L’eau dans la transition écologique : cas du Maroc

Mise en ligne: 27 janvier 2025

Étant un bien vital pour l’existence de l’être humain et son développement, l’eau constitue le premier facteur de formation de toute civilisation. Néanmoins, sa disponibilité est de plus en plus rare. Cette rareté couplée à une répartition inégale entre les pays du monde et même sur les territoires d’un même pays, font de cette denrée une préoccupation des sociétés civiles, des décideurs politiques et de la communauté internationale. Une situation qui risque de se compliquer de plus en plus surtout avec le développement démographique et l’impact des changements climatiques.

Le Maroc, pays de la Région MENA (Middle East and North Africa), n’est pas exonéré de ces constats. En fait, et de par sa situation géographique, les ressources en eau au Maroc sont caractérisées par une irrégularité dans le temps et une variabilité dans l’espace. Le potentiel des ressources en eau naturelles est évalué en moyenne à 22 milliards de m3 par an dont près de 70% sont concentrées dans les trois bassins du Nord du pays, à savoir le Loukkos, le Sebou et l’Oum Er Rbia, qui ensemble couvrent à peine 15% du territoire national. Aussi, les apports en eau de surface connaissent une grande variabilité interannuelle dans un rapport de 1 à 16 : 3 Milliards de m3 en 1992 et 48 Milliards de m3 en 1962.

Cette situation s’est accentuée depuis 2015 et a impacté négativement les réserves d’eau des barrages du pays dont le taux de remplissage a baissé considérablement durant les dernières années. De plus, les réserves d’eau souterraines n’ont pas échappé aux effets conjugués du changement climatique et de la surexploitation pour satisfaire les besoins en eau, surtout d’irrigation.

Ainsi, au Maroc la quantité d’eau disponible aujourd’hui par habitant et par an se situe en moyenne au environ de 600 m3/habitant/an plaçant ainsi le pays dans une situation de rareté de l’eau.

Gardant à l’esprit !

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) :
 Le terme « stress hydrique » est utilisé pour caractériser les zones où la disponibilité en eau par personne et par habitant est inférieure à 1 700 m3 en moyenne. C’est le cas des zones arides où la situation dure dans le temps.
 La « pénurie d’eau » est plutôt utilisée quand la disponibilité en eau est comprise entre 1 700 m3 et 1 000 m3 par an et par habitant. Ces pénuries peuvent être périodiques ou circonscrites.
 La « rareté de l’eau » correspond aux situations où la disponibilité en eau est inférieure à 1 000 m3 par an et par habitant.

Quelles sont les causes du stress hydrique ?

Le stress hydrique est souvent la résultante de la combinaison de plusieurs facteurs. Au Maroc, comme ailleurs, les raisons sont multiples et concernent entre autres :
 L’augmentation de la population, parfois exponentielle et rapide ;
 La modification des modes de consommation de l’eau particulièrement ceux liées à l’amélioration du mode de vie, conduisant généralement au gaspillage de l’eau ;
 Le développement de plus en plus de l’agriculture irriguée mais aussi de l’agriculture intensive ;
 La surexploitation des eaux souterraines ;
 Le dérèglement climatique : successions des périodes de sécheresse, inondations de plus en plus fréquentes, canicules ...
 La déforestation et l’évaporation ;
 La pollution ayant différentes origines : agricole, industrielle, rejets domestiques...
 Le réchauffement climatique provoqué par l’émission de gaz à effet de serre.

Quelles sont les principales conséquences du stress hydrique ?

Le stress hydrique engendre de multiples conséquences en cascade qui pourraient être regroupées comme suit :
• Les difficultés dans la gestion de l’eau :

Plus l’eau est rare, plus sa gestion devient difficile notamment pour satisfaire les besoins de tous les usagers de l’eau particulièrement en ce qui concerne l’approvisionnement en eau domestique des populations et l’alimentation des périmètres irrigués. Les industries à forte consommation d’eau, comme l’énergie, la fabrication ou l’extraction minière, subissent aussi des perturbations dans leur production. Cela peut entraîner une baisse de la productivité et des pertes d’emploi.

D’un autre côté, les infrastructures liées à la gestion de l’eau (barrages, systèmes de distribution) sont sous pression et nécessitent des investissements accrus pour répondre à la demande.

C’est ainsi que des tensions et des conflits d’usage de l’eau risquent de se générer notamment en raison de la compétition pour s’accaparer de l’eau. Ce qui induit à son tour des effets négatifs en cascade dont l’accaparement des terres à moyen et à long termes, l’atteinte à la stabilité des populations et leur niveau de vie…etc.

• Les impacts sur l’environnement :

Sous l’effet du stress hydrique, toutes les composantes du système écologique se voient modifiées. La faune comme la flore subissent des changements qui peuvent menacés même leur croissance et leur existence. En revanche, d’autres espèces végétales et animales invasives peuvent se développer tout en perturbant les systèmes aquatiques déjà existants.
Les couverts végétaux risquent aussi de se dégrader, accélérant ainsi l’effet du changement climatique particulièrement sur les sols. L’érosion de ces derniers par exemple peut s’accentuer, d’où résulte l’instabilité des sols, la perte de capacité de stockage des ouvrages hydrauliques à cause de l’envasement…

Les problématiques liées à l’assainissement risquent de se poser compliquant ainsi sa gestion. En plus des problèmes liés à l’appauvrissement des ressources avec une dégradation notable de la qualité de l’eau.

• Les impacts socio-économiques :

De manière générale, l’hygiène et tous les domaines liés à la santé publique sont menacés par le stress hydrique vue que le manque d’eau propre aggrave les conditions sanitaires et favorise la propagation de maladies hydriques comme la diarrhée, le choléra et la typhoïde.
De plus, dans les zones gravement touchées par la pénurie d’eau, les populations peuvent être contraintes de migrer vers celles moins affectées, entraînant des tensions sociales et des pressions sur les infrastructures urbaines.

Cela peut également conduire à des conflits sociaux dans les zones d’accueil, exacerbant les inégalités existantes.

C’est ainsi, que des inégalités sociales accrues sont générées. En fait, les communautés les plus vulnérables, notamment les populations rurales et les pauvres urbains, sont souvent les premières à souffrir du stress hydrique. L’accès à l’eau devient un marqueur d’inégalité sociale, avec des conséquences sur la santé, l’éducation et la qualité de vie.

Les solutions envisagées pour faire face à la crise de l’eau : cas du Maroc comme exemple

Pour faire face aux multiples contraintes susmentionnées, le Royaume du Maroc s’est engagé dès son indépendance dans la voie de la maîtrise des ressources en eau à travers une planification dynamique et anticipative. Grâce aux efforts déployés, le Maroc s’est doté d’une importante infrastructure hydraulique et a su faire face aux contraintes de la rareté hydrique amplifiée par l’effet du changement climatique. Ces efforts ont permis de répondre aux besoins en eau nécessaires à l’accompagnement du développement socio-économique du pays.

En effet, le Maroc s’est doté d’une Stratégie Nationale de l’Eau présentée à Sa Majesté le Roi Mohamed IV en Avril 2009, laquelle stratégie a prévu entre 2010 et 2030 des actions qui s’articulent autour de six axes comme suit :

Gestion de la demande en eau et valorisation de l’eau avec un objectif de réduction de la demande de 2.5 Milliards de m3 d’eau par an à l’horizon 2030 essentiellement à travers l’amélioration des rendements des réseaux de distribution d’eau potable et des canaux multiservices en plus de la reconversion à l’irrigation localisée ;

Gestion et développement de l’offre notamment à travers la réalisation de 60 grands barrages, 1000 petits barrages et le transfert d’eau entre les bassins du nord et les bassins du sud, la réutilisation des eaux usées épurées à hauteur de 300 Mm3/an et le dessalement de l’eau de mer (400 Mm3/an) ;

Préservation et protection des ressources en eau, du milieu naturel et des zones fragiles (Contrats de nappes, recharge artificielle des nappe, Programme National d’Assainissement Liquide) ;

Réduction de la vulnérabilité aux risques naturels liés à l’eau et adaptation aux changements climatiques ;

Poursuite des réformes règlementaires et institutionnelles  ;

Modernisation des systèmes d’information et renforcement des moyens et des compétences.

Actuellement, le Plan National de l’Eau (PNE) constitue le cadre de référence de la politique nationale de l’eau de notre pays, suite à l’adoption de la nouvelle loi 36-15 sur l’eau depuis 2016 et qui a apporté des nouveautés notamment en matière de planification de l’eau. Le projet du PNE a été établi dans le cadre d’une coordination élargie intégrant tous les acteurs institutionnels concernés et a été présenté à la Commission Interministérielle de l’Eau le 25 Décembre 2019, et sera présenté au Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat lors de sa prochaine session. Ce projet est en cours de finalisation pour une meilleure adaptation aux orientations et prescriptions du Nouveau Modèle de Développement et de la Stratégie Nationale de l’Eau (SNE).

S’agissant du Programme National pour l’Approvisionnement en Eau Potable et l’Irrigation 2020-2027 (PNAEPI 20-27), celui-ci a été préparé suite aux hautes orientations Royales par une commission technique intégrant les différents intervenants dans le secteur de l’eau et présidé par le Ministère de l’Equipement et de l’Eau. Ce programme dont la convention cadre de sa mise en œuvre est signée 13 Janvier 2020, vise l’accélération des investissements dans le secteur de l’eau sur la période 2020- 2027.

D’autre part, et pour faire face aux aléas du Changement Climatique, et minimiser ses impacts et d’assurer la sécurité hydrique et les services liés à l’eau, une politique d’adaptation au changement climatique exigeant un cadre politique cohérent, une banque de données fiable et partagée ainsi qu’un renforcement des capacités et compétences est envisagée.
En terme d’adaptation, le Maroc s’est engagé depuis plusieurs décennies dans une politique de maîtrise et de mobilisation des ressources en eau, ainsi que l’adoption d’une démarche de planification et de gestion intégrée et à long terme, ce qui lui a permis de sécuriser l’approvisionnement des populations en eau potable même pendant les périodes de sécheresse.
Autant que paramètre qui s’impose de plus en plus et décisif dans le processus de planification et de gestion des ressources en eau que ce soit à l’échelle nationale ou à l’échelle des bassins hydrauliques, les orientations et les objectifs fixés par le Plan National de l’Eau à l’horizon 2050 tiennent compte de l’impact du changement climatique sur les ressources en eau conformément aux dispositions de la loi 36-15 sur l’eau moyennant :

• le recours de plus en plus aux eaux non conventionnelles notamment le dessalement de l’eau de mer, la réutilisation des eaux usées épurées et la collecte des eaux pluviales ;

• l’interconnexion des systèmes hydrauliques et la diversification des ressources en eau pour augmenter la robustesse des systèmes hydrauliques face au changement climatique permettant ainsi une souplesse dans la gestion des ressources en eau ;

• la gestion optimale et efficiente de la demande en eau surtout dans le secteur agricole qui doit de plus en plus s’adapter à la rareté de l’eau dans le contexte marocain notamment par :
o l’adoption des cultures les mieux adaptées au contexte climatique du pays ;
o l’adoption des redevances et des subventions incitant l’économie d’eau d’irrigation ;
o la sensibilisation et la communication surtout sur la vérité du coût de l’eau ;
o la révision de la tarification de l’eau potable, industrielle, touristique et agricole.

Quelle relation avec la transition écologique ?

La relation entre la gestion de l’eau et la transition écologique est très étroite. En effet, l’eau occupe une place assez importante dans la transition écologique puisque l’eau est une ressource essentielle à la fois pour les écosystèmes naturels et les activités humaines. La manière dont elle est gérée a des impacts directs sur la santé de la planète, la résilience face aux changements climatiques et la durabilité des modèles économiques.

D’un côté, la préservation des écosystèmes naturels, comme les rivières et les zones humides, qui régulent le climat et maintiennent la biodiversité nécessite une gestion durable de l’eau. en effet, En intégrant des pratiques de gestion efficaces, ces écosystèmes peuvent continuer à filtrer l’eau naturellement et à stocker du carbone, contribuant à la lutte contre le changement climatique. Une gestion responsable permet également de s’adapter aux effets du climat, tels que les sécheresses et les inondations, tout en favorisant l’agriculture écologique et en réduisant la pollution de l’eau par les produits chimiques.

D’un autre côté, une meilleure gestion de l’eau soutient la transition écologique en promouvant l’économie circulaire par la réutilisation des eaux usées, en renforçant l’accès équitable à cette ressource vitale et en réduisant les tensions entre l’agriculture, l’industrie et l’énergie renouvelable. Elle permet également de lutter contre la désertification et de restaurer les écosystèmes dégradés, tout en améliorant la résilience des populations face aux changements climatiques, consolidant ainsi les bases d’un développement durable et inclusif.

Références :

  • Stratégie Nationale de l’Eau -2009
  • Projet du Plan National de l’Eau 20-50 du Maroc
  • Maroc : Rapport climat et développement’ , Banque mondiale, Octobre 2022.