La mise en place progressive et par paliers de l’évaluation d’un projet avec des jeunes exclus de Recife, au Brésil, par Waneska Bonfim
Je voudrais faire partie de cette masse qui compose, d’une manière ou d’une autre, le cadre d’un pays qui tente d’être heureux. Elizângela, jeune participante à un projet de formation d’Etapas
Etapas (Equipe technique d’appui, prospection et action sociale) agit depuis vingt ans dans la ville de Recife, sur la côte nord-est du Brésil, en particulier dans les quartiers à faible revenu. Recife a une population d’environ un million 400 mil habitants, caractérisée par des profondes disparités sociales. Des études ont pointé la question de l’habitat comme étant un problème majeur : la moitié de la population s’entasse dans environ 400 bidonvilles. La pauvreté s’y traduit par des problèmes d’infrastructure, le manque de conditions sanitaires, l’offre insuffisante des services publics, les faibles revenus. Ces mêmes études y ont montré que les jeunes représentent 36 % de la population.
Face à ce contexte, Etapas a choisi les jeunes comme étant un public privilégié de son intervention et s’adresse à eux, depuis cinq ans, dans une perspective d’intégration sociale, de participation populaire et de création de postes de travail pourvoyeurs de revenus.
En 1999, un projet trisannuel à l’intention des jeunes habitants des zones d’exclusion sociale de Recife en partenariat avec des pouvoirs publics, des ONG, des églises et des leaders communautaires a vu le jour. Pour pouvoir apprécier les résultats de l’expérience il était important d’écouter ce que les acteurs concernés avaient à dire. Ainsi, pendant les trois années, progressivement et par cinq paliers successifs, un processus d’évaluation fut mis en place, basé sur des méthodologies diversifiées.
Initialement, Etapas s’est appuyé sur l’avis de consultants externes, avis qui a pointé quelques éléments propulseurs importants pour donner continuité à l’action. A ce moment-là, des jeunes et des animateurs du projet ont été entendus. L’année suivante, une consultation des participants aux premières formations fut mise en place, avec l’objectif de mesurer l’impact et connaître les changements produits dans la vie des jeunes. A la troisième année, une vidéo fut réalisée qui présentait le regard des jeunes et la méthodologie utilisée dans les formations ainsi que les résultats de celle-ci sur les participants. Ensuite, une recherche fut réalisée avec l’ensemble des jeunes ayant suivi les formations et leurs familles. Une fois le projet fini, avec l’appui de consultants extérieurs, une évaluation finale d’impact fut menée à bien, ce qui a permis un approfondissement de l’analyse évaluative.
La méthodologie définie pour cette évaluation d’impact permettait la continuité du processus participatif, au sein duquel il était important d’entendre tous les partenaires, les animateurs du projet et en particulier les jeunes eux-mêmes. Tous les éléments qui pouvaient contribuer à ce processus furent réunis : le projet, la proposition didactique - méthodologique, les ressources didactiques employées, les résultats des activités des jeunes et des éducateurs, les rapports sur les partenariats et les rapports sur les consultations et les recherches. Toutes les activités d’évaluation précédentes ont été prises en considération et ont constitué une aide pour l’évaluation.
Après analyse de tout le matériel disponible sur le projet, des entretiens individuels et des rencontres avec les animateurs d’Etapas furent organisés, ce qui a facilité la perception de l’objectif, reconstruit à partir de la pratique. De manière collective, le groupe a construit l’arbre à objectifs. L’objectif déterminé lors de la présentation du projet a été reformulé à la lumière des pratiques développées et avec la perspective du temps écoulé. Au début du projet, l’objectif était de développer avec les jeunes un travail de formation professionnelle, de prévention et d’information, d’appui à l’organisation communautaire et de reconstruction de leur identité et de leur citoyenneté.
Dans la pratique, nous nous sommes aperçus que l’action se tournait vers la réduction des inégalités existantes entre les jeunes socialement intégrés et ceux qui se trouvent en situation de vulnérabilité sociale, en promouvant l’acquisition de connaissances, de technologies et d’information, à travers l’accès à des nouvelles opportunités de professionnalisation et de formation par la citoyenneté.
Ces deux objectifs ne sont pas contradictoires, mais il se fait que la pratique a jeté une lumière nouvelle sur les besoins du public et les potentialités ouvertes par le projet. La construction de l’arbre à objectifs fut un exercice très important pour l’équipe qui a pu ainsi lire entre les lignes le véritable centre de gravité de l’action.
A partir des dialogues avec les animateurs, des nouveaux éléments ont été bâtis avec les jeunes et les partenaires. Ces dialogues et ces entretiens ont permis l’analyse du champ de forces et ont facilité la compréhension et l’intégration de ce qui a freiné et de ce qui a servi de moteur au projet. Cette analyse a montré aussi les stratégies valables pour surmonter les difficultés, à utiliser lors d’un projet futur.
Tous ces éléments ont permis une perception appropriée des résultats du projet, étant donné que les critères d’interprétation vont plus loin qu’une évaluation centrée uniquement sur les objectifs proposés, en permettant de recevoir des informations qualitatives sur le processus qui vont influencer sur le fait que le projet soit considéré comme un échec ou une réussite. Au cours de cette analyse, nous avons tenté d’ajouter des impacts tels que la modification de comportements, la valorisation de contenus et les initiatives prises par les communautés. Avec le regard tourné vers le futur, le défi est celui de développer des attitudes d’apprentissage qui iront contribuer à la solution des nouveaux problèmes.
Les processus d’évaluation font partie de la pratique institutionnelle en étant des éléments forts qui permettent des lectures nouvelles et des changements par rapport au propre agir. Pour cela, la méthodologie d’évaluation utilisée a montré des stratégies de continuité des activités développées et des perspectives d’intervention, telles que la formation de nouveaux leaders communautaires et des jeunes entrepreneurs capables de rompre avec le cercle de la pauvreté et de la misère. Ce résultat a renforcé la pratique institutionnelle en proposant aux jeunes et aux partenaires de nouvelles actions qui peuvent donner une continuité aux activités de formation, telles que la tenue de séminaires, des cours et des publications.
Ainsi, Etapas réaffirme que la participation fait partie de sa manière d’intervenir et que l’évaluation est un principe de base de la relation avec le public concerné par les activités. Et cela parce que nous sommes conscients que la responsabilité des actions et leur évaluation appartiennent non seulement aux gestionnaires des politiques publiques mais aussi aux autres entités représentatives de la société civile, telles que les ONG et les leaders communautaires (W.B.).