Marie Tenen s’intéresse de près à l’émergence du cinéma congolais. Propos recueillis par Antonio de la Fuente
Marie Tenen, vous vous intéressez de près à l’émergence du cinéma congolais. Mais, y en a-t-il bien un ?
Oui, même si ce n’est pas une industrie cinématographique aussi développée que celle du Kenya ou de l’Afrique du Sud. Le cinéma au Congo est naissant, il est en train de construire son identité. Il se fait principalement à Kinshasa, à Goma et à Bukavu, où travaille notamment la très active organisation 3 Tamis. Celle-ci accomplit un travail remarquable en matière d’implication de la population dans la production audiovisuelle. Je viens d’assister à la projection d’un reportage fait par un cinéaste congolais, Petna Ndaliko Katondolo. Il a réalisé ce film à la demande d’une chaîne de télévision hollandaise. Qu’une structure audiovisuelle européenne engage un réalisateur congolais pour ce reportage me semble être une excellente démarche. La Belgique et d’autres pays occidentaux pourraient s’en inspirer.
Quels sont les films que les Congolais regardent principalement ?
Des films, des feuilletons, des émissions et documentaires tels qu’on peut les voir ici. Dans le cas de la télévision nationale congolaise, par exemple, il existe des accords d’échange avec des pays comme la France qui envoient leurs programmes sur les ondes congolaises. Par contre, les espaces de projections sont radicalement différents de ceux que nous connaissons. La notion de salle de cinéma y est réduite à son strict minimum, une télévision et un lecteur suffisent. Circulent également des pièces de théâtre nigériennes et ivoiriennes, diffusées en DVD.
Le Congo est vu en Belgique principalement à travers les films de Thierry Michel. Que pensez-vous de ses films ?
Pas grande chose de bien. Je ne m’y retrouve pas et l’aspect voyeuriste de certaines scènes me met mal à l’aise. Je pense que cela est dû au fait que ces films ne sont pas destinés à un public congolais, mais plutôt à un public belge nostalgique, qui a ce besoin de se décomplexer de son passé colonial. Les films de Thierry Michel contribuent à cette inutile construction de bonne conscience. Son regard sur le Congo d’aujourd’hui est intrinsèquement lié et déformé par l’omniprésence d’un Congo qui n’existe plus.
Dans quel état d’esprit abordez-vous la célébration des 50 ans d’indépendance du Congo ?
Je me réjouis d’avoir l’opportunité de m’engager dans un projet culturel visant à célébrer les indépendances africaines, y compris celle du Congo. Au vu de l’évolution des sociétés africaines durant ces cinquante dernières années, cette célébration devra comporter un espace de réflexion sur l’avenir du continent. Toutefois, je crains que l’engouement autour de l’Afrique que nous connaissons en cette année historique ne retombe aussi soudainement qu’il est apparu. Mon espoir est que ces nombreux événements organisés autour de l’Afrique soient les déclencheurs d’un regain d’intérêt et d’un autre regard sur cultures africaines.