En matière de projets éducatifs, quel est votre mythe favori ?, par l’équipe de Cidac
Tous les processus de systématisation d’expériences se terminent par des recommandations. Sur base de notre expérience, nous avons décidé de partager avec vous quelques moments de réflexion.
A travers nos échanges, nous avons relevé une série de mythes associés à des projets éducatifs. Des mythes bien à nous, aux éducateurs, aux administrateurs, et aux familles. Des mythes qui peuvent engendrer une résistance à la méthodologie du projet.
Notre intention n’a pas été d’identifier des formules magique pour un grand changement, mais de relever quelques pistes pour faire avancer la réflexion. Lisez, identifiez-vous ou non à certains de ces mythes, oubliez ou complétez ce qui suit. Cela peut paraître une provocation. Et ça l’est.
Supposer que certains éducateurs sont capables de développer la méthodologie du projet tandis que d’autres ne le peuvent pas, ne nous semble pas correct. Il peut y avoir à la fois de la résistance, un manque de souplesse et une volonté d’innover chez des éducateurs ayant certaines postures et visions éducatives. Beaucoup d’éducateurs hésitent encore car il y a de nombreux obstacles.
Les écoles, créées à une époque où les défis étaient différents, vivent maintenant dans une culture bureaucratique, souvent résistante au changement. Certains éducateurs manquent de confiance face à ce type de méthodologie, se sentent plus à l’aise en reproduisant ce qu’ils ont toujours fait. Pourtant, avancer vers une autre forme d’éducation peut nous donner du courage, de la détermination et... des résultats.
Il y a des projets qui viennent des éducateurs, d’autres qui viennent des élèves, d’autres des acteurs extérieurs à l’école, comme des ONG, ou encore d’initiatives législatives qui apparaissent dans les écoles. Dans chacun d’eux, il y a un aspect fondamental à prendre en compte : nous devons partir des expériences des enfants et des jeunes pour construire et développer un projet. Il est important que les élèves soient l’élément central du processus, qu’ils s’identifient avec la thématique, qu’ils puissent la voir comme leur propre questionnement, leur propre projet. Après tout, les élèves constituent la raison d’être de toute organisation scolaire.
L’affinité entre collègues peut s’expliquer par un certain nombre de raisons. Que ce soit par les relations amicales ou par la « pertinence du projet », il est certain que le travail est plus facile entre collègues qui ont des affinités. Mais quand il existe des objectifs communs, les relations finissent par s’approfondir. Des affinités, complicités et consensus vont se construire, même quand il y a différentes compréhensions. Par ailleurs, il faut savoir gérer les émotions. Les relations d’amitié ont des limites, car le manque d’objectivité peut entraver la réalisation d’un projet.
Si nous pensons que des projets éducatifs sont une aventure collective qui se développe à partir d’un processus systématique, continu et durable au sein de l’école, il est plus probable qu’il se réalise s’il bénéficie du soutien et de l’encouragement de la direction.
L’existence de cette implication dans les processus éducatifs innovateurs facilite la réalisation du projet, mais elle n’est pas primordiale. Les éducateurs ont encore de l’autonomie au sein de leur classe. Malgré les impositions externes, la manière de développer des compétences et des contenus est encore principalement entre les mains de chaque éducateur.
Les projets exigent des règles, ainsi que des objectifs et de la planification, mais ceux-ci doivent être partagés. Les processus éducatifs, dynamiques et participatifs peuvent provoquer plus de bruit et moins de consensus. Mais ils encouragent également l’acquisition de compétences pour travailler en groupe, discuter sur des idées, argumenter, résoudre ensemble des problèmes possibles. En outre, travailler par projet ne signifie pas que les élèves travaillent sans leurs éducateurs. Les éducateurs sont présents, maintiennent maintiennent leur autorité, mais renoncent à certains de leurs « pouvoirs » pour élargir l’espace de décision des enfants et des jeunes.
En fait, les projets ouvrent des horizons aux contenus travaillés à partir des expériences et intérêts des élèves. Ils facilitent le développement de connaissances, de capacités et d’attitudes qui les aideront à avancer dans leurs études pour obtenir « de bonnes notes » et dans les autres domaines de leurs vies, pour participer avec confiance au monde et « entrainer » les enfants et les jeunes à l’effort de l’apprentissage et au travail à l’école.
Construire un projet avec un même fil conducteur, une même méthodologie et à partir de là, développer différents types d’activités, ce n’est pas un problème. Le plus important est que les élèves eux-même mettent en évidence le problème, et qu’ils s’identifient avec lui. Si les contenus détestés par les enfants et les jeunes, car ils n’y voient aucun intérêt ou utilité, sont introduits par une méthodologie déjà connue, les résultats peuvent être moins positifs. En outre, nous, les éducateurs et éducatices, savons que les techniques ne sont pas une fin en soi mais un moyen, et qu’elles ne fonctionnent pas pour tous les types d’objectifs.
Nous sommes entièrement d’accord. Mais cette affirmation fait surgir un doute : y a-t-il des étudiants qui ne veulent pas et ne voudront jamais participer ? Il y a bien sûr des enfants et des jeunes qui sont plus résistants, plus apathiques, ou avec qui il est plus difficile de travailler. Mais il est rare que des étudiants, même avec des résultats scolaires différents, ne s’impliquent pas dans des projets dont ils sont les protagonistes de leurs propres apprentissages, avec la capacité de faire des recherches, d’analyser et de construire leurs propres points de vue. Souvent, les enfants et les jeunes les moins participatifs dans les classes sont les plus participatifs dans les projets. Ils se sentent impliqués et veulent les mener à bien.
Le travail par projet est effectivement encouragé dans des livres, des discours et même dans nos programmes et les orientations donnés par le ministère de l’éducation nationale, il ne devrait donc pas être vu comme une innovation. Le problème est que l’on a fait une utilisation inappropriée des méthodes descriptives, privilégiant la transmission des contenus au détriment d’autres types de méthodologies. Les projets sont souvent encore ponctuels, peu intégrés dans la réalité scolaire et de groupe. Nous croyons aux projets pour lesquels chaque étape s’enchaîne avec le processus qui précède et prend appui sur celui-ci. Dans les projets où les élèves assument la responsabilité de leur propre avenir, caractéristique essentielle de leur éducation.
Nous vous invitons à nous envoyer d’autres mythes à travers un commentaire dirigé au mail du Cidac. Une éducation transformatrice doit être ouverte continuellement, discutée, acceptant la pluralité d’idées. Heureusement, il nous reste beaucoup à construire !
Histórias numa história. Caminhos para uma educação transformadora, Cidac, Lisbonne, 2015. Traduction de Daniel de la Fuente