Les peuples autochtones, la culture et la cosmogonie

Mise en ligne: 15 décembre 2024

Leur rôle historique dans La défense des territoires et dans le soulèvement populaire de 2023.

L’origine de l’univers dans la cosmogonie Maya

Tout était suspendu, en repos, en quiétude, tout était murmure et la voute céleste était vide. Voilà donc le premier mot, la première expression : quand il n’était pas une personne, pas un animal, un oiseau, un crabe, un arbre, une pierre, une grotte, une falaise, un buisson ni une forêt. Seul était le ciel.

La face de la terre n’était pas apparue. Seule était la mer, suspendue à l’extension du ciel. Rien encore alentours qui ne bruisse ou se déplace seul.
Pas de mouvement, d’évènement dans le ciel. Rien qui ne se dresse, simplement l’eau calme, la mer paisible, la solitude au repos. Et c’est que rien n’était encore, rien que quiétude et sérénité dans l’obscurité de la nuit. Seuls étaient Tz’aqol, Bi’tol, Tepew et Q’ukumatz, et Alom K’ajolom était sur l’eau.
Ils diffusaient la lumière, enveloppés de plumes de quetzal de vert et d’azur, voilà pourquoi leur nom est : serpents couverts de plumes. Des plus grands sages et penseurs est leur essence. Voilà comment le ciel existe, comment existe également Uk’ ux Kaj, le Cœur du ciel ; tel est le nom de Dieu ; c’est ainsi qu’il s’appelle.

C’est alors que sa parole vint là où se trouvait le dominateur, le Q’ukumatz. Et ils parlèrent : alors ils se consultèrent et méditèrent. Ils se comprirent ; ils joignirent leurs paroles et leurs avis.

Alors il se fit jour pendant qu’il se consultaient, l’humanité se manifesta tandis qu’ils tenaient conseil sur le surgissement et la croissance des arbres, des lianes et de l’origine de l’humanité, opérées dans les ténèbres et dans la nuit par celui qui est le Uk’ ux Kaj, le Cœur du ciel, dont le nom est Jun’Raqan. L’éclair est le premier signe de Jun’Raqan, le second est le sillon de l’éclair et le troisième est la foudre qui frappe ; et ces trois sont du Cœur du ciel, Uk’ux Kaj.
Quand viendront les semis et l’aube ? Qui sera le soutien et le nourricier des dieux ? Qu’il en soit ainsi ! Que les eaux se soulèvent et s’écartent, car doit surgir la terre et sa surface. Qu’elle s’ensemence et que le jour luise au ciel et sur la terre.

Terre ! Dirent-ils et la terre émergea brusquement et se diffusa comme un nuage, un brouillard, elle apparut et grandit. De l’eau surgirent plaines, montagnes et vallées, soudainement recouvertes de cyprès et de pins.
Et ainsi Q’ukumatz fut rempli d’allégresse : Tu es le bienvenu, ô Cœur du ciel, ô Jun’Raqan, ô sillon de l’Éclair, ô foudre qui frappe ! Notre œuvre aura son achèvement ! s’exclamèrent-ils.

Et d’abord se formèrent la terre, les monts et les plaines : le cours des eaux fut divisé ; les ruisseaux s’en allèrent serpentant entre toutes les montagnes ; c’est dans cet ordre que les eaux existèrent, lorsque les grandes montagnes se furent dévoilées.

Ainsi fut la création de la terre, lorsqu’elle fut formée par ceux qui sont le Cœur du ciel et le Cœur de la terre ; car tel est le nom de ceux qui les premiers la conçurent.

Puis ils imaginèrent les créatures des bois, les protecteurs des plaines et toutes les créatures sauvages : cerfs, oiseaux, pumas, jaguars, serpents à sonnette et serpents fers de lance, gardiens des lianes.

Puis Alom et K’Ajolom demandèrent : Faut-il que ne raisonne que le silence à l’ombre des bois et des lianes ? Il est bon que des êtres en deviennent les gardiens. Alors donc ils parlèrent, et aussitôt existèrent les cerfs et les oiseaux. Ils leur assignèrent ensuite à tous leurs demeures.

