industrie pharmaceutique avec les nouveaux produits, en mesurant les résultats, par exemple, sur deux groupes, l’un est en contact avec l’action de développement, l’autre non.

A l’efficacité via le feedback social

En matière d’évaluation entrepreneuriale, la mode est à l’autoévaluation. Ou, plutôt, à l’évaluation ‘sociale’, en réseau. Le principe se rapproche du fonctionnement des réseaux sociaux fort en vogue sur le web, appliqué en l’espèce à l’évaluation en matière d’efficacité au travail. Le travailleur remplit son propre questionnaire d’évaluation et ses collègues et supérieurs hiérarchiques mettent sur papier l’opinion qu’ils ont des performances du travailleur en question. De manière anonyme. Un logiciel informatique mélange le tout et livre un diagnostic. Rypple se prétend pionnier sur le marché mais il n’est pas le seul.

Les questions soulevées n’ont rien de robotiques, c’est la manière de les faire connaître et de les mettre en circulation qui change : Comment puis-je améliorer mon efficacité de façon à vous garantir la meilleure collaboration possible ?

Ce système dernier cri ne vient pas remplacer la formule évaluative conventionnelle, c’est à dire la mesure de rendement faite de manière plus ou moins verticale. Il vient plutôt en complément. En introduisant des valves d’expression au sein des équipes de travail il pense rééquilibrer des structures instables. En provoquant la circulation de la parole, même anonyme, il vise à donner aux travailleurs des reflets qui leur seront fort utiles pour mettre leurs performances en adéquation les uns avec les autres et tous avec les attentes de leur hiérarchie.

Les avantages en seraient multiples, la souplesse de la formule permettrait son application suivie et presque illimitée dans le temps. Les jeunes, davantage habitués à travailler devant et à travers des écrans, se retrouvent volontiers dans la démarche, au point de faire de certains d’entre eux des véritables accros de ce système de feedback évaluatif. Dis moi ce que tu en penses et je ferai de même.