Polygamie, mariage forcé et mutilations sexuelles féminines

Mise en ligne: 12 juin 2006

Les mutilations sexuelles féminines favorisent les mariages forcés et la polygamie, par Marcelline Zeba

La culture africaine et la religion musulmane encouragent la polygamie ou, tout le moins, ne la condamnent pas. Culturellement, la société africaine, animiste ou musulmane, a utilisé la polygamie comme moyen d’organiser l’ordre social. Les parents sont ainsi assurés de pouvoir « caser » leur fille dans un groupe social qu’il connaissent bien ; le don d’une fille en mariage permet le tissage de liens sociaux élargis.

La fille a intériorisé la culture dans laquelle elle est née et a grandi. On attend d’elle qu’elle agisse de manière traditionnelle avec une échelle de valeurs bien précises et identique à celle de la famille. La structure de mères multiples fait partie de son environnement et souvent elle n’a aucune certitude quant au choix à faire. En exil, elle essaie de conserver cet aspect, qu’elle a intégré.

La polygamie sert aussi de moyen d’espacement des grossesses et des naissances, les femmes se relayant pour partager la chambre du mari et pouvant allaiter leur bébé plus longtemps. Les travaux ménagers et des champs sont partagés grâce à cette main d’œuvre. Beaucoup de femmes acceptent ces mariages pour légitimer des enfants, puisqu’il faut un homme pour faire accepter ceux-ci par la société. Eviter donc les enfants illégitimes.

Certaines sociétés permettent à l’homme d’avoir jusqu’à quatre épouses, avec certaines conditions qui sont très rarement respectées. La notion qu’il y a plus de femmes que d’hommes justifie l’idée que toute femme aura la chance de trouver un mari et sera légitimée par ce mariage.

Les mutilations sexuelles féminines avec leurs cohortes de brimades physiques et psychologiques favorisent le succès des mariages forcés et de la polygamie puisqu’elles accompagnent l’éducation, sous le point de vue de l’ordre social, de la soumission, de l’obéissance et du devoir, d’éviter les mésententes au sein de la famille et du clan. Les rapports sexuels, qui peuvent être douloureux ou tout simplement désagréables, font que l’espacement des contacts avec l’époux soient appréciés.

En situation d’exil, les femmes gardent et essayent de conserver certaines valeurs. Bien que la famille a été une école pour elles, l’exil permet aussi la libération pour certaines des contraintes psychologiques et morales douloureuses. Elles ont envie de profiter de leur nouvel environnement culturel qui les pousse à avancer de façon plus épanouissante pour elles. Certaines périodes de la vie exacerbent pourtant leur fragilité, par exemple les grossesses et les accouchements.

Au pays, elles ont vu les femmes assistées et accompagnées à ce moment là par la transmission de paroles et de gestes de femmes plus âgées. Une nouvelle accouchée est maternée, ce qui est précieux pour des jeunes mères encore fragiles qui ont besoin de ce maternage des autres femmes de la tribu ou du village pour devenir à leur tour mère. L’enfant est un don au clan familial, les droits de la mère sur celui-ci sont très limités. Bien que mère aimante, elle doit « partager » cet enfant avec la famille, ce bébé est surtout un descendant du clan paternel. En cas de divorce, elle sera obligée de laisser l’enfant à son père ou à la famille de celui-ci, ce qui rend parfois l’attachement difficile et frustrant.