- Toi, cerf, tu dormiras le long des ruisseaux et des ravins. Dans les broussailles et les herbes vivrez toi et les tiens. Dans les forêts vous vous multiplierez. Vous irez et vivrez à quatre pattes, dirent-ils. Puis ils répartirent aux oiseaux grands et petites leurs demeures :

- Vous oiseaux, vous logerez dans les arbres et parmi les lianes. Vous y ferez vos nids pour vous reproduire et vous multiplier. Vous vous développerez sur les branches des arbres et les nœuds des lianes.

Ainsi fut-il dit aux animaux et ainsi leur fut donnée leur habitation par le Créateur et le Formateur, Alom, K’ajolom. Puis il leur fut dit :

- Bramez et gazouillez maintenant pour nous vénérer. Que chacun se fasse entendre selon son espèce et son groupe, fut-il dit aux cerfs, aux oiseaux, aux pumas, aux jaguars et aux serpents.

- Prononcez nos noms, louez-nous, qui sommes votre père et votre mère, louez Jun Raqan, Ch’pi Kakulja, Raxa Kakulja, Uk’ux Kaj, Uk’ux Ulew, Tz’qol, Bitol, Alom et K’ajolom. Parlez, invoquez nos noms, saluez et adorez-nous !
Mais il leur fut impossible de parler ainsi que des humains. Ils ne faisaient que pépier, glousser et bramer, sans que ne se fasse entendre de langage. Chacun criait différemment.

Lorsque le Créateur et le Formateur entendirent qu’ils ne pouvaient parler, ils constatèrent leur échec. Ils n’ont pas su parler, dirent-ils, pas su prononcer notre nom, nous qui les avons créés et modelés. Cela n’est pas bon, se dirent Alom et K’ajolom.

Alors ils leurs dirent : Vous serez modifiés pour n’avoir pas su parler. Nous avons changé notre parole : vous aurez votre nourriture et votre alimentation, vos demeures et vos habitations, mais ce seront les ravines et les bois. Car vous n’avez pas su nous louer et adorer notre gloire.

Il est encore d’autres êtres qui sauront nous adorer et nous respecter, nous en créerons. Vous, acceptez votre destin, qui sera d’être dévorés.
Ainsi soit-il ! Voilà donc votre destinée, annoncèrent-ils aux petits et grands animaux de la surface terrestre.

Alors ils essayèrent à nouveau, ils tentèrent de créer ceux qui les adoreraient, mais ils ne comprirent rien du langage des uns et des autres, et n’aboutirent à rien. Ainsi les chairs de tous les animaux furent destinées à être meurtries et mangées.

C’est ainsi qu’il dut y avoir une nouvelle tentative de former des créatures par le Créateur et le Formateur, par Celle qui engendre et par Celui qui donne l’être :
- Essayons encore, déjà s’approche le temps des semis et de l’aube. Érigeons ceux qui serons nos soutiens et nos nourriciers. Sans cela, qui prononcera nos noms sur cette terre ? Nous avons déjà essayé avec nos premières œuvres et créatures. Mais elles ne nous ont pas adoré ni loué. Tâchons de faire des êtres obéissants qui nous soutiennent et nous nourrissent, dirent-ils.

Alors la création et la formation de l’homme eurent lieu. De terre glaise ils modelèrent sa chair. Mais ils virent qu’il était inabouti, incomplet et informe, aqueux et inepte. Sa tête ne tenait pas droit, son visage tombait sur le côté et son regard restait fixe et immobile. Il tint des paroles incohérentes, et fondit rapidement au contact de l’eau. Toujours pas ! se dirent-ils.

Or le Créateur et le Formateur affirmèrent : il est incapable d’aller et de se multiplier. Il faut réfléchir encore, dirent-ils. Ainsi ils défirent et éparpillèrent leur œuvre et leur création.

- Qu’allons-nous faire maintenant ? Comment faire des êtres qui nous adorent et nous vénèrent ?

- Consultons Xpuyakok et Ixmukane, déités de l’aube et du couchant, dirent Le Créateur et le Formateur.

