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Mise en ligne: 16 juillet 2012

Jetez-les les uns après les autres, par Antonio de la Fuente

« Mettez-les dans l’avion et conduisez-les
quelque part. A la limite, en chemin vous les
jetez les uns après les autres », fulminait
Pinochet sur son poste de commandement le
matin du onze septembre 1973, au moment où
les troupes donnaient l’assaut au palais présidentiel
à Santiago. Il n’était pas alors chef
d’Etat, il ne s’arrêterait devant rien pour le
devenir.

Un citoyen anonyme a intercepté et enregistré
ces échanges. A présent largement diffusé [1], ce
document constitue un témoignage accablant
contre ceux qui avec leur félonie ont déclenché
une tragédie qui constitue une des pages noires
de l’histoire contemporaine. A l’iniquité de
l’agression est venue s’ajouter l’indécence des
propos de leurs commanditaires.

« Fous-leur une bonne raclée et que l’incendie
ne s’éteigne pas, mon vieux ! », rempilait
Pinochet, faisant déjà tout pour mériter les
encres chargées avec lesquelles les dessinateurs
du monde l’ont dépeint depuis lors. Un
conseiller communal a déjà intenté et gagné un
procès du fait de s’être vu traiter de « Pinochet
 » au cours d’une séance d’un conseil
communal en Italie.

A présent, une autre judicature a à se prononcer
sur l’immunité qu’aurait ou non Pinochet
devant des poursuites pour des délits de torture,
meurtre et disparition d’opposants politiques.
La portée et la signification de l’événement
sont grandes. L’implication du gouvernement
nord-américain Nixon-Kissinger dans la
conspiration qui a mis au pouvoir Pinochet au
Chili en 1973, puis dans l’Opération Condor,
n’est plus à démontrer. Coordonnée par Pinochet
depuis le Chili, l’Opération Condor fut
une raffle d’opposants qui a frappé le cône
sud-américain au milieu des années septante.
Le récent déclassement de documents de
l’administration nord-américaine relevant de
cette matière offre une preuve supplémentaire
à cette évidence historiquement établie.

Mettre Pinochet face à face avec ses victimes
et leurs familles, en Espagne, au Chili ou
n’importe où un procès équitable puisse avoir
lieu, ferait grandement avancer la cause des
droits de l’homme et renforcerait la protection
due à toutes les victimes de nombre de ses
émules.

[1Interferencia secreta, Patricia Verdugo, Editorial Sudamericana, Santiago, 1998 (livre et disque compact).