A la différence de Frères des hommes, c’était la première fois qu’Autre Terre commandait une évaluation externe de sa politique d’éducation au développement. Et s’il est vrai qu’un comité d’éducation avait été tout récemment constitué pour s’en occuper, « évaluer sentait le discours théorique », nullement en accord avec la culture institutionnelle du groupe Terre, dont elle fait partie. Un groupe où ce qui prime, c’est l’action. Ainsi, un autre projet du groupe consiste en une série d’activités commerciales à finalité sociale, comme par exemple la récupération de matériaux : « Ce sont des gens de terrain, des praticiens plutôt que des théoriciens », explique Quentin Mortier, chargé de projets à l’étranger et président de l’association, mais qui au moment de l’évaluation était chargé de la coordination entre les différents projets du groupe.
Basée à Liège, cette association s’adresse à un public large par des animations, des publications ou en étant présente à des événements exceptionnels, comme la foire agricole de Libramont. Ils ont évalué, entre juin 2000 et janvier 2001, toute leur politique d’éducation au développement avec l’aide d’un évaluateur externe de Namur, Réinsertion, téléformation, animation, RTA, un organisme de formation à l’audiovisuel, et ce au cours de cinq rencontres réunissant les sept membres du comité d’éducation et trois évaluateurs de RTA. Une méthodologie « tout à fait appropriée à l’objectif d’une évaluation qui se voulait prospective et d’orientation générale, plutôt que centrée sur un outil spécifique ».
L’évaluation découle-t-elle de la suggestion de la DGCI ou estelle motivée par une volonté interne ? « Les deux raisons sont liées, affirme Mortier, on voulait rendre cette obligation utile par rapport à la réflexion déjà entamée dans le cadre d’un processus de changement institutionnel visant, entre autres, à une meilleure distinction des responsabilités internes ».
Des appréhensions envers l’évaluateur ? « Nous n’avions aucun a priori, ni favorable ni défavorable. Au départ, l’évaluation était assez étrangère au projet : quelqu’un qui vient de l’extérieur, qui se présente comme un expert, on se disait qu’on verrait bien… ». Mais l’expérience s’est révélée très positive, qu’il s’agisse des rapports personnels ou des résultats : « La méthode et les apports ont été jugés intéressants par l’équipe. Cela a été une des forces de l’évaluateur, qui a su rendre l’exercice concret et conforme à nos attentes : nous désirions réfléchir de manière participative sur l’avenir de notre politique d’éducation au développement en nous appuyant sur un regard externe. Et justement une des raisons pour lesquelles nous avons opté pour RTA, c’est que, tout comme chez nous, leur champ d’action est plus large que celui des ONG ». Autre Terre est tellement satisfaite du travail réalisé qu’ils pensent contacter RTA afin de compléter l’évaluation en planchant cette fois sur leurs outils éducatifs, avec une méthodologie appropriée à ce propos.
Les déficiences diagnostiquées quant au mode de fonctionnement n’ont pas provoqué de mise en cause des compétences des membres de l’équipe, souligne Mortier : « Même si plusieurs carences ont été reconnues, elles ont été transformées tout de suite de manière positive par l’élaboration d’un plan d’action visant à les surmonter. L’évaluation nous a permis de définir avec plus de rigueur ce qu’est l’éducation au développement et donc de réorienter certaines de nos actions, ainsi que notre manière de nous présenter ». De fait, en plus de la réforme interne déjà en cours de réalisation, une des conséquences de l’évaluation est le changement de nom de l’ONG : « Nous nous sommes rendus compte que notre précédent nom, Terre, Tiers monde et information, n’était pas vraiment adéquat, car nous ne cherchons pas à faire simplement de l’information, mais bien de l’éducation ».