Préparer des jeunes à un voyage solidaire c’est le propos de deux publications françaises « Visa pour le voyage », du CCFD et « Partir pour être solidaires », de Ritimo. Morceaux choisis
Un voyage solidaire, c’est une étape qui s’inscrit dans une perspective plus globale de solidarité internationale ; ce n’est pas une fin en soi. Bien préparé et suivi d’un travail de restitution, le voyage peut devenir une véritable expérience d’éducation au développement et se révéler un tremplin pour des engagement futurs, sources de changements ici et là-bas.
Pour remplir son rôle éducatif, le projet doit être pensé comme une démarche d’ensemble, depuis l’émergence de l’idée d’un départ en groupe, jusqu’aux questionnements et investissements individuels et collectifs au retour.
Quelles sont les principales étapes à prendre en compte dans un projet de voyage ? Lorsque l’on envisage un voyage, on considère trois temps principaux : avant (pourquoi partir, préparer le voyage), pendant (séjour dans une autre culture) et après (retour dans sa propre culture).
Dans son guide « Partir pour être solidaire », Ritimo identifie même quatre temps :
« Un visa pour le voyage » du Comité français contre la faim et pour le développement (CCFD) propose un cheminement pour préparer un voyage solidaire :
Eclaircir les motivations individuelles et collectives
Dans un premier temps, il s’agit de faire ressortir les différentes motivations au départ des membres du groupe pour les prendre en compte dans la construction du projet de groupe. Partir à l’autre bout du monde n’est pas un acte neutre. Beaucoup de jeunes souhaitent partir pour « aider » Faute d’un accompagnement dans la réflexion et la construction des motivations personnelles puis collectives des membres du groupe de jeunes on ne pourra éviter un malentendu.
« Partir par curiosité touristique, par recherche d’exotisme, pour le soleil et la mer, pour un voyage engagé de tourisme solidaire, partir pour un voyage d’études, partir pour rencontrer d’autres cultures ; pour échanger, confronter des idées ; pour vivre une expérience professionnelle ; pour donner et pour recevoir ; pour relever un défi ; pour changer de vie ; parce que « l’humanitaire, c’est branché ; pour changer de vie : « maintenant ou jamais » ; partir au moindre coût... partir avec soi-même » (extrait de CCFD Caravansérail).
« S’interroger sur ce qui pousse à partir est essentiel : si vous vous trompez, vous avez de fortes chances d’être déçu(e) par le voyage et vous risquez d’en faire supporter les conséquences au pays d’accueil, par votre attitude négative sur place ou par l’image que vous rapporterez de votre lieu de séjour » (Ritimo).
Les motivations mises en lumière et en parallèle pour penser le projet, les jeunes peuvent imaginer les effets envisageables de leur action ; c’est alors qu’ils pourront croiser leurs compétences et leurs centres d’intérêts. On peut alors souligner que l’aide reste finalement bien relative : le véritable enjeu du voyage est la rencontre humaine : découvrir une autre culture, d’autres modes de vie, afin d’échanger et de partager. Dans cette étape, l’échange avec d’autres groupes au départ ou déjà partis peut aider à formuler le projet.
Apprendre à accueillir les motivations du partenaire est une première démarche dans la rencontre interculturelle et permet de renforcer le sens donné au voyage : la rencontre, l’échange réciproque, l’accueil de chacun avec ses propres motivations au sein du groupe et avec les partenaires.
Une meilleure connaissance des motivations de l’entourage permet aussi de préparer le jeune aux attitudes et aux réactions auxquelles le jeune sera confronté lors de la construction du projet.
« Tout voyage s’inscrit dans une réalité internationale... c’est l’occasion de découvrir le monde tel qu’il est, d’être confronté à des réalités culturelles, sociales, politiques et économiques, très différentes de celles de son propre pays d’origine (décalage culturel, mais aussi parfois social et politique : grande pauvreté, injustices). Il s’agit donc de replacer systématiquement le voyage à l’étranger dans un contexte plus global et d’aider les jeunes à mieux connaître et comprendre ce qu’est notre monde aujourd’hui, les aider à se questionner et à ne pas voir la réalité comme une fatalité ».
