Volksdemokratie ? Bitte shön !

Mise en ligne: 13 novembre 2014

Quand les cours d’allemand au Togo mènent à l’éducation populaire citoyenne, propos de Michel Gnonegue Kodjo recueillis par Cécile Imberechts

Michel Gnonegue Kodjo, vous etes inspecteur de l’éducation nationale togolaise pour les cours d’allemand. Que pensez-vous de l’éducation populaire et quels sont les enjeux de ce type d’approche dans le contexte togolais ?

J’ai découvert l’éducation populaire lors de l’académie Milawoe et de l’atelier que j’ai suivi sur les pratiques et enjeux de l’éducation populaire. Je n’avais jamais entendu parler de ce concept, mais je me suis rendu compte que beaucoup d’acteurs en font sans nommer leurs actions comme telles. Je savais donc un peu ce dont il s’agit, dans la mesure où c’est un type d’éducation qui permet à tout un chacun de réfléchir et de participer à la vie de la cité à son échelle, de façon plus critique et plus consciente. Ce faisant, elle favorise l’engagement : que ce soit pour lutter afin de défendre ses droits ou pour promouvoir une société meilleure et plus juste.

La situation mondiale nous l’impose : aujourd’hui, que ce soit en Asie, en Europe, en Amérique latine ou en Afrique, nous sommes confrontés aux mêmes enjeux. L’éducation populaire, telle que je l’ai vue pratiquée à l’académie Milawoe, peut permettre aux personnes d’être acteurs et actrices de changement. La dynamique que nous avons vécue durant l’académie, un débat mouvant très animé autour de la question « l’éducation populaire est-elle politique ? », a montré qu’on pouvait débattre d’une question en ayant diverses opinions, même si d’aucuns résistent en s’accrochant à la leur. Le débat a également montré qu’on peut forger ses idées à partir de celles des autres, et qu’elles peuvent évoluer. C’est l’essence même de ce que nous devons construire au Togo : du débat démocratique ! Il faudrait qu’il s’invite partout : en ville, dans les villages, en brousse, dans les régions, et qu’il permette à tout-le-monde non seulement de s’exprimer, mais d’être aussi un acteur critique et engagé de la société.

Pensez-vous que les enjeux démocratiques et le type de pratiques qu’ils requièrent peuvent être promus par l’éducation nationale ?

Nous sommes en train de promouvoir les pédagogies actives et participatives dans les écoles. Dans ces processus, l’élève n’est plus un vase qu’on remplit : il devient sujet de son apprentissage, il est impliqué et responsable au sein d’un collectif. Ces méthodes permettent de faire circuler les pratiques et valeurs démocratiques dans une classe car elles impliquent la formation à la citoyenneté. Ces approches ne sont pas encore généralisées à tous les secteurs de l’enseignement togolais : on rencontre des poches de résistance !

C’est faisable, cependant, malgré le fait que les classes comptent couramment quatre-vingt voire cent élèves ! On parvient à les organiser en petits ou en grands groupes qui travaillent alors de façon collaborative. Le problème majeur que nous rencontrons est que les enseignants, mis à part les plus jeunes, ne sont pas du tout formés à ces méthodes participatives. Elles demandent beaucoup de préparation et de réflexion en amont, mais moins de travail en classe, car l’enseignant y joue alors plus le rôle de modérateur. Nous travaillons donc, au sein de l’Inspection nationale, à promouvoir ces méthodes et à former les enseignants. C’est un chantier en cours dans les différentes circonscriptions pédagogiques où nous sommes acteurs.