De petites radios non professionnelles mais utiles au Sud-Kivu

Mise en ligne: 14 septembre 2010

De multiples petites radios voient le jour dans les campagnes du Sud-Kivu à l’est du Congo. Très appréciées des auditeurs, elles sont cependant peu professionnelles et dépendent souvent d’hommes politiques ou de religieux, par Thaïs Bagula

Une maisonnette de deux pièces, une antenne accrochée sur un poteau en bois de huit mètres de haut, un petit générateur pour le courant : la radio communautaire de Nyangezi, à 35 km de Bukavu, à l’est du Congo, a des installations très modestes. Grâce à son émetteur de 10 watts, elle couvre 30 km2 et émet deux fois par semaine de 16 à 20 heures. « C’est un émetteur payé à Bukavu grâce à l’appui financier d’un député national et qui a été installé par un technicien local », révèle le directeur de cette radio, Blaise Mutasombwa. Équipée seulement d’un poste radio, d’un lecteur DVD et d’un microphone, elle émet des sons approximatifs.

Malgré ses défauts, elle réjouit les habitants de Nyangezi et des environs dont certains ne captent aucune radio, même pas Radio Maendeleo, une radio de Bukavu, qui arrive dans de nombreux villages. Quand la radio émet, des dizaines d’auditeurs affluent : « Nous y déposons nos communiqués de deuils au lieu de les amener à l’église », explique Joseph Binja, un auditeur. Selon la Haute autorité des médias, une trentaine de radios communautaires ont été recensées en 2008 au Sud-Kivu et d’autres attendent l’agrément du ministère de la Communication et des médias avant de se lancer.

Les auditeurs satisfaits

À 25 km au nord de Bukavu, dans le territoire de Kabare, fonctionne la Radio-télé la Concorde de Kavumu, petite radio artisanale qui arrose, selon ses auditeurs, une dizaine de kilomètres carrés. Elle diffuse de la musique et des bulletins d’informations en kiswahili et en français… s’il y a du courant électrique.

À Walungu-centre (45 km de Bukavu) et à Kaziba (60 km), les radios Mulangane et Umoja relaient les journaux parlés de Radio Maendeleo la seule qui est écoutée dans les huit territoires du Sud-Kivu. Ce partenariat leur vaut de nombreux auditeurs.

Ces nombreuses petites radios locales ont l’avantage de distraire et d’informer les gens de la région, souvent isolés, et de leur permettre aussi de communiquer entre eux. Mais elles sont souvent bien loin d’être professionnelles et indépendantes. Leurs animateurs ont rarement plus qu’un diplôme de niveau secondaire et la plupart d’entre eux travaillent sans contrat. Certaines radios emploient des jeunes étudiants bénévoles.

Radio Concorde a dix agents, tous passionnés de radio. « Ce sont les enfants du terroir, des étudiants que nous formons nous-mêmes et qui ont le souci de leur milieu », affirme Dieudonné Shembo, responsable de cette radio et ancien journaliste à la Radio-télévision nationale congolaise. Les animateurs sont habités par le souci d’apprendre et d’être suivis par les auditeurs. « C’est la raison pour laquelle nous travaillons bénévolement jusqu’à ce que nous maîtrisions ce métier », explique Justine Banga, journaliste et productrice à cette radio.

Des radios sans indépendance

L’attente d’un financement extérieur (Églises, partenaires au développement, personnalités politiques ou opérateurs économiques) empêche souvent ces stations de rechercher les moyens de s’autofinancer. Les communiqués et les petites annonces sont diffusés gratuitement alors que les contributions des populations les aideraient. Faute de mieux, ces radios comblent les heures d’antenne avec des plages musicales ou des programmes reçus gratuitement. Dans l’incapacité d’obtenir des documents officiels qui coûtent chers, elles fonctionnent avec des autorisations provisoires des responsables locaux.

En outre, de nombreuses stations, qui se disent communautaires ou associatives ne répondent pas aux exigences de ces statuts, ni dans les programmes, ni dans la participation des auditeurs. Certaines sont nées à l’initiative d’hommes politiques qui s’en servent comme outil de communication, d’autres sont des initiatives d’individus ou d’associations sans moyens suffisants.

On voit ce manque d’indépendance lorsque les promoteurs (hommes politiques, chefs religieux) s’expriment à travers ces médias ou lorsque ces radios traitent les informations en prenant position pour ceux qui les financent. C’est pourquoi le Réseau des radios et télévisions de l’est du Congo ne reconnaît pas ces radios et rejette souvent leurs demandes d’adhésion. Pour être viables et acceptées, elles devraient avoir un émetteur de 100 watts, une autorisation de fonctionnement, une fréquence attribuée officiellement et un studio viable… ce qui n’est pas le cas de nombre d’entre elles, affirme Paulin Buhaliza chargé des programmes dans ce réseau.