La culture burundaise est difficile à percevoir : l’histoire et la géographie y sont pour quelque chose, propos d’une expatriée au Burundi recueillis par Antonio de la Fuente
Vous vivez depuis des années au Burundi. Comment décririez-vous le pays à une personne qui ne le connait pas ?
Le Burundi est un petit pays d’Afrique centrale très particulier, qui n’a que très peu de similitudes avec d’autres pays africains hormis le Rwanda. Il s’agit d’un très beau pays de collines vertes et fertiles extrêmement peuplé et où il ne reste malheureusement plus beaucoup d’animaux suite aux conflits du passé et à la démographie galopante.
Le Burundi est aussi un des pays les plus pauvres au monde. Pourtant il ne manque pas d’opportunités qui pourraient aider à améliorer les conditions de vie de la population. Les Burundais sont divisés en différentes ethnies, avec une majorité de hutus, une large minorité de tustis et une toute petite minorité de batwas. Les Burundais sont extrêmement réservés, la culture burundaise est très difficile à percevoir.
Cela s’explique par différents facteurs : notamment géographiques (un peuple des montagnes, isolé), culturel (beaucoup de retenue), et historique (un passé difficile de colonisation belge et ensuite de bien longues années de conflits internes). En bref, c’est un pays difficile et en même temps très attachant.
Les Burundais disent de manière presque unanime que quoiqu’il en soit de la profondeur de la crise politique actuelle, elle ne débouchera pas sur un conflit ethnique. Partagez-vous cette certitude ?
A priori, oui, parce que les Burundais semblent avoir dépassé le stade de l’exacerbation des différences ethniques. Ils en ont terriblement souffert par le passé et sont extrêmement décidés à ne plus retourner en arrière.
Mais je dis « a priori » car ces vieux démons du passé pourraient être instrumentalisés par certains partis ou clans politiques afin de diviser la population et faire régner la terreur.
Étant donné le très faible niveau d’éducation de la très large majorité de la population rurale et l’absence pratiquement totale de médias indépendants (essentiellement les radios, largement écoutées à travers le pays), les gens vivent en vase clos avec pour seules sources d’information les médias du pouvoir et les rumeurs incessantes, ce qui ne contribue pas à rassurer les esprits.
Dans ce contexte, il existe donc malheureusement un terreau fertile pour que des discours ethniques puissent peut-être trouver écho auprès de certaines personnes. Mais espérons que la ferme volonté de dépasser ces clivages chez la grande majorité des Burundais les mettra à l’abri de ce danger.
Vous mettez l’accent sur la grande retenue voire la peur de s’exprimer des Burundais. La crise actuelle amplifie peut-être cette réserve ?
Crise ou pas crise, les Burundais sont par nature particulièrement réservés. Il faut beaucoup de patience pour percer leur intimité, comprendre leur manière de penser et de voir les choses. La crise actuelle exacerbe encore plus cette réserve et cette retenue et ajoute en plus la peur et la crainte parmi la population.
Hormis la jeune génération, les Burundais connaissent les conflits et les horreurs qu’ils générèrent. Même si le pays vit dans une paix (relative et avec des hauts et des bas) depuis une quinzaine d’années, les gens gardent des souvenirs des périodes difficiles qui les ont marqué à jamais.
Ces traumatismes du passé, dans un contexte de grandes tensions politiques et de répression ciblée de la part du pouvoir en place qui cherche à tout pris à se maintenir, sur un fond de rumeurs les plus folles qui ne cessent de courir jour et nuit, explique la peur ressentie par les Burundais aujourd’hui... Et on ne peut que les comprendre.