Synthèse des travaux de l’Université européenne en éducation au développement sur école et éducation au dépeloppement, par Adélie Miguel Sierra
Dans le cadre d’un projet européen d’échanges en matière d’éducation au développement (DEEEP), la Plateforme des ONG portugaises a organisé en 2003 la cinquième université européenne à destination des animateurs en éducation au développement sur le thème « Education au développement et milieu scolaire ».
Cent vingt participants d’organisations d’Europe de l’Ouest, de nouveaux pays adhérents et de pays du Sud ont partagé, pendant une semaine, leurs expériences, analyses, méthodes, évaluations et questionnements afin d’améliorer et de renforcer les collaborations entre les acteurs de l’éducation formelle et ceux de l’éducation non formelle.
ITECO a été chargée de la mission périlleuse, mais passionnante, de présenter une synthèse transversale des différentes productions élaborées par l’ensemble des participants.
Je comparerais cette synthèse à une photo. Lorsqu’on prend une photo d’un paysage, on obtient une image partielle de celui-ci ; un autre photographe pourrait capter un autre angle de vue, d’autres éléments du paysage. Le profil du photographe détermine aussi la qualité de la photo, de ses couleurs, de son format. De plus, le paysage ne reste pas figé, il évolue, se transforme : un même arbre est différent au printemps et en hiver. Donc la photo fige à un moment donné une situation en évolution constante. Certaines personnes n’aiment pas être prises en photo, d’autres courent pour se placer au centre de l’image. Une fois la photo réalisée, on peut l’oublier dans un tiroir, l’archiver dans un album, la montrer à sa famille et amis. On peut aussi revenir, quelque temps plus tard, sur le lieu de prise de vue et refaire des nouvelles photos actualisées.
Réfléchir à l’articulation entre éducation au développement et milieu scolaire exige une analyse préalable du système scolaire, des acteurs qui y sont impliqués et des missions qui leurs sont attribuées, et ce dans un contexte de mondialisation qui est soumis à une pensée et des choix dominants.
Le mouvement pédagogique belge Changements pour l’égalité -CGé-, anciennement Confédération générale des enseignants, intégrant dans son travail depuis de nombreuses années ces questionnements, nous propose un cadre d’analyse [1]. En voici quelques axes : Les acteurs de l’école, à l’origine d’interactions conflictuelles multiples.
Les acteurs de l’école ne se réduisent pas aux seules personnes présentes de façon permanente sur le terrain, à savoir élèves, enseignants et éducateurs, directeurs. Aujourd’hui, plus que jamais, les entreprises, le monde associatif, les parents et d’autres estiment avoir leur mot à dire sur les contenus et les méthodes de l’apprentissage ainsi que sur l’organisation de cette entreprise -encore publique- et la qualité de ses produits. Il existe différents acteurs qui sont intéressés par l’un ou l’autre aspect du monde scolaire et qui essaient d’influencer l’évolution de l’école. Celle-ci se situe donc au coeur d’interactions conflictuelles et est le résultat de pressions multiples et diverses.
L’école, au carrefour des champs économique, social, culturel et politique : Toute société doit produire, faire de la richesse et être efficace (champ économique), être unie et faire du lien - champ social, être juste, donner du sens et défendre des valeurs d’égalité, de tolérance (champ culturel) être organisée et faire de la loi (champ politique).
L’école se trouve à l’intersection de ces champs qui ont chacun une attente précise par rapport à celle-ci : instruire et produire des travailleurs compétents et compétitifs est l’attente du monde économique ; socialiser et former des citoyens solidaires et responsables est le souci des ONG, des associations sociales et politiques ; éduquer et conduire à la pleine réalisation de la personne est porté par les médias, les associations familiales et le secteur culturel.
Les quatre grandes missions de l’école reflètent ces attentes multiples et contradictoires de la société par rapport à l’école :
L’école est ainsi de plus en plus tiraillée entre ces différents acteurs. Ceux qui se situent dans la logique de la mondialisation et de la pensée unique attendent de l’école plus de stratégie de distinction et de compétitivité. Et ceux qui pressentent l’urgence d’une réaction internationale proposent que l’école soit le lieu d’une prise de conscience de la citoyenneté mondiale dans toutes ses composantes.
Ainsi, les enseignants se trouvent confrontés à des injonctions contradictoires :
Faire réussir tout le monde ou sélectionner ? Réparer la société ou préparer à la société ?
