E, comme Eau / 2

Mise en ligne: 15 mars 2013

Un luxe pour les pauvres, par Viriato Soromenho-Marques

Eau : substance chimique composée d’hydrogène et d’oxygène, essentielle pour toutes les formes de vie connues sur terre.

Le problème de l’eau porte avec soi la grande question de savoir si nous avons la capacité, en tant qu’individus, entreprises, Etats, organisations internationales et multilatérales, d’élaborer les conditions institutionnelles, politiques et économiques qui puissent éviter l’effondrement vers lequel tous les indicateurs nous montrent que nous allons. Les gouvernements devraient recourir davantage aux réseaux de connaissances (universités, instituts, centres de recherche, universités, ONG, etc.) non seulement pour la formulation des politiques publiques, mais également pour un examen et une révision en temps opportun.

L’eau dans un aperçu global : l’un des principes fondamentaux de toute stratégie politique responsable passe par le maintien de l’accès aux ressources en eau, en qualité et quantité. Le thème de l’eau est actuellement sujet à deux types très différents de pression. D’une part, une pression mesurée, plutôt prévisible, avec un mode presque linéaire d’évolution. Tel est le cas de la pression démographique sur les ressources en eau, qui agit à la fois de par l’augmentation de la population (cas de nombreux pays en voie de développement) et par une consommation accrue dans les populations où les revenus augmentent (cas de nombreux pays émergents et pays développés). En outre, il existe des pressions sur l’eau beaucoup plus complexes et imprévisibles. Le cas le plus intéressant est celui du changement climatique, avec une dimension internationale et un impact transversal et non linéaire, affectant les modèles météorologiques, le cycle de l’eau, la quantité et la qualité d’eau disponible, que ce soit à la surface ou dans les nappes phréatiques, et ayant des répercussions sur l’approvisionnement des grands bassins hydrographiques, notamment dans les Andes ou l’Himalaya.

En accord avec toutes les projections, la consommation d’eau dans les décennies suivantes, sans tenir compte des effets plus complexes des changements climatiques, augmentera drastiquement, passant d’une consommation annuelle de 4500 mille million de m3, en 2005, à 6 900 mille million de m3, en 2030. Le rapport dû aux composants démographiques et au changement de mode de vie dans les pays émergents est tout à fait significatif. En effet, la plus grande augmentation de la consommation aura lieu en Afrique (avec une croissance de 283 %), ce continent allant plus que dupliquer sa population, passant de 900 millions d’habitants, en 2005, à environ deux mille millions en 2030. L’Asie également augmentera, dans la même période, de 3,9 mille millions à 5,2 mille millions d’habitants.

Quelques explications résumées aident à mieux comprendre ce qui est en jeu dans la situation de ce bien essentiel pour l’humanité et la vie qu’est l’eau :

  • L’empreinte hydrique d’un pays a deux composantes : l’empreinte hydrique interne est le volume nécessaire d’eau pour produire des services consommés à l’intérieur du pays ; l’empreinte hydrique externe est l’eau contenue dans les services et les biens importés. Les pays en voie de développement sont ceux qui ont la plus faible capacité à préserver leurs ressources hydriques : « l’eau grise », des effluents industriels et domestiques, contamine « l’eau bleue » (superficielle et souterraine) et « l’eau verte » (humidité du sol).
  • L’utilisation de l’eau est marquée par l’irrationalité et la perte (surtout dans le secteur agricole, qui correspond à 70 % de la consommation humaine). Les changements d’habitudes alimentaires, vers des régimes moins riches en viande, constituera un des ingrédients d’une stratégie d’utilisation plus efficace des ressources hydriques.
  • La pollution des ressources hydriques a non seulement augmenté les coûts de son utilisation, mais a également mené à la dégradation accélérée d’écosystèmes précieux (10 mille espèces disparues ou en danger).
  • Malgré les milliers de projets hydrauliques, dispersés à travers la surface planétaire, construits dans la plupart des cas sans considération des impacts sur l’environnement, plus de 1,1 mille millions de personnes vivent sans accès direct à l’eau, et 2,4 mille millions ne possèdent pas les conditions appropriées d’assainissement. On recense annuellement 5 millions de morts associées à ce manque déplorable de conditions. Choléra, dysenterie, entérite, fièvre typhoïde, hépatite A, poliomyélites, malaria… C’est la constellation d’un cauchemar sanitaire de conduction hydrique.
  • La pression humaine sur l’eau a mené à un manque croissant des ressources disponibles, engendrant des situations de grand stress hydrique. Actuellement, 40% de la population mondiale vit avec moins de 2 mille m3 annuel par personne. On considère qu’en 2025, entre la moitié et les deux tiers de la population du globe vivront dans des zones avec des niveaux diversifiés de stress hydrique. Au rythme actuel, les Objectifs du millénaire pour l’eau seront atteints avec quelques années de retard, en particulier en ce qui concerne l’assainissement de base.
  • Le manque d’eau se revêt de plus en plus de problèmes stratégiques et de sécurité. L’existence de 263 bassins hydrographiques internationaux constitue un défi environnemental et technique, mais aussi diplomatique, politique et culturel, en ce qu’il faut fournir un accès égal et pacifique très précieux à toutes les parties et activités intéressées. Entre 1999 et 2006, on a relevé 60 conflits de divers degrés d’intensité, de nature extérieure et intérieure, autour de la propriété et de l’utilisation de ressources hydriques.

Une partie de la pauvreté associée à l’eau dérive de son manque. Cependant, il existe aussi le revers de la médaille : la pauvreté qui résulte de l’exclusion et de la marginalisation de groupes sociaux entiers, généralement de fermiers pauvres, qui sont transformés en réfugiés dans leurs propres pays et régions de par l’implantation de gigantesques œuvres hydrauliques. Quatre millions ont été délogés en raison du barrage des Trois Gorges, sur le fleuve Yangtsé, en Chine ; un demi million à cause du barrage de Sardar Sarovar, sur le fleuve Narmada, en Inde. La Commission mondiale des barrages, dans son rapport de 2001, a parlé de 40 à 80 millions de gens déplacés pour environ 45 mille œuvres hydrauliques construites au cours du XXe siècle.

Une bonne législation est indispensable pour briser le cercle vicieux de la pauvreté hydrique. Mais un pays peut disposer de bonnes lois et de plans stratégiques sans que cela ne produise d’effets significatifs, s’il manque la volonté politique de créer les structures techniques, de rendre disponible les moyens financiers et de former les capacités humaines qui permettent une mise en œuvre exacte des bonnes lois et des options stratégiques. Le thème de l’eau a besoin d’information adéquate, rassemblée sur le terrain et travaillée par les moyens techniques appropriés, et d’une bonne politique basée sur la transparence et offrant la possibilité à tous les intérêts liés à un certain flux ou une certaine zone hydrographique de présenter leur point de vue et leurs arguments.

L’eau a besoin d’un marché régulé, permettant des prix en adéquation avec cette ressource, et des tarifs flexibles, en faveur des plus pauvres. La pauvreté transforme l’eau en un bien de consommation luxueux pour les plus dépourvus. Aujourd’hui, le marché de l’eau investit près de 700 mille millions de dollars par an. En 2004, le seul secteur de l’eau mise en bouteille a rapporté 100 mille millions de dollars. Parmi les consommateurs principaux se trouvent le Mexique, la Chine, le Brésil, l’Inde et l’Indonésie. Cela signifie que, dans des nombreux cas, ceux qui ont le plus de besoin d’eau sont ceux qui payent le plus. La pauvreté se maintient, aussi, par l’inertie des intérêts en place///.