Education pour le développement ou éducation critique et émancipatrice ?

Mise en ligne: 13 novembre 2014

Enjeux de l’éducation au développement en Espagne, par Julián Lozano Raya

Du 9 au 11 octobre 2014, s’est tenu à Vitoria, en Espagne, le IV Congrès d’éducation pour le développement, intitulé « Changer l’éducation pour changer le monde… Pour une action éducative émancipatrice ! », coorganisé par Hegoa et une quinzaine d’associations provenant de la coopération au développement, de l’éducation permanente, de différents mouvements sociaux et de l’enseignement publique supérieur.

Face à un contexte d’importantes coupes budgétaires au sein de la coopération au développement espagnole, principale source de financement pour les acteurs de l’éducation au développement [1], et à une remise en question grandissante des politiques publiques de coopération au développement, plus de 300 personnes se sont retrouvées pour débattre, échanger et construire les bases du nouveau cadre théorique qui réorienterait la praxis pédagogique des acteurs de l’éducation au développement.

Organisé en trois espaces distincts (groupes de travail, ateliers et conférences), les débats furent structurés autour de quatre axes : construction du sujet politique, communication pour la transformation sociale, questionnement des rapports de pouvoir et analyse de processus.

C’est cependant en marge de ses problématiques que s’est joué (et se joue) la toile de fond d’un champ qui se voit chaque fois plus obligé de questionner ses liens institutionnels et financiers avec la coopération publique au développement.

Etant historiquement née du croisement entre la pensée développementaliste et l’éducation populaire, il semble que l’appellation d’éducation pour le développement soit devenue caduque ou à tout le moins réductrice par rapport à l’étendue des pratiques qui s’en réclament.

Raison pour laquelle certains acteurs du IV Congrès d’éducation pour le développement appelleraient à l’utilisation du terme d’ « éducation critique et émancipatrice ». Nous passerions ainsi d’une terminologie qui nous renseignerait plutôt sur la méthode utilisée (critique et émancipatrice) que sur l’objectif à atteindre (pour le développement).

Plus qu’un changement d’approche, ce débat traduit également la tension grandissante que le champ de l’éducation au développement doit affronter (fin du mythe téléologique de la pensée du développement, crise systémique du capitalisme financier, explosion des inégalités mondiales, défis environnementaux…) et ainsi s’identifier.

Cet élargissement des thématiques à traiter et donc des acteurs présents au sein de ce champ a compliqué les débats qui ont souvent pêché par leur manque d’efficacité et qui ont souffert d’une insuffisante volonté de construction collective de la part des participants.

S’étant clôturé avec la manifestation contre la nouvelle loi d’éducation nationale espagnole [2] le IV Congrès d’éducation pour le développement a préféré se positionner sur cette question au lieu de tenir l’assemblée plénière finale tel que prévue dans le programme.

L’urgence du moment et la nécessité de marquer son désaccord à la mise en place d’une politique éducative qualifiée de réactionnaire ont primé sur la systématisation du conflit dialogique qui a rythmé ces trois journées.
Bien qu’il est fondamental de prendre part au rapport de forces politique, doit-on pour autant sacrifier la construction d’un savoir social stratégique collectif à un activisme de l’urgence ?

[1] Depuis 2011, le budget de la coopération au développement espagnol
s’est vu diminué de près de 70% pour ne représenter plus que 0,17% de son PIB.

[2] Lomce (Loi organique d’amélioration de la qualité éducative) approuvée le 9 décembre 2013, appelée également Loi Wert, du nom du ministre qui l’a portée.