En tenant compte de ces éléments contextuels, les participants de l’Université européenne d’été ont proposé différents niveaux de réflexion et de recommandations.
Quelle vision du monde et du développement défendons-nous ? La question du développement n’est pas neutre. Le type de société pour lequel nous nous battons doit être en permanence discuté au sein de notre entourage, de nos organisations, entre mouvements sociaux du toute la planète.
Nous voulons contribuer à la construction d’une société qui vise une répartition équitable des ressources qui favorise aussi la participation et la prise de décisions de l’ensemble des populations. Cela suppose une reconnaissance de la diversité comme source de richesse, des rapports entre femmes et hommes équitables, une prise en compte de notre environnement de manière durable. Tout en tenant compte de la diversité, nous souhaitons aussi contribuer à la consolidation d’une identité commune des citoyens basée sur la co-responsabilité, l’analyse critique et la solidarité.
Nous prônons une éducation pour le développement, qui vise la transformation sociale, sur le développement, qui met à la portée des citoyens des instruments d’analyse des mécanisme à l’oeuvre dans la société, comme développement, qui favorise la participation et le bien-être des populations.
C’est une éducation qui
C’est une éducation qui propose des processus d’apprentissage qui
C’est une éducation qui se veut une espace permanent en évolution grâce a la mise en place d’une démarche d’évaluation, de suivi et de systématisation des pratiques et des processus.
Comment bousculer les systèmes d’éducation formelle ? Malgré nos contextes spécifiques, nous constatons que les systèmes éducatifs formels ne favorisent pas l’émergence d’une citoyenneté critique, responsable et solidaire.
Les ONG en partenariat avec d’autres acteurs, internes au système ou externes, doivent mettre en place des stratégies de lobbying pour accompagner et provoquer à moyen terme des changements structurels.
A court terme, les ONG peuvent et doivent valoriser la plus-value de l’éducation au développement dans les structures existantes -décideurs, autorités éducatives, programmes scolaires.
Une des stratégies est de provoquer des changements au sein même des écoles. Cela exige de la part des ONG :
Nous devons être conscients que le changement
Acteurs du processus éducatif en milieu scolaire, les élèves et les enseignants sont les principaux protagonistes du processus. Ils doivent participer aux prises de décision et dans la mise en oeuvre des actions. Les ONG ont pour rôle de soutenir et d’accompagner les enseignants qui développent des projets dans leurs écoles. Elles ne doivent pas se substituer à eux.
Il faut donc
L’ensemble des acteurs scolaires -décideurs, parents, directions- doivent être impliqués dans les processus de changement de l’école, notre rôle est de les motiver et de le mobiliser à travers des espace de dialogue.
L’évaluation doit s’inscrire dans nos pratiques de manière permanente. Elle vise leur amélioration et facilite l’échange de nos apprentissages. Elle n’est pas considérée comme un contrôle mais bien comme un outil de formation.
Mise en place de travail en partenariat. Nous devons développer des collaborations entre les autorités éducatives, les décideurs politiques, les ONG, les familles et les écoles. Afin d’appuyer des processus de changement dans les écoles et d’amener, dans leur sein, de contenus, des méthodes et des outils qui abordent la problématique du développement ; ces partenariats doivent se construire autour d’une identité forte tout en restant ouverts à d’autres acteurs potentiels.
Sur le plan international, nous encourageons la mise en place de partenariats entre ONG du Nord et du Sud afin d’échanger et d’apprendre des expériences menées en milieu scolaire dans différentes pays et de construire des stratégies collectives de changement.
Lors de l’Université européenne d’été différentes propositions concrètes ont émergé afin d’opérationnaliser l’ensemble de ces recommandations en tenant compte des ressources pédagogiques, humaines et financières nécessaires. Si nous voulons poursuivre un travail de qualité ces ressources devront, à l’avenir, être consolidées. Les défis sont importants, mais nous constatons aussi une grande volonté de la part des éducateurs du monde scolaire et du monde des ONG de décloisonner les espaces afin de se renforcer mutuellement.
Grâce à l’admirable accueil des ONG portugaises, nous avons pu, éducateurs d’horizons divers, renforcer nos utopies tout en élaborant des stratégies concrètes de collaborations.
[1] Extrait de la fiche du RED « L’éducation au développement en milieu scolaire : quelles pratiques aujourd’hui ? ».