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Mise en ligne: 4 juin 2010

Quel est le rôle de l’éducation au développement dans la recherche de nouvelles formes de solidarité internationale ?, par Adélie Miguel Sierra

Une dizaine d’années se sont écoulées depuis la publication par ITECO d’une première compilation de textes sur l’éducation au développement [1]. L’entrée au XXIe siècle a été marquée par l’instauration d’une monnaie unique européenne, par des attentats extrêmement violents sur base desquels vont se légitimer des politiques d’ingérence sécuritaires au nom de la défense de la démocratie, et surtout par une logique économique mondialisée qui va propulser des millions de personnes dans la pauvreté et la précarisation.

La dangereuse combinaison de la guerre, mondialisation et injustice a impulsé la mobilisation de mouvements sociaux pour dénoncer les effets dévastateurs de ce modèle de développement et élaborer des alternatives qui favorisent un partage équitable des richesses. Les Forums sociaux mondiaux, bien qu’en recherche d’un nouveau souffle aujourd’hui, deviendront le symbole de cette volonté de débattre et de construire un autre monde.

Quel est le rôle de l’éducation au développement dans cette recherche de nouvelles formes de solidarité internationale ?

Depuis plus de quarante ans, l’éducation au développement a enrichi sa trajectoire en essayant de répondre ou de proposer de nouvelles questions sur comment éduquer pour construire un développement dans lequel la solidarité et la justice soient des fondements partagés sous des formes plurielles.

D’une approche se limitant à de la sensibilisation à travers des images chocs sur les pauvres, les acteurs éducatifs ont évolué vers une diffusion d’information plus complexe et critique sur les causes structurelles des inégalités qui les a poussés, petit à petit, à un travail de décentration sur leurs propres réalités.

Les phénomènes d’interdépendance les conduisent à questionner la politique, la relation au pouvoir et les rapports de force qui en découlent. Le monde a changé, ainsi que les visions des choix de société. D’une vision centré sur le Sud, ils tentent d’évoluer vers une mobilisation avec le Sud.

Le premier article, Évolution 2000-2010 et défis futurs, présente en quoi le contexte de mondialisation impose une nouvelle mission à l’éducation au développement : promouvoir une conscience citoyenne internationale où chacun et chacune a le pouvoir et les capacités, en coresponsabilité, de lutter contre toutes formes d’exclusion.

L’éducation au développement nous apprend que notre société ne se limite pas à notre quartier ou notre pays sinon qu’elle embrasse l’ensemble de la planète et toute l’humanité. Cependant, notre travail doit s’inscrire dans des réalités sociales concrètes pour dénoncer les mécanismes d’exclusion au niveau local tout en les articulant à un contexte global de lutte et de solidarité. Pour cela, il est nécessaire de renforcer notre mission éducative par des principes et démarches émancipatrices qui favorisent la participation et la production de nouveaux savoirs issus de nos essais, erreurs et découvertes collectives. Tel est l’enjeu du second article, Principes pédagogiques de l’éducation au développement.

Aujourd’hui, de nouveaux acteurs s’associent aux ONG en vue d’une meilleure compréhension des enjeux mondiaux et leurs effets sur nos vies. Afin de mieux renforcer ces différentes initiatives et d’instaurer une dialogue avec la société civile, la Commission européenne, comme souligné dans l’article d’Antonio de la Fuente, a initié une étude d’envergure sur ce que recouvre aujourd’hui l’éducation au développement et leurs spécificités dans les différents Etats membres.

Mais comment développer de nouvelles connaissances sans interagir sur les structures traditionnelles de socialisation telles que l’école ou les médias ? Pete Davis, expert anglais en éducation au développement, présente une synthèse des avancées européennes en la matière dans le monde scolaire.

Le constat proposé par Vincent Dupriez est d’une méconnaissance de la part des ONG du cadre et des dynamiques internes au système scolaire. Les animateurs associatifs ne sont pas toujours légitimés car dépourvus de références pédagogiques. Il n’y a pas d’unanimité sur le rôle que devraient jouer les ONG au sein des programmes scolaires. S’agit-il d’apporter une bonne ou mauvaise conscience auprès des élèves ou d’appuyer les acteurs internes à l’école à définir une autre politique éducative qui tienne compte des évolutions sociétales ?

Bien que ne partageant pas les mêmes options que celles d’ITECO, Îles de paix, par son étude sur l’enseignement technique et professionnel, marque sa volonté de dialoguer avec des élèves qui sont encore trop souvent marginalisés par les propositions d’animations du secteur associatif. Nous y découvrirons des dynamiques et des formes de solidarités innovantes.

Mais la principale source de socialisation qui s’impose ces dernières années est celle véhiculée par les médias traditionnels et surtout par les nouveaux instruments de communication à travers internet.

Comment l’éducation au développement enrichi ses modalités d’action en intégrant la culture audiovisuelle et les nouvelles formes de communication ? C’est la question que nous renvoient Javier Erro et Teresa Burgui, qui approfondissent ces questions depuis de nombreuses années en Espagne.

Enfin, la mobilisation sociale est
au cœur même de la stratégie d’influence des ONG. À travers leur participation active, les citoyens deviennent acteurs directs de changements de structures et de politiques qui déterminent le quotidien des populations du Sud et du Nord. François Polet met en exergue l’expérience et l’expertise d’acteurs du Sud qui s’inscrivent dans des démarches de formation et de mobilisation sociale.

Aujourd’hui, l’éducation, quelle que soit la caractérisation qu’on lui attribue (au développement, populaire, formation d’adultes, permanente) a plus que jamais un rôle à jouer dans l’appui aux changements sociopolitiques, économiques et culturels.

[1Éducation au développement : la compil, Antipodes, ITECO, Bruxelles, 1999.