« Dans cette étape il s’agit de :
« On a tendance à sous-estimer les populations locales ; elles ont des compétences, des savoirs, des modes d’organisation et de régulation qui ne requièrent pas forcément votre présence et encore moins une aide » (Ritimo).
« ... il est déterminant de s’insérer dans un projet existant, mené par une association ou une communauté locale...la réciprocité reste le mot d’ordre de l’échange... ».
Le partenariat est une relation dans laquelle au moins deux parties ayant des objectifs compatibles s’entendent pour travailler au service d’une action commune dans un esprit de réciprocité. La réussite d’un partenariat est conditionnée par plusieurs éléments :
Préparer, c’est faciliter la rencontre interculturelle en évitant les pièges des vérités toutes prêtes qui font souvent obstacle à la rencontre... Plutôt que de porter un jugement et considérer abruptement que l’acte de l’autre est irrationnel, il est important d’essayer de comprendre « mais pourquoi agit-il ainsi ? » ; une attitude indispensable pour rendre possible le dialogue et la rencontre. Nos vérités, associées à notre culture, n’ont rien d’universel. Nous n’avons pas tous les mêmes valeurs. Celles-ci trouvent leurs explications dans notre histoire, notre culture.
« La culture d’un groupe social, c’est l’ensemble des réponses qu’il a élaborées au cours de son histoire pour répondre aux défis de son environnement ». « Elle est la manière structurée de penser, de sentir, de réagir d’un groupe humain, surtout acquise et transmise par des symboles ». « On ne peut la réduire à de simples coutumes dont on changerait comme de garde robe. Chacune est une organisation sociale, une pensée, une conception de l’homme totalement différentes ». « Reconnaître cette diversité, c’est reconnaître la nécessité et l’utilité de chacune des cultures » (citations du cahier du CCFD) .
Dans cette étape, il s’agit de préparer la rencontre en cherchant à s’informer sur la ou les cultures que les membres du groupe vont découvrir, de s’entourer de personnes qui par la connaissance des deux cultures (celle des voyageurs et celle du pays d’accueil) vont aider à décrypter, comprendre. Et surtout de favoriser tout ce qui sera rencontre simple, activité commune : repas, achats au marché, thé partagé, présentation réciproque des familles (ne pas oublier d’amener des photos des proches), fête, musique, danse, sport, jeux...
Voici quelques repères :
« Si nous voulons partager un avenir commun, il faut chercher à connaître l’autre et à apprendre les uns des autres ».
Ne rentrez pas chez vous comme avant.... Pour que ce projet ne tombe pas aux oubliettes, que ces découvertes, ces rencontres, ces échanges portent leurs fruits, il est utile de poser des jalons. Penser le retour avant le départ, c’est aussi se dire que ce voyage ne sera pas une anecdote de plus dans sa vie, mais qu’il en sera un événement majeur, constructif.
Préparer le retour signifie mettre toutes les chances de son côté pour réussir à transmettre cette expérience à ceux qui ne sont pas partis, à ceux qui ont financé, soutenu, encadré.
Avant de partir, il est important d’ imaginer le retour ; quelques questions peuvent y aider :
Pendant le voyage, on ne peut que conseiller de partager et de faire le point ensemble, de tenir un carnet de bord et si possible de trouver un interlocuteur extérieur sur place qui peut faciliter la compréhension, l’analyse et répondre aux questions.
Construire une évaluation est essentielle ; on peut imaginer plusieurs étapes pour rendre compte, pour mesurer le chemin parcouru, pour évoluer vers autre chose. « Quels ont été les déplacements individuels et collectifs à travers le projet ? »
Des conseils concrets peuvent vous aider à guider l’évaluation :
Le guide « Visa pour le voyage » que nous avons traversé pour réaliser ce petit guide méthodologique vous apportera de nombreux outils pédagogiques précieux. Si l’ampleur du travail vous effraye un peu, n’hésitez pas à vous entourer d’autres partenaires sur les sujets qui vous semblent plus délicats à appréhender. Vous pourrez constater à quel point le projet de voyage intéresse plus de monde que ce que l’on pourrait croire.
Bon voyage ! (BG).