Coopérants, avant, pendant et après

Mise en ligne: 11 juillet 2012

Les coopérants rentrés peuvent exercer une certaine influence sociale, par Tinne Mertens

Ils sont 392 coopérants rentrés en Belgique à avoir répondu à cette enquête sur l’influence qu’ils pensent avoir sur la société belge. Ils étaient partis pour une dizaine d’ONG tant francophones que néerlandophones, parmi lesquelles Oxfam, Volens et Médecins sans frontières. L’étude fut menée par Tinne Mertens, licenciée en sociologie à la KUL, sous l’impulsion de la fédération d’ONG néerlandophones Coprogram et nous présentons ici certains de ces résultats. Dans un premier temps, l’enquête vérifie si les coopérants après leur retour suivent des formations dans une autre orientation que celle qu’ils avaient avant leur départ. L’étude veut ainsi voir si les coopérants après leur retour veulent prendre une autre orientation sur le marché du travail.

A l’analyse des résultats, il y a une différence significative en ce qui concerne les secteurs de formation suivies par les coopérants avant leur départ et après leur retour. 200 coopérants ont suivi après leur retour une formation professionnelle. Avant le départ, plus de 20 % d’entre eux se trouvaient dans une orientation agronomique et après le retour, seul 5 % reste dans ce secteur. Les secteurs paramédicaux sont également en diminution après le retour. Les orientations économiques, sociales et scientifiques attirent un plus grand nombre de personnes après le retour qu’avant le départ.

Une différence significative aussi est à relever entre les secteurs où les coopérants travaillaient avant leur départ et les secteurs où ils travaillent après leur retour. Le secteur de la coopération au développement a un plus grand nombre de personnes après le retour des coopérants. Les secteurs de soins de santé et sociaux, au contraire, perdent des personnes après le retour. Pour les autres secteurs, la situation reste plus ou moins la même.

L’étude a demandé aux coopérants rentrés d’indiquer si, à leur retour, ils ont encore des contacts personnels avec les gens qui ont travaillé dans le même projet, avec les personnes de l’association d’envoi pour laquelle ils ont travaillé dans le tiers monde, avec les organisations partenaires avec lesquelles ils ont travaillé dans le tiers monde, avec des personnes qu’ils ont appris à connaître hors projet et avec une organisation de coopérants rentrés.

Le tableau laisse apparaître que les coopérants rentrés ont dans une large mesure des contacts avec les personnes avec lesquelles ils ont travaillé dans le même projet dans le tiers monde, avec des personnes de l’organisation d’envoi pour laquelle ils ont travaillé dans le tiers monde, avec les personnes qu’ils ont appris à connaître sur place hors projet. Dans une moindre mesure ils ont gardé contact avec l’organisation partenaire. Seulement 13 % des coopérants rentrés ont des contacts avec une organisation de coopérants revenus définitivement.

Dans les tableaux ci-joints nous voyons que presque la moitié des coopérants revenus ont collaboré, après leur retour, à des activités concernant le tiers monde sur le plan local.

Et ils en parlent le plus souvent avec les gens de leur entourage immédiat, des collègues et des personnes dont ils savent qu’elles ont aussi vécu dans le tiers monde. L’influence exercée via des conversations reste en conséquence limitée au cercle des intimes.

Une grande partie des coopérants rentrés ressent le consumérisme et l’individualisme ambiant de la société belge comme problématiques. Le stress et la recherche d’un job répondant à leurs attentes causent moins de problèmes. Le contact avec la famille et les amis est vécu comme le moins problématique.

Plus de 40 % des coopérants rentrés trouvent que les ONG doivent consacrer le plus d’attention aux projets dans le tiers monde. L’envoi de coopérants vers le tiers monde est de façon très minoritaire perçu comme l’activité la plus importante. La sensibilisation de l’opinion publique en Belgique et le lobbying politique forment la tranche moyenne. Les coopérants rentrés ont indiqué dans quelle mesure ils trouvent que les ONG doivent se consacrer à remplir un certain nombre de missions proposées.

« Encourager les autres à aller vivre dans le tiers monde » est pas considéré par près de 90 % des coopérants revenus comme n’étant pas la tâche des ONG. « Appuyer un parti politique qui présente un programme en matière de coopération au développement » est vu comme tâche de l’ONG par plus de la moitié des coopérants revenus. Les autres tâches ont des marques notablement meilleures.

A étudier ces réponses de plus près, nous pouvons affirmer que les coopérants rentrés sont un groupe jeune, hautement formé avec un travail d’un niveau moyennement haut. Durant leurs loisirs, la plupart d’entre eux s’engage dans des organisations qui oeuvrent pour l’amélioration du sort du tiers monde. Les coopérants rentrés se trouvent donc dans des positions sociales à partir desquelles ils peuvent exercer une certaine influence sociale.

Il y a peu de différence dans la position sociale des coopérants avant le départ et après leur retour. Nous pouvons donc affirmer que les coopérants disposaient déjà de positions sociales, avant leur départ, d’où ils pouvaient avoir une influence, ce qui minimalise l’effet du séjour dans le tiers monde.

Les coopérants rentrés reviennent cependant plus « riches » sur le plan des compétences qu’ils utilisent surtout dans leur entourage direct. Après leur retour, la majorité des coopérants garde le contact avec la population locale, les collègues et les responsables des organisations d’envoi.

Une moitié des coopérants revenus collaborent au mouvement pro tiers monde et aux activités éducatives. La plupart d’entre eux parlent à leur retour de leurs expériences. Les conversations portent la plupart du temps sur la population locale dans le tiers monde et sur les différences culturelles qu’ils ont vécues dans le tiers monde.

Les coopérants rentrés peuvent donc exercer une influence sur la société en collaborant à des activités et en parlant de leurs expériences. En outre, eux-mêmes veulent influencer la société belge car la plupart d’entre eux sont disposés à travailler en faveur d’un monde plus juste, pour donner une image positive du tiers monde, pour aider à rendre la société belge plus solidaire et pour partager leurs expériences avec des non-coopérants.

A partir d’entretiens approfondis, nous avons appris que la satisfaction sur l’engagement dans le tiers monde a, par la suite, une influence sur les engagements après le retour. Plus les coopérants revenus sont satisfaits de leur travail, plus ils seront par la suite membres d’associations. Plus ils travaillent dans un secteur social, plus ils veulent travailler dans le secteur de la coopération au développement et plus leur engagement dans des associations est solide. Plus ils disposent de compétences et plus ils sont prêts à exercer une influence dans la société belge.

Finalement, nous pouvons affirmer que les coopérants rentrés offrent la possibilité d’échanges interculturels avec le tiers monde, mais cela ne se réalise pas d’une manière automatique. La question de savoir s’ils exercent une influence n’a pas été tranchée. Nous pouvons seulement dire qu’il existe une possibilité pour cette influence. Les ONG peuvent stimuler cette influence, mais pour cela elles devront élaborer une politique en la matière et vérifier comment leur politique de ressources humaines doit être revue pour mieux atteindre ce but.