Dépense d’énergie, golfs à la place des rizières et déchets dans l’Everest et sur la route du Paris-Dakar. Si la nature fait du bien au sport, le contraire n’est pas toujours vrai par Cordula Sandwald
L’environnement influence le sport et le sport influence l’environnement.
Cela n’est pas nouveau, mais la diversification croissante des sports de
loisirs qui font rimer nature avec aventure, ainsi que les dégâts croissants
infligés à l’environnement par des manifestations internationales
gigantesques placent de plus en plus ces interactions au centre de
l’intérêt général.
Pour de nombreux pays, le sport est en premier lieu un facteur économique
indispensable. En outre, du fait de sa popularité, il peut servir de
plateforme pour véhiculer une réflexion sociale et écologique. Le sport
contribue en même temps de manière importante à la pollution de la
nature. Ces nuisances peuvent être directement liées à la pratique du
sport ou découler de la construction et de la gestion des infrastructures. Il arrive aussi qu’elles soient imputables à des facteurs indirects comme,
par exemple, l’énergie utilisée pour se déplacer vers les sites.
Le sport est un phénomène
planétaire et si beau soit-il, il est rare que ses effets indésirables s’arrêtent
aux frontières. Lorsqu’on multiplie, dans les pays industrialisés, la
construction de salles de sport qui consomment beaucoup d’énergie,
cela se répercute sur l’équilibre énergétique mondial. Dans les pays en
développement, la consommation d’énergie annuelle se situe à 500
watts alors qu’elle atteint plus de 10 mille watts aux Etats-Unis. Lorsque
l’aéroport d’Athènes annonce, après les Jeux Olympiques, 886 arrivées et
départs en une seule journée, on ne peut s’empêcher de penser aux gaz
à effet de serre.
Et si les touristes amateurs de trekking sont toujours plus
nombreux à se rendre dans l’Himalaya, au Kilimandjaro et dans les
Andes en y imposant les exigences occidentales en matière d’hygiène et
de confort, les problèmes d’énergie et d’approvisionnement en bois
augmentent dans ces régions. Le déboisement des forêts se répercute sur
le climat à l’échelon de la planète et nous sommes tous concernés.
Le sport peut affecter fortement l’équilibre
écologique. On sait que le ski a occasionné des dommages très
importants dans les Alpes. Les skieurs et les skieuses, les snowboarders,
les amateurs de hors-piste ainsi que les responsables des pistes qui
envoient leurs véhicules plusieurs fois par jour sur les pentes savent
qu’ils contribuent à de graves changements écologiques : destruction de
la couverture végétale naturelle, compression du sol, augmentation des
risques de glissements de terrain, d’érosion et d’avalanches. Les sports
aquatiques comme le canoë, l’aviron, la voile ou la planche à voile ainsi
que tous les sports de montagne figurent également sur la liste d’accusation
d’associations de protection de la nature. Partout où les humains
se trouvent régulièrement dans la nature, ils laissent des traces. Des
plantes sont détruites sous les pieds ou les roues, des déchets et des
matières fécales restent sur place, des animaux sauvages sont dérangés.
La connaissance de ces faits a peu d’influence sur le comportement des
humains. La fascination du sport est trop forte et les affaires que représentent
les activités sportives sont bien trop lucratives. Les conséquences
écologiques ne sont pas considérées comme importantes.
Le sport motorisé, lui aussi, est critiquable sur le plan de la protection
de l’environnement et de la nature. Lors du Rallye Paris-Dakar, plus de
400 conducteurs occidentaux parcourent, avec 400 véhicules, du
camion à la moto, 11 163 kilomètres de l’Europe à travers le désert du
Nord-Ouest de l’Afrique jusqu’à Dakar au Sénégal. Ils ne provoquent pas
que de l’admiration incrédule chez les habitants des pays traversés.
Dans de
nombreux pays, le tourisme lié au sport constitue un apport important
de devises. La construction d’installations sportives crée des emplois et
attire les investisseurs étrangers, tels sont les arguments des gouvernements.
En Thaïlande, le tourisme lié au golf connaît un incroyable essor.
