Y, comme Youtube

Mise en ligne: 15 mars 2013

Le printemps de Damas se fait attendre, par Margarida Santos Lopes

Youtube : site qui permet aux utilisateurs de charger et partager des vidéos en format digital. Le mot provient de la combinaison de « you » (« tu » en anglais) et « tube » (qui signifie « transmission » en argot).

  • Je m’appelle Suhair Atassi. J’ai 38 ans, et je suis musulmane sunnite. J’appartiens à une des familles politiques et religieuses les plus importantes de Homs, capitale de la révolution syrienne. Mon père, Jamal, un des premiers militants du Parti Baas, a laissé tomber le Président Nuredin, son cousin, en faveur de Hafez al-Assad, lors du coup d’Etat de 1970. Mais il s’en est éloigné dès que le nouveau leader a abandonné l’idéal panarabe. En 2000, quand mon père est mort, peu avant la mort d’Hafez, ce dernier lui a offert des funérailles « presque officielles », en le reconnaissant comme « patriote de conviction ». Moi, au contraire, avec Bashar al-Assad, j’ai été retenue plusieurs fois et contrainte à huit mois de clandestinité jusqu’à mon exil en France, depuis novembre 2011.

Mon délit ? Avoir créé le forum Jamal Atassi, un espace de discussion sur Facebook pour exiger des réformes. Les vidéos que nous avons partagées dénonçaient l’oppression. Le régime m’a privée de cette existence virtuelle. Nous espérions un « Printemps de Damas » après l’arrivée au pouvoir du fils de Hafez, mais nous avons fait face à un univers de silence, avec une double terreur. D’une part, la colère résultant de la détérioration des conditions de vie, de la corruption et la répression. D’autre part, la peur : les persécutions, interrogatoires, pressions sur les membres de la famille, la prison sur base de fausses accusations.

En avril 2011, à Homs, j’ai vu comment il était possible de briser la barrière de la peur. L’espoir est revenu. Les gens ont réalisé qu’ils peuvent, par eux-mêmes, retrouver leur humanité.

  • Je m’appelle Ahed al-Hendi, j’ai 27 ans et je suis chrétien. Je suis né à Damas, où j’ai étudié la gestion. J’ai contribué à créer, en 2006, un mouvement de jeunesse laïque et démocratique. Ce mouvement a duré quelques mois, jusqu’à ce que je sois arrêté dans un cybercafé. Je comptais présenter au monde, en particulier grâce à des images sur Youtube, les preuves des crimes de la dictature.

Je suis resté en prison pendant 40 jours. La pire des tortures était psychologique. L’expérience de l’isolement dans une cellule minuscule, sans avoir droit à un avocat, était juste horrible. J’ai voulu mourir à plusieurs reprises. J’ai attendu trois mois pour m’enfuir de Syrie : je suis allé en Jordanie, Egypte, au Liban, et enfin aux Etats-Unis. Maintenant, à New York, je coordonne le programme arabe Cyberdissidents.org, qui diffuse la voix des blogueurs pro-démocratie au Moyen-Orient. Suhair Atassi est un dissident courageux qui a influencé de nombreux jeunes militants. Il a été le premier à organiser des manifestations et révoltes contre Bashar. L’Occident devrait les soutenir pour l’avenir de la région.