Je fais ou je ne fais pas

Mise en ligne: 4 décembre 2011

Un exercice d’éthique appliquée, par Chafik Allal et Antonio de la Fuente

Origine : ITECO.

Objectifs : Expérimenter des situations où la dimension éthique est sollicitée dans le cadre de rapports professionnels et de la vie quotidienne. Expliciter les raisons qui fondent des choix personnels, se confronter aux choix d’autrui, négocier, convaincre, se laisser convaincre.

Durée de l’activité : Variable, en fonction de la taille du groupe, du nombre de situations proposées et de la place accordée au débat qui suit la présentation des situations. Une heure est un minimum ; deux heures, une bonne moyenne.

Espace : Une salle contenant un espace central vide.

Déroulement : L’animateur présente l’ensemble de l’exercice et vérifie que la présentation a été bien comprise. Il présente alors une première situation.

Après cette présentation, il demande aux participants de se déterminer : Vous faites ou vous ne faites pas comme le sujet de la situation présentée ? Les participants qui disent « je fais » vont vers un côté de la salle ; ceux qui disent « je ne fais pas » vont vers le côté opposé. Ceux qui hésitent ou ne sont pas prêts à se déterminer vont vers un troisième coté de la salle.

Un premier participant s’exprime sur les raisons pour lesquelles il ferait comme l’acteur de la situation. Puis, c’est le tour d’un participant qui ne ferait pas comme l’acteur de la situation. Et ainsi de suite, à tour de rôle, tous ceux qui sont pour et contre s’expriment. Une fois qu’on a fini ce premier tour d’expression, l’animateur demande aux indécis s’ils se sont à présent forgé une opinion. Si tel est le cas, ils peuvent rejoindre le groupe représentant leur opinion et s’exprimer à tour de rôle.

Après ce premier tour d’opinions, si la question semble épuisée l’animateur peut tenter une synthèse. Si le débat est encore en cours, il peut ouvrir un deuxième et dernier tour d’opinions, cette fois-ci sur base des opinions non encore formulées. Après quoi, la synthèse sera faite.

Après une pause, on peut passer à la situation suivante et ainsi de suite jusqu’à la synthèse finale. Cet exercice peut se faire de manière autonome ou peut précéder ou suivre une autre activité, comme le visionnement d’un document audiovisuel ou la tenue d’une conférence.

Je fais / Je ne fais pas

1. Vous travaillez pour Prospecteurs sans frontières. Vous prospectez en vue de trouver de l’eau pour un village sahélien qui en manque cruellement. Le seul endroit où il semble qu’il y ait de l’eau est le cimetière des ancêtres. Vous creusez.

2. Vous travaillez pour la Fédération nationale paysanne, constituée en association. Vous apprenez qu’une jeune permanente de l’association a posé pour la couverture de la version locale de Playboy avec une casquette de la fédération paysanne comme seul attribut. Vous la licenciez.

3. Vous organisez un voyage vers un pays du Sud pour un groupe de jeunes. Quelques jours avant le départ, vous faites une réunion de préparation avec les jeunes au siège de votre association. Un jeune vole de l’argent dans la caisse. Vous voulez l’exclure du voyage mais l’animateur du groupe de jeunes s’y oppose. Vous vous pliez et le jeune fait partie du voyage.

4. Le comptable de votre ONG se trompe et verse un grosse somme d’argent non à l’ONG du Sud à qui l’argent est destiné mais bien à un ancien dirigeant de cette ONG. Vu l’enjeu, vous prenez contact directement avec la personne en question et parvenez à récupérer l’argent sans passer par l’ONG du Sud, qui se sent écartée.

5. Vous travaillez pour une ONG humanitaire en Afrique centrale. Votre mission s’achève et vous vous rendez à l’aéroport pour rentrer en Europe. Un enfant traverse intempestivement la route et vous le renversez. Un code non écrit circule entre les expatriés et dit que dans des cas comme celui-ci le risque d’être lynché par la foule est grand et qu’il vaut mieux ne pas attendre sur place. Vous partez et fuyez.

6. Vous organisez un voyage vers un pays du Sud pour un groupe de jeunes d’origine populaire. Vous obtenez un peu moins du financement nécessaire mais décidez de faire le voyage malgré tout. Vous arrivez à l’aéroport et au comptoir d’enregistrement, on vous fait savoir que l’avion est en overbooking et que vous ne pourrez voyager que le lendemain. En guise de compensation, la compagnie versera 250 euros par personne. Les jeunes sautent de joie à l’idée de recevoir chacun 250 euros. En même temps, la somme totale est exactement la somme qui manque au budget du projet. Vous dites aux jeunes que l’argent, ce n’est pas pour eux mais pour le projet.

