Le cinéma, miroir révélateur du post-colonial

Mise en ligne: 1er mars 2018

Deux expériences singulières de création de films en lien avec le post-colonialisme, par Chafik Allal

« Créer en post-colonie et décoloniser les regards » : belle formule, avec laquelle se finit l’article précédent. Pour moi, ça peut faire l’affaire pour commencer le suivant. Et pour être précis, créer de nouvelles images, de nouveaux récits mis en images, de nouvelles façons de mettre en images pour s’emparer du post-colonial et ne pas laisser le néo-colonial nous ensevelir et nous emporter. Bien sûr, ce n’est pas l’un ou l’autre. Entre les deux, que de nuances. Mais, ces derniers temps, le diable a appris à se nicher dans les plis des nuances. Donc la question précise est : comment créer des films –documentaires ou fictions – en post-colonie en vue de décoloniser les regards, les imaginaires, les esprits ? Question difficile, très difficile même. Les sensibilités des dominants, même quand elles sont tues ou camouflées, sont à fleur de peau. Evidemment, on censurera rarement pour les bonnes raisons assumées – divergences politiques ou d’analyse post-coloniales – mais parce que tu donnes une mauvaise image des uns ou des autres. En bref, il est difficile de créer en post-colonie.

Nous allons relater deux expériences singulières de création de films en lien avec le post-colonialisme à travers les entretiens avec les réalisateurs : la première expérience est celle d’un véritable travail de mémoire post-coloniale effectué par Said Mehdaoui qui a fait « Les cinéastes de la liberté » pour le rôle du cinéma dans l’histoire de la révolution algérienne et jeter la lumière sur les pionniers du film révolutionnaire et qui ont été à l’origine de la naissance du cinéma national en Algérie. Ces cinéastes ont été les premiers à prendre la caméra comme une arme dans la lutte armée contre le colonialisme, et montrer au monde entier les atrocités endurées par le peuple algérien. L’enjeu était de sensibiliser l’opinion et les organisations internationales à la cause algérienne. Ce sont les mêmes qui ont commencé à fonder l’idée d’un cinéma post-colonial.

La deuxième est une expérience originale d’un film post-colonial tourné à Bruxelles il y a quelques années par Chafik Allal et Claudio Capanna, « Bateau ivre ». Ce film inspiré par le livre de Joseph Conrad « Au cœur des ténèbres » veut faire poser, par des migrants fraîchement arrivés sur le territoire belge, un regard exploratoire sur la Belgique à travers le canal Bruxelles-Charleroi. Une exploration inversée. Il a eu la particularité d’avoir beaucoup intéressé en Algérie et en Italie, parfois plu et ayant eu des prix, mais ayant été peu apprécié en France. En Belgique, l’accueil a été… ou plutôt … comment dire ?…. Ah oui c’était quoi encore la dernière phrase de l’article précédent ? « Décidément, la jungle belge qu’il faut encore traverser pour « créer en post-colonie et décoloniser les regards » reste impénétrable.