Le nombre de formations possibles donne le tournis mais c’est sans garantie d’emploi au bout, par Tito Dupret
Il existe en Belgique un réseau de formations accueillant près de 16 mille personnes en marge de l’enseignement. Ecartées de celui-ci pour mille raisons, elles bénéficient d’un effort public et citoyen important pour apprendre un métier. Ce sont les Centres d’insertion socioprofessionnelle (CISP). Il y a en Wallonie « plus de 400 filières de formation » répartis dans 157 centres. Une centaine sont présents à Namur Expo, qui vibre d’une conviviale bonne humeur. Avec pour slogan « Se former autrement », l’Interfédé des CISP réussit à rassembler les acteurs d’un secteur particulièrement diffus ; tant sur le territoire wallon que dans le champ de ses activités. Tellement qu’ils sont eux-mêmes ravis de se rencontrer parfois pour la première fois. Un premier salon ne s’adresse pas seulement aux publics mais aussi aux forces vives.
Dès l’entrée, je prends connaissance d’un rapport intitulé « Radioscopie des stagiaires des CISP », 37 pages de graphiques commentés. On y apprend que la catégorie « Alpha et programme de base » mange près d’un tiers de plus de 5,5 millions d’heures de formation en tout par an. C’est loin devant les dix autres catégories dont le secrétariat, le service à domicile, le bâtiment, les métiers verts et l’horeca.
Françoise Robert, chargée de communication, me dit a posteriori que l’objectif de s’extraire de l’entre-soi lors du salon est atteint grâce à plus de mille visiteurs hors-secteur sur les deux mille accueillis en un jour. J’en fais partie et candide, je m’approche des stands, curieux de tout et rêvant un peu à une autre vie possible. C’est ainsi que je me lance dans un « bilan d’orientation » avec l’association Centre européen du travail.
Par un effet d’entonnoir en choisissant des photos parmi plusieurs séries, je me découvre un avenir de dendrologue pour étudier les arbres et le bois parmi les « services à la personne et à la collectivité ». Dans cet esprit, je rencontre l’association Jeunes au travail. À condition d’être sans emploi et sans certificat d’études secondaires supérieures, indemnisé un euro par heure, je peux me former sur site à l’entretien et l’aménagement des espaces verts. Un accompagnement social est assuré tout du long.
On le comprend, le public visé par les CISP est fragile parce qu’il a suivi ou subi un sentier hors de ceux battus par l’enseignement traditionnel. L’association renommée Lire-et-écrire peut en parler. Dans le hall d’accueil, elle invite les visiteurs à constituer des graphiques reprenant les taux de l’illettrisme en Belgique et ailleurs avec de vraies part de tartes à la rhubarbe, à la cerise et au sucre. Attention du visiteur garantie et papilles réjouies.
Dans le hall principal, le nombre de formations possibles donne le tournis. La ferme de Froimond forme des maraîchers biologiques en permaculture. Microbus invite à s’initier aux industries 4.0 : réalité augmenté, drônes, robotique et impression 3D sont au menu. L’approche y est moins évidente que celle de petites madeleines offertes par deux dames, stagiaires en « Cuisine de collectivité et restauration » chez Aid Hainaut centre.
Margaux Buckinx de l’association Le Timon explique, un perroquet sur l’épaule, le mot « equicoaching », une méthode équestre pour élaborer un projet professionnel travaillant sur ce qui fait obstacle à l’emploi : le manque de confiance en soi, les difficultés relationnelles, la gestion des émotions. Ici, Françoise Robert insiste sur cet aspect important des CISP : augmenter l’estime de soi, baliser le développement personnel, « rebooster » le stagiaire.
Malheureusement, nombreux sont ceux que l’on perd en route. Plus de la moitié n’atteint pas la « synthèse du projet post-formation ». Ils disparaissent dans la nature sans qu’on sache pourquoi. Le fait qu’il n’y ait aucune garantie d’emploi au bout des formations y contribue sûrement.
Il existe néanmoins l’accès à un secteur à la fois social et professionnel bien vivant et revivifiant. Surtout pour des personnes éloignées des logiques urbaines dominantes et d’une société ne ménageant pas les personnes ayant des trajectoires différentes et incertaines ; pour ne pas dire des vies fragiles et difficiles. Tel est le sentiment me dominant au sortir de ce premier salon des CISP.