Autant de termes utilisés à tort et à travers un peu partout. Des explications s’imposent pour ne pas faire d’amalgames, par Samy Hosni
Suite aux attentats survenus aux Etats-Unis le 11 septembre 2001, l’ignorance et la xénophobie de certains les ont porté à accuser l’Islam de tous les maux. Le simple fait d’être basané ou porter le voile attire des regards inquisiteurs dans la plupart des pays occidentaux. Des Musulmans mais aussi des Indiens se sont fait agresser à New York pour le fait de leur croyance en une religion étrangère et souvent trop méconnue. Comprendre ce qu’est l’Islam peut nous aider à éviter les conclusions trop hâtives.
Islam et Musulman sont deux termes qui ont la même signification : « soumis totalement à la volonté divine ». Religion monothéiste, l’Islam a été révélée par Dieu à Mohammed en 609 de notre ère. Le Coran, le livre sacré de tous les Musulmans fut écrit après la mort du prophète et signifie tout simplement « la lecture ». Ce livre est écrit en arabe, la langue de la péninsule arabique de l’époque. « Arabe » est donc un mot qui désigne une langue et le peuple qui la parle : les Turcs, Kurdes, Iraniens ou Afghans ne font donc pas partie de cette dénomination.
L’Ancien testament est lui aussi un livre révélé pour les Musulmans ; les Juifs et les Chrétiens sont donc considérés comme « les gens de la Bible » et bénéficient au sein de la communauté islamique d’un statut particulier. C’est une fonction de la loi islamique de protéger le statut des minorités. De nombreux exemples de tolérance abondent dans l’histoire : au début de la Renaissance, les Juifs chassés d’Espagne trouvèrent un asile dans le monde islamique.
Ni le Christ ni Muhammad ne sont venus modifier la croyance apportée par les prophètes antérieurs de base en un Dieu unique, mais plutôt la confirmer et la modifier. Les trois religions qui se sont heurtées au Moyen orient ont paradoxalement le même « patriarche » Abraham et adorent le même Dieu mais… de façon différente. Contraste radical : le christianisme ne domine plus notre vie quotidienne alors que la religion musulmane s’intègre harmonieusement aux coutumes pré-islamiques ( tels le port du voile ) et à tous les faits et gestes des pays musulmans.
Les cinq piliers de l’Islam sont les bases de leur croyance. On retrouve : la profession de foi (il suffit de prononcer : « Il n’y a pas d’autre divinité que Dieu et Mohammed est son prophète » pour devenir musulman), la prière, le ramadan, l’aumône légale et le pèlerinage à la Mecque. L’Islam est un mode de vie et une religion à part entière. Toutefois, et comme dans toutes croyances, seuls les pratiquants respectent entièrement ses règles.
Le Djihad n’est pas un pilier de l’Islam mais une prescription dont le terme a trop souvent été déformé par les médias mais aussi par les extrémistes musulmans. L’interprétation de ce terme a donné lieu à beaucoup de débats. Elle est à remettre dans son contexte historique : la naissance de l’Islam au XIIe siècle et la conversion de nouveaux fidèles. Le terme veut dire « guerre sainte » et prescrit la lutte, au besoin jusqu’au sacrifice de sa vie pour la protection de la religion. Le Coran n’autorise qu’une guerre défensive : « Et combattez dans la voie de Dieu ceux qui vous combattent et ne transgressez pas, Dieu n’aime pas les transgresseurs ». Le Djihad a également une interprétation plus large chez les Musulmans modérés : c’est un combat qui peut revêtir différentes formes : tels que la maîtrise de soi, l’étude et le travail.
Il existe également plusieurs courants islamiques : les plus nombreux sont les Sunnites qui mettent l’accent sur la fidélité en la tradition. Dix pour cent des Musulmans sont Chiites : le Chiisme s’est séparé du Sunnisme après une querelle sur la succession du Prophète. Ces deux courants sont principalement composés de personnes modérées. Malheureusement comme dans tous groupes religieux, des tendances extrémistes ont vu le jour : cet Islam fondamentaliste (ou Islamisme) prend plusieurs formes mais leur principal point commun est la volonté de raviver par tous les moyens un Islam en « stagnation » face à un Occident dynamique et puissant. Les Islamistes s’opposent à celui-ci mais aussi aux Musulmans modérés jugés moins purs voire superstitieux. Le succès des doctrines fondamentalistes, tels l’engouement que provoqua le Front islamique du salut et sa victoire aux élections algériennes de 1990, est dû à l’échec des idéologies nationalistes, libérales et socialistes importées d’Occident. Pour les peuples du tiers monde, déçus de la corruption de leurs dirigeants, l’Islam semblait un refuge qui respectait leur identité et combattait la pauvreté. Les événements tragiques de ce qu’il est maintenant convenu d’appeler la « seconde guerre d’Algérie » donnent un goût amer à cet espoir déçu.
Le Wahhabisme est un mouvement religieux fondamentaliste d’une autre ampleur. Il ne représente pas une minorité mais bien la principale tendance islamique en Arabie Saoudite. Au XIXe siècle, l’émir Muhammad Ibn Saoud imposa cette doctrine radicale au pays qu’il venait de construire. Islam extrêmement rigoureux, le Wahhabisme s’attaque aux philosophes, aux Soufis, aux Chiites coupables d’avoir introduit des innovations dans l’Islam. L’Arabie Saoudite est un régime totalitaire, les droits de l’homme et surtout de la femme y sont constamment bafoués. Mais son pétrole lui assure le soutien des Etats-Unis qui ne se montrent pas trop regardants. Depuis lors, il y eut la Guerre du Golfe et le stationnement des troupes américaines sur le sol « sacré » de l’Arabie Saoudite. Cet événement, vécu comme une véritable provocation, fut le véritable déclencheur de l’entrée en guerre d’Oussama Ben Laden contre les Etats-Unis. Le milliardaire saoudien est hébergé par les Talibans, soutenus jusqu’alors par l’Arabie Saoudite et le Pakistan : ils sont pointés du doigt pour leur application radicale de la Charia, la loi coranique. Les Talibans se sont présentés à l’origine comme un mouvement réformateur dont la légitimité reposait sur une interprétation extrémiste de la Djihad proche du Wahhabisme. Les Etats-Unis n’ont pas vu arriver le loup dans la bergerie : la prise de Kaboul par les Talibans en 1996 avait même été qualifié « d’ avancée positive » par la secrétaire d’Etat américaine de l’administration Clinton Madeleine Albright…
Les attentats du 11 septembre ont engendré une peur qui se focalise sur la personnalité du présumé commanditaire Oussama Ben Laden. Or celui-ci ne représente qu’une minorité du monde islamique. Les mots mal utilisés portent préjudice à une communauté qui dans son immense majorité a condamné les attaques contre les Etats-Unis. Un cinquième de la population mondiale est musulmane et cherche à vivre en paix.