Ensuite eut lieu l’échange avec Xpiyakok et Ixmukane, l’aïeule du soleil et l’aïeule de la lumière, ainsi que les appellent le Créateur et le Formateur.
Et les signes de Jun Raquan parlèrent avec Tepew et Q’ukumatz ; alors ils dirent aux aïeules, aux formateurs devins : Il est temps de se concerter de nouveau sur les signes de l’homme que nous avions formé pour qu’il soit notre soutien et notre nourricier. Comment faire pour qu’il nous invoque et nous commémore ? Répondez, vous qui nous engendrez et mettez au monde, ô vous qui êtes notre grand-mère et notre aïeul, Xpiyakok, Ixmukane.

Cette aïeule, cet aïeul répondirent : Il est temps que nous disions s’il faut que le bois soit sculpté par le Créateur et le Formateur, si ce sera le soutien et le nourricier, au moment où se feront les semis et où le jour blanchira. Ô maïs, ô toi soleil, ô Tzi’té, ô toi créature, unissez-vous, accouplez-vous et répondez-nous !

Et toi Jun’Raqan, aie honte et rougit, ne trompe pas Q’uqumatz. Ainsi ils parlèrent et dirent : vos mannequins doivent bien être travaillés dans le bois pour parler et raisonner sur la surface terrestre.

Qu’il en soit ainsi ! Dirent-ils. A ces mots furent créés les mannequins, les humains de bois. Ils parlaient et conversaient comme des humains ; ils se reproduisirent et firent des fils et des filles de bois. Mais ils n’avaient ni esprit ni pensées, ni souvenir ni mémoire de leur formateur et de leur créateur. Ils avaient oublié Uk’ux’ Kaj, le cœur du ciel. Ils n’étaient donc encore qu’un essai, une tentative d’humains ! Ils parlèrent d’abord, mais leurs visages étaient secs, leurs membres sans consistance ; ils n’avaient ni sang ni couleur, ni sueur ni graisse. Leurs visages ne présentaient que des joues et un masque desséché ; leurs jambes et leurs mains étaient rugueuses et leurs corps grinçaient.
Ainsi, ils ne surent vénérer le Créateur et le Formateur. Ce furent les premiers humains en grand nombre sur la terre, d’où la ruine et la destruction de ces mannequins de bois.

Alors les eaux furent gonflées par la volonté d’Uk’ux Kaj et un grand flot vint s’abattre sur ces mannequins. Le bois du Tzi’té avait composé la chair de l’homme, le bois du sibaque la chair de la femme.

Mais ils ne pensaient ni ne parlaient devant le Créateur et le Formateur, qui les avaient faits, leur avaient donné la vie. Ainsi ils furent annihilés et engloutis. Les flots des cieux s’abattirent sur la terre et vint l’oiseau Xecotcovach pour leur creuser les yeux, puis vint la chauve-souris Camlotz leur arracher la tête, puis le jaguar Cotzbalam leur dévorer la chair, puis le jaguar Tecumbalam briser leurs os et leurs cartilages.

Ils furent broyés et leurs corps dispersés. Ils périrent par leur incompétence et pour n’avoir pas loué leur mère créatrice ni leur père créateur, Uk’ux’Kaj, le cœur du ciel, appelé Jun Raqan. Par leur faute la terre s’obscurcit et se leva une tempête : pluie de jour, pluie de nuit. Accoururent alors tous les animaux, et les humains de bois furent entaillés avec bâtons et pierres.

Et tous leurs ustensiles et leurs marmites leur parlèrent. « Vous nous avez causé tant de douleurs, vous nous avez mordu ! » dirent leurs volailles. Les mortiers leur dirent : « tous les jours vous écrasiez nos visages, Shrik ! Shrik !Shrik ! Tout ça pour moudre ! Maintenant c’est vous qui serez moulus et réduits en poussière ! » Puis leurs chiens leur dirent : « pourquoi ne nous donniez-vous pas à manger ? Vous nous battiez et nous craignions de faire du bruit devant vous. Nous avons failli mourir de faim. Vous êtes des incapables ! Goûtez maintenant aux dents de notre bouche, nous vous mordrons ! » Puis leurs ustensiles et marmites leur dirent : « vous nous avez tant tourmentés, vous enfumiez nos bouches et nos corps, vous nous bruliez dans le feu. A votre tour maintenant : vous allez brûler ! » Et tous ravagèrent leurs visages.
Les pierres du foyer se jetèrent hardiment à leur visage et les blessèrent. Ils étaient désespérés, cherchant à fuir. Ils voulurent monter sur le toit des maisons mais les maisons s’effondraient aussitôt. Ils voulurent grimper aux arbres mais les arbres les repoussaient. Ils voulurent s’abriter dans les cavernes mais elles se refermaient sous leurs yeux. Ainsi eut lieu la ruine de ces humains de bois, des gens jetables et interchangeables, ils furent anéantis et leurs bouches et leurs visages furent détruits.