C’est positif pour le développement économique du pays. Mais comme
le tourisme lié au golf a une orientation purement lucrative, ce sont la population
et la nature qui en paient le prix. Dans la province thaïlandaise
d’Ubon Ratchathani, il est prévu, d’après les informations de l’ONG
Tourism Investigation and Monitoring Team (Tim-Team),de sacrifier le
parc national forestier de Phu Yong Na Yoi à un nouveau projet touristique
comprenant un terrain de golf. Les défenseurs de l’environnement
craignent que la biodiversité de cette région soit affectée.
Le gouvernement de Thaïlande a l’intention, par ailleurs, de lancer un
autre projet de tourisme sportif sur l’archipel de Koh Chang, une réserve
naturelle. Il est prévu que ces îles difficiles d’accès,recouvertes par la forêt
équatoriale, deviennent des buts de trekking et d’expédition pour des
touristes aisés. Le gouvernement a assuré aux 30 mille insulaires que tous
les projets seraient écologiques. Des zones côtières ont à ce jour déjà été
remaniées pour permettre la construction de complexes luxueux.
Cependant, beaucoup de ces côtes ont été détruites par le tsunami du
26 décembre 2004.
La Thaïlande connaît à la fois une
pénurie de terre et d’eau. Les vols d’eau sont fréquents. Il est courant que
des affluents soient creusés pour en faire des barrages et que l’eau soit
détournée pour arroser des terrains de golf. D’après une étude japonaise,
on utilise 8,5 fois plus de pesticides pour les terrains de golf que pour
les rizières. 35 % de ces pesticides seraient diffusés dans l’atmosphère,
13,5 % resteraient dans la végétation et 53 % pénétreraient
directement dans le sol. Des quantités importantes de ces produits
chimiques ont infiltré la nappe phréatique.
Les touristes sportifs apportent d’autres nuisances et influencent la
nature sur place. Au Népal, le tourisme était récemment encore l’un des
principaux employeurs. Il s’est effondré car la « guerre du
peuple » qui a opposé les maoïstes et le gouvernement a étranglé
le pays. 400 mille voyageurs étrangers venus principalement d’Europe
occidentale et d’Inde visitent habituellement chaque année ce pays.
La plupart viennent y faire du trekking. Si précieux le tourisme soit-il,
les phénomènes qui l’accompagnent -les déchets par exemple -sont
négatifs. 56 mille bouteilles de bière vides abandonnées ont été récoltées
durant une année le long des sentiers et dans les lodges, tea shops et
restaurants du parc national du Mont Everest.
La consommation d’énergie est une donnée
clé du développement durable. Et le sport est lui aussi vorace en énergie.
D’après des études concernant les loisirs et le tourisme, les
sportifs, les accompagnateurs et les spectateurs de manifestations
sportives en Suisse parcourent plus de 15 milliards de kilomètres par an
pour se rendre aux compétitions ou à l’entraînement, 78 % en
voiture, 18 % en utilisant les transports publics et 4 %
seulement à pied ou à vélo. Le trafic généré par le sport représente plus
de 10 % de la consommation totale d’énergie des véhicules
privés. Dans la comparaison à l’échelon européen, la Suisse occupe une
position de tête en ce qui concerne la consommation d’énergie : quatre
cinquièmes de l’énergie - pétrole et gaz - doivent être importés.
Le sport n’est pas seulement l’une des causes des conflits environnementaux,
il en est aussi victime. Cela lui fait du tort. Car ce sont des
humains qui contribuent, dans leur vie quotidienne et professionnelle, à
polluer les cours d’eau, à contaminer les sols, à transformer la nature en
décharge et à laisser échapper des polluants dans l’air. Plus personne
n’aura bientôt envie de faire du sport dans la nature. Le sport influence
l’environnement, et l’environnement influence le sport. Si l’on veut respecter
les règles du sport, le fair-play devrait être valable pour les deux
parties.
Cordula Sandwald a écrit le dossier Le sport, enjeu global à l’occasion de l’année internationale du sport et de l’éducation physique pour la Coopération suisse, Alliance Sud et Education et développement.