Graine après graine la poule remplit son jabot, par Artur Araújo
Un dicton populaire portugais affirme que c’est graine après graine que la poule remplit son jabot. Je m’en suis souvenu au début de cet article sur la situation de l’éducation au développement au Portugal, parce que, en fait, c’est ainsi qu’elle est en train d’évoluer, lentement, un petit pas par ci, un petit pas par là, année après année !
Les principaux acteurs de ce processus éducatif ont été les écoles et les ONG, dans un contexte marqué par la méconnaissance, voire le manque d’intérêt des gouvernements successifs, et par l’absence presque totale d’appuis venant de l’Etat : l’Institut portugais d’appui au développement n’a toujours pas, et malgré les promesses faites, une ligne d’appui financier pour les projets d’éducation au développement.
Quelques étapes importantes dans ce parcours ont été des initiatives scolaires, les projets des ONG, les Ecoles d’automne d’éducation au développement organisées par la Plate-forme portugaise des ONG et, finalement, la réalisation de l’Université européenne d’été en éducation au développement en 2003 au Portugal.
Quelques écoles ont promu, de leur initiative, certaines activités liées aux thèmes de la pauvreté locale et mondiale —ou « glocale »—, de la citoyenneté, la paix, l’interculturalité et le commerce équitable. Ce sont des initiatives promues par des professeurs et des étudiants qui, parfois, arrivent à intégrer la communauté scolaire, parents, amis, associations locales et autorités communales.
Leur périodicité est variable. Dans certaines écoles il y a un thème central abordé tout au long de l’année à travers la mise en œuvre d’initiatives telles que l’élaboration d’un journal, des expositions, des rencontres, des débats, des conférences. Dans d’autres cas, le thème est exploré pendant la tenue d’une semaine spéciale au cours de laquelle les principales activités sont concentrées. Malheureusement, une grande partie du matériel produit au cours de l’année ou de la semaine en question se perd sans être utilisé par l’école les années suivantes et sans être mis à la disposition d’autres écoles pour des activités semblables. D’une manière générale, nous pouvons caractériser ces initiatives comme étant purement locales et centrées sur l’école qui les met en œuvre, sans atteindre une dimension nationale et sans trouver une continuité. A l’exception des activités réalisées par certaines écoles dans le cadre d’un thème spécifique proposé chaque année par le Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe.
Parmi les projets promus par les ONG, j’aimerais pouvoir attirer l’attention sur deux en particulier : Semer la solidarité et Odyssée 2000.
En 1990, dans le cadre de l’éducation pour le développement, Oikos, en collaboration avec le Comité portugais pour l’Unicef, a démarré le projet Un monde d’enfants. A la suite de celui-ci, en 1996, ces ONG ont décidé d’approfondir des aspects d’éducation au développement pour enfants qui n’avaient pas été jusqu’alors abordés. A travers le projet Semer la solidarité, elles ont essayé de créer une dynamique de sensibilisation et de solidarité, ont produit des matériaux et les ont mis à la disposition des écoles de l’enseignement primaire, parmi lesquels :
Le projet Odyssée 2000, de l’Institut Marquês de Valle Flor, est conçu en collaboration avec une autre ONG, Leigos para o desenvolvimento, le Centre d’information Forum étudiant-jeunesse et une entreprise spécialisée dans des contenus pour l’internet, Portugalnet. Le projet a été appuyé sur le plan financier par la ligne B7-6000 de la Commission européenne et a reçu une contribution de l’Institut portugais de coopération. Pendant trois années —2000– 2002—, le projet a suscité la participation d’écoles et des associations de jeunesse portugaises dans le cadre d’une thématique centrale, celle de la découverte de l’Afrique : la culture, l’histoire, les traditions populaires, la gastronomie... Parmi ses résultats :
Devant l’évaluation très positive du projet Odyssée 2000, un nouveau projet fut élaboré en vue d’y donner continuité et d’élargir la démarche à davantage d’écoles et d’associations pendant les années à venir, projet qui malheureusement n’a pas été approuvé par la Commission dans le cadre de l’appel à projets fait par la ligne B7-6000. Le site continue néanmoins d’être actif et disponible pour les écoles et le cédérom a été distribué aux écoles qui l’ont demandé et utilisé comme matériel d’appui pour leurs activités.
Pour ce qui est de la Plate-forme portugaise des ONG, il faut relever la création d’un groupe de travail autour de l’éducation au développement qui se réunit périodiquement et a mis sur pied différentes activités :
Enfin, pour ce qui est de l’appui de l’Etat à l’éducation au développement, le fait suivant est illustratif de la situation portugaise en la matière : lors de la séance de clôture de l’Université européenne, le Ministère de l’éducation nationale s’est fait représenter par le responsable de la régie des bâtiments scolaires, ce qui montre, peut-être, que le Ministère ne sait pas ce qu’est l’éducation au développement qu’il confond avec la construction d’infrastructures scolaires. Le président de l’Institut portugais d’appui au développement, quant à lui, a « oublié » de se rendre à la séance de clôture Le Ministère de l’éducation nationale s’est fait représenter par le responsable de la régie des bâtiments scolaires de l’Université européenne. Tout cela signifie que l’un des défis qui se présente à nous est d’obtenir la reconnaissance des institutions publiques vis-à-vis de l’éducation au développement en ce qui concerne la formation de citoyens responsables et solidaires envers la construction d’un monde plus juste.
Ainsi va l’éducation au développement au Portugal ! Artur Araújo est responsable de l’éducation au développement à l’Institut Marquês de Valle Flor, à Lisbonne, et membre du groupe d’éducation au développement de la Plate-forme portugaise des ONG