7. Vous êtes fonctionnaire d’une administration nationale de coopération au développement en Europe. On vous propose un projet qui consiste à envoyer des jeunes européens ayant commis des vols et des agressions - pour lesquels ils ont été condamnés par la justice - faire un séjour de rééducation dans des villages africains. Vous acceptez.

8. Avec un groupe d’amis, vous sortez en boîte. A l’entrée de celle-ci, le sorteur refuse l’accès à une personne de couleur. Vous entrez.

9. Vous êtes coopérant pour une ONG du Nord comme responsable de projet dans un pays du Sud. L’ONG du Nord est tenue de réduire les dépenses à partir de la deuxième année. Les responsables de cette ONG insistent auprès de vous pour résilier les contrats d’assurance et de couverture sociale du personnel local avec l’argument qu’il vaut mieux garder le projet avec du personnel non couvert que de prendre le risque de perdre tous les subsides quelques années après. Vous vous exécutez.

10. Vous voulez développer un projet en Inde. Pour récolter des fonds, vous proposez aux populations locales de faire un film sur eux et des photos que vous allez utiliser comme supports de la campagne de récolte de fonds. Une fois le travail achevé, vous montrez les photos et les films aux locaux. Ceux-ci se dissent extrêmement déçus et humiliés de votre regard sur eux. Vous passez outre et faites malgré tout campagne en Europe.

11. Vous êtes dans un pays du Sud pour un petit travail de recherche sur le thème de la santé. Vous allez avec vos interlocuteurs locaux visiter un hôpital de campagne. Une fois à l’intérieur, vous êtes ébranlé par les conditions d’hygiène et de prise en charge des malades, que vous jugez scandaleuses et à la limite de l’inhumanité. Devant tant d’impuissance, vous vous dites que la seule manière de vous en sortir et de les aider éventuellement est de témoigner. Vous sortez votre appareil photo, vous vous apprêtez à appuyer, quand, soudain, quelqu’un vous tape sur l’épaule et vous dit : « On n’est pas dans un zoo ici ! ». Vous sortez de la salle et cherchez des façons plus discrètes de faire des photos.

12. Vous arrivez comme coopérant dans un pays d’Afrique. Tout vous porte pour aller vers une sorte de réciprocité asymétrique la plus égalitaire possible. Dès que vous voulez vous installer, vos collègues et amis vous proposent des maisons à louer dans le quartier des expatriés et du personnel (femme de ménage, cuisinière, chauffeur, jardinier, gardien) à embaucher. Vous résistez mais on vous explique que c’est pour leur bien car cela crée de l’emploi et ils ne vous respecteront que si vous faites quelque chose de similaire pour eux. Vous finissez par accepter.

13. Vous êtes coopérant dans un projet sur la bonne gouvernance dans un pays du Sud gangrené par la corruption. A votre premier déplacement hors de la capitale, vous êtes arrêtés par un barrage de milice de quatre personnes qui vous demandent de l’argent pour passer. Vous résistez. Ils vous expliquent que si vous ne payez rien, ils garderont la voiture. Vous refusez de payer.

14. Vous êtes une coopérante travaillant dans un projet d’égalité femmes-hommes dans un pays du Sud où la société passe par une phase de conservatisme fort. Vous passez devant un attroupement. Une femme est frappée publiquement par son mari, encouragé par un groupe de sages du village et un groupe de femmes. Vous voulez comprendre. On vous dit : « Bien fait pour elle ; elle n’avait qu’à obéir à son mari et éduquer les enfants selon nos valeurs ». Vous êtes sonnée, vous quittez l’attroupement, vous allez directement au bureau, vous écrivez un message sur Facebook, vous faites circuler un mail de pétition et vous envoyez un courrier au ministère du pays où vous êtes pour protester contre la violence faite à cette femme.

Cette liste n’est pas exhaustive et elle se réfère particulièrement à des activités autour de la coopération au développement et de l’action sociale. L’animateur peut, bien entendu, présenter d’autres situations plus en phase avec le contenu de l’animation envisagée s’il le souhaite.