Quelle réponse l’éducation au développement peut donner à la crise financière mondiale

Mise en ligne: 13 novembre 2014

Ne pas laisser le capital dicter les conditions du développement humain, par Stephen McCloskey

L’effondrement de la banque d’investissement Lehman Brothers aux États-Unis en 2008 a été le signal de ce qui est sans doute devenu la plus grave récession mondiale depuis le krach de Wall Street de 1929. Un ralentissement économique véritablement mondial, touchant des pays riches comme des pays pauvres qui se sont retrouvés face à un vent contraire d’austérité et de chômage.

Pour exemple, l’Organisation internationale du travail vient de publier un rapport qui a révélé que le chômage a augmenté dans les deux tiers des pays européens depuis 2010, la croissance a stagné, et les opportunités d’emploi se sont asséchées.

Le ralentissement économique a sans doute été plus prononcé dans les économies occidentales liées à des formes aigues du néolibéralisme qui ont affirmé le pouvoir des marchés pour générer de la croissance afin que tous profitent dans une mer de prospérité générale. Aucun pays de l’Europe occidentale n’a mieux adopté le modèle néo-libéral que l’Irlande, qui à partir de la fin des années nonante et jusqu’en 2007, a été saluée comme un débutant économique puis surnommée le « tigre celtique ». Le tigre celtique s’est retrouvé sous l’emprise des investissements étrangers des sociétés multinationales, principalement des États-Unis, engagées dans la production pour les marchés d’exportation dans des secteurs de croissance comme les technologies de l’information.

Toutefois, la combinaison d’une réglementation laxiste du secteur financier, d’un régime fiscal de faveur pour les investisseurs, d’une bulle de crédit dans le marché du logement et d’une classe politique corrompue main dans la main avec les banquiers, les spéculateurs et les entrepreneurs de la construction, a jeté le miracle économique irlandais dans la poussière. Les pires craintes économiques de l’Irlande ont été réalisées lorsque, en 2010, le pays a accepté un prêt de 85 milliards d’euros du Fonds monétaire international et de la Banque centrale européenne pour recapitaliser ses banques. Ce qui fut « l’enfant modèle du néo-libéralisme » a récemment été décrit par David Begg, secrétaire général du Congrès des syndicats irlandais, comme « l’enfant modèle de l’austérité ».

Pour les éducateurs au développement, la question soulevée par la récession mondiale est la suivante : quelle contribution pouvons-nous faire en vue de créer un modèle de développement plus durable et de la croissance économique ? En tant qu’éducation axée sur la justice sociale et l’égalité, l’éducation au développement doit être au cœur de ce débat, comment devons-nous réagir à la crise financière ?

Tout d’abord, c’est en tant que secteur que nous devrions poser la question ! Jusqu’à présent le débat sur cette question a été limité à l’éducation au développement et pourtant il semble y avoir un appétit du public pour débattre des alternatives au néo-libéralisme à en juger par la colère et les cris de protestation sur cette question à travers le monde.

Deuxièmement, les éducateurs au développement devraient jouer de leurs forces et utiliser leurs connaissances et les partenariats avec des groupes de la société civile dans les pays du Sud, pour éclairer le débat sur la dette et la façon dont elle a été utilisée pour réduire les services publics dans les pays pauvres. Ce modèle est prêt à être reproduit dans les pays du Nord.

En troisième lieu, avec son expertise considérable en matière de formation et de production de ressources, l’éducation au développement est bien placée pour améliorer l’alphabétisation économique en ouvrant de nouvelles formations et en organisant des séminaires sur la récession économique en s’appuyant sur les liens du secteur au niveau local et mondial.

Quatrièmement, l’éducation et le secteur plus large du développement international doivent s’engager plus dans les processus de prise de décisions au niveau local où nous pouvons intervenir efficacement. Comme le récent rapport de l’ONG Trócaire « Leading Edge 2020 » l’a suggéré, les ONG internationales « ont besoin de développer une relation plus forte avec leurs propres sociétés, de répondre aux besoins de leurs supporters à domicile, et d’ajouter de la valeur à leur propres sociétés ».

En d’autres termes, nous devons faire de la politique sur les questions de politiques nationales qui ne sont pas encore des politiques avec un impact sur les pays du Sud.

Cinquièmement et enfin, nous avons besoin de démystifier les marchés et de mettre les besoins de développement en priorité avant le secteur financier plutôt que de laisser le capital dicter les conditions du développement humain.

Le secteur financier, en tandem avec les médias et les politiciens traditionnels, est en permanence et de manière obsessionnelle occupé à apaiser et à rassurer sur le bien-être des marchés. Les marchés sont décrits avec des termes se rapprochant du surnaturel et traités avec une vénération comme s’il s’agissait de Dieu exigeant un sacrifice financier (et donc humain), et pourtant jamais pleinement rassasié. Les ONG doivent être claires sur la nécessité d’un contrôle citoyen d’utilisation du capital et d’insister pour que les besoins humains fondamentaux dirigent la façon dont nous dépensons ce capital. Cela devrait être un élément central de la réponse de l’éducation au développement à la crise financière.

Traduction de Brigitte Gaiffe