On dit que leurs descendants sont les ouistitis qui peuplent les forêts. C’est ce qui resta d’eux, parce que le Créateur et le Formateur ne les firent que de bois. Les ouistitis sont semblables à ces humains, signe qu’ils descendent de ceux qui n’étaient que des mannequins, des hommes sculptés dans le bois.
De Paxil et de K’ayala’, ainsi qu’on nomme ces lieux, vinrent les épis de maïs jaune et les épis de maïs blanc. Et voici le nom des animaux qui amenèrent cette nourriture : le renard et le chacal ; la perruche et le corbeau. Ils furent quatre animaux à porter la nouvelle des épis de maïs.

C’est l’eau du maïs qui entra dans l’homme formé et en fit le sang. Voilà ce qu’utilisa Alom K’Ajolom. Alors on commença à moudre les maïs jaunes et les maïs blancs, et Ixmukane en composa neuf boissons, et ces nourritures firent les membres et la vigueur de l’homme.

Voilà ce que firent le Formateur et le Créateur, Tepew et Q’ukumatz, ainsi appelés. Aussitôt ils commencèrent à parler de former notre première mère et notre premier père : le maïs jaune t le maïs blanc seuls composèrent leur chair et firent les jambes et les bras de humains. Les quatre humains qui furent formés ne furent façonnés que de maïs.

Voici les noms des premiers hommes qui furent créés et formés :
Le premier homme se nomme Balam K’itz’ ; le second Balam Aq’ab ; le troisième Majuk’utaj et le quatrième Ik’ibalam. Voici donc les noms de nos premières mères et pères. Ils étaient simplement des êtres façonnés et formés ; ils n’eurent ni mère, ni père, et nous les nommâmes simplement des hommes. La femme ne leur donna pas le jour, et ils ne furent pas non plus engendrés par Tz’qol, Bitol ; Alom, K’ajolom ; Tepew ou Q’ukumatz.

Alors naquirent leurs compagnes, celles qui allaient devenir leurs femmes. Les mêmes dieux les conçurent. Les hommes les accueillirent comme un prodige. Les femmes de Balam Kitze’, Balam Aqab’, Majuk’utaj e Ik’ibalam étaient magnifiques.

Leurs épouses à leur côté, ils prirent véritablement vie ; aussitôt se réjouirent leurs cœurs et ceux de leurs épouses. Voici le nom de leurs épouses :

Kaqapaloja’ se nomme l’épouse de Balam Ki’tze’,

Chomija’ se nomme l’épouse de Balam Aq’ab,

Tz’nunija’ se nomme l’épouse de Majuk’utaj,

Kak’ixaja’ se nomme l’épouse de Ik’ibalam.

Ainsi se nomment donc leurs épouses, elles qui devinrent de grandes princesses et qui engendrèrent les tribus petites et grandes.

Qui connait sa propre histoire connait le danger vital de son territoire.

Gouvernement des peuples autochtones avant 1524

Ce que nous savons des formes de gouvernement chez les Mayas Guatémaltèques avant l’invasion espagnole, nous le tenons principalement de leurs documents, transcrits en alphabet latin au XVIe siècle. La majorité de ces documents viennent des groupes K’iche’, Kaqchikel y Tz’utujil, regroupés en un groupe supérieur, le Ki’cheano.

La structure du gouvernement était étroitement liée à celle de la société qui chez les peuples Ki’cheanos s’articulait selon deux grands principes : la structure familiale (patrilinéaire) et la division en castes (nobles et plébéiens).

Modifications du gouvernement à la suite de l’invasion espagnole.

Dans cette partie nous ne ferons référence qu’aux gouvernants au sommet de la hiérarchie, et qu’à des K’iches et Kaqchikels.

Quand Alvarado a « conquis » le territoire du Guatemala, il a détruit le gouvernement des différents peuples autochtones, en éliminant ses membres et en octroyant certaines concessions à leurs descendants.
Dans le ca K’iche’, il fit bruler vifs les gouvernants Oxib’ Keej, el Ajpop, et B’eleje’eb’ Tz’i, el Ajpop K’amja’. Les élections de leurs successeurs furent interdites et les enfants de ces deux derniers, Tecun y Tepepul, furent nommés sur recommandation d’Utatlán. Les peuples continuèrent à les reconnaitre comme leurs gouvernants et les suivirent dans leurs révoltes infructueuses contre les Espagnols, ce qui motiva les autochtones à éliminer les privilèges héréditaires.

Cabildos au Guatemala à l’époque coloniale.

Il semble que fut fêtée en grande pompe chez les autochtones le premier cabildo d’indiens. On peut considérer qu’il s’agit d’une coutume pré hispanique, puisque les gouvernants des sphères inférieures se rendaient dans les centres administratifs pour confirmer leur poste au gouvernement. On en retrouve des traces dans les chroniques autochtones du Guatemala et du Mexique.

Le 4 juin 1561, Juan Martinez de Landecho, president d’audience au Guatemala, informe le Roi que la majorité des peuples indiens est organisée en cabildos (Zamora, 1985, 4059).

Durant la colonisation, on appela cabildo le gouvernement des peuples indiens ; dans la majorité des langues mayas au Guatemala, le mot qui signifie municipalité est toujours une version mayaïsée de cabildo, tel que “cabilta’ ou cabilto’”

De nombreuses révoltes pour défendre le territoire

La révolte autochtone de Totonicapán menée par Atanasio Tzul en 1820 fit chuter le pouvoir espagnol local et imposa pendant 19 ans un gouvernement autonome nommé “Totonicapán au royaume de Guatemala”. Atanasio Tzul dirigea la lutte du peuple K’iche’ cherchant à abolir les impôts ecclésiastiques et les tributs. Il s’opposa à la politique coloniale espagnole et fut dès lors fait prisonnier à Quetzalnango. Il fut gracié le 1er mars 1821 en conséquence d’importantes manifestations à Tonicapan.

La révolution libérale de 1871.

Le gouvernement de Justo Rufino Barrios fut à l’origine d’une révolution libérale visant à faire du Guatemala un vaste terrain agricole aux mains des grands propriétaires terriens. Il instaura un racisme caricatural, expropria les pauvres de leurs terres pour les donner aux riches, ces milliers d’autochtones privés de leurs terres étant l’une des grandes causes de la pauvreté actuelle au Guatemala. Le gouvernement s’empara des terrains ecclésiastiques pour les donner aux riches, et les propriétaires terriens se lancèrent dans la culture du café à grande échelle, destinée à l’exportation. Il adopta une loi sur les saisonniers obligeant les autochtones à travailler gratuitement dans les exploitations du sud, ce qui revient à du travail forcé. Les décisions prises par Justo Rufino Barrios il y a 150 ans Font du Guatemala un terrain de jeu pour les élites entrepreneuriales. Le Guatemala est à ce jour encore aux mains des oligarques, qui ont empêché tout changement des politiques publiques en faveur d’une démocratie des peuples autochtones.

La révolution de 1944-1954

La décennie de la révolution (de 1944 à 1954) ouvre la voie à un changement social drastique, favorable aux Guatémaltèques pauvres. On concède aux paysans des terrains où bâtir leur logement et semer leurs cultures en récupérant les nombreuses terres confisquées aux peuples sous Justo Rufino Barrios dorénavant en friche. A cette époque, l’entreprise Américaine United Fruit Company fait le sale boulot : ancienne détentrice de grandes exploitations agricoles produisant des bananes pour l’exportation, elle critique durement la politique révolutionnaire de Juan José Arévalo et de Jacobo Arbens, la qualifiant de communiste. L’Eglise catholique, dirigée par l’archevêque José María Orellana, cherche à embrigader tous les fidèles du pays, en prêchant pour l’éradication du “communisme” dont elle accuse le gouvernement au pouvoir. L’église catholique organise des processions durant lesquelles elle exhibe l’image du Christ noir d’Esquipulas et dénonce auprès des fidèles une politique communiste. La United Fruit Company mène une contre révolution avec le soutien de la CIA afin de renverser le président