La priorité de la coopération devrait aller au renforcement de l’Etat congolais

Mise en ligne: 17 mars 2010

Se désengager de ce qui concerne le renforcement de la démocratie n’est pas judicieux, propos de Wamu Oyatambwe recueillis par Antonio de la Fuente

Wamu Oyatambwe, vous êtes docteur en sciences politiques, vous travaillez dans le secteur de la coopération au développement et vous publiez régulièrement des analyses portant notamment sur la politique congolaise. A l’occasion des cinquante ans d’indépendance du Congo un nouveau Programme indicatif de coopération entre l’Etat belge et l’Etat congolais a été approuvé par le gouvernement belge pour un montant de 75 millions d’euros par an. Ce nouveau programme, est-il vraiment nouveau ?

Il y a du nouveau. Ce n’est pas énorme, mais ce n’est pas une pure reconduction du programme précédent. Par exemple, la santé et le renforcement de la démocratie ne sont plus prioritaires, les priorités allant au désenclavement rural, à l’agriculture et à l’éducation.

Aussi, les montants sont plus importants. Il s’agit pour le nouveau Programme de 400 millions d’euros sur quatre ans, conditionnés à partir de la deuxième année au bon déroulement des activités de l’année précédente. Ce montant est presque le double de celui du programme précédent.

Les orientations du Programme sont au nombre de quatre : efficacité, concentration des secteurs, bonne gouvernance et lutte contre la corruption. Les deux premières n’en font qu’une seule (concentration), de même que les deux dernières (lutte contre la corruption). Qu’en pensez-vous ?

La notion d’efficacité s’aligne sur la Déclaration de Paris, de 2005 (qui a été reconduite à Accra en 2008), tandis que la concentration fait référence à la réduction des secteurs d’activité, qui passent de cinq à trois. Efficacité de l’aide et concentration de celle-ci ne sont donc pas exactement la même chose.

Par contre, il est vrai que la bonne gouvernance et la lutte contra la corruption sont presque synonymes. Les deux supposent le renforcement de l’Etat et de la démocratie. Mais ce renforcement est le parent pauvre du nouveau Programme. Si on croit que l’Etat et la démocratie seront renforcés du seul fait qu’il a eu des élections, on est dans l’erreur.

Les secteurs de concentration de l’aide sont donc le désenclavement rural, l’agriculture et l’éducation, tandis que la santé et le renforcement de la démocratie ne sont plus des priorités. Est-ce bien raisonnable ?

Pour ce qui est de la santé, je peux comprendre qu’elle ne soit plus une priorité vu qu’il y a plein d’autres acteurs sur lesquels la coopération belge peut s’aligner. Il fut un temps où tous les acteurs de la coopération voulaient intervenir sur la santé, notamment dans la lutte contre le sida et le paludisme. C’est vrai aussi que c’est l’Etat congolais qui devrait être l’acteur principal en la matière. Donc, ce n’est pas une mauvaise idée de laisser le terrain à d’autres et de s’aligner sur leurs actions.

Aussi, si la coopération belge se concentre sur les trois autres priorités, les routes, l’agriculture et l’éducation, elle fera, par ce biais, une contribution à l’amélioration des conditions sanitaires de la population congolaise.

Par contre, se désengager de ce qui concerne le renforcement de la démocratie n’est pas judicieux. La bonne gouvernance et le développement supposent un Etat et des institutions qui fonctionnent bien et de manière démocratique. Les cinq chantiers ouverts par le Chef de l’Etat congolais portent aussi tous sur des infrastructures, mais rien de cela n’est possible si l’Etat reste aussi fragile qu’il l’est actuellement.

Dans quel état d’esprit abordez-vous la célébration du cinquantième anniversaire de l’indépendance du Congo ?

J’ai peur que le festif ne l’importe sur la réflexion, et que toute la place soit prise par des réjouissances plutôt mal placées. De mon point de vue, cette célébration devrait être avant tout un moment consacré à la réflexion critique sur le processus de décolonisation aussi bien que sur la gestion postcoloniale, de manière à ne plus reproduire les erreurs du passé et à repartir sur des meilleures bases pour l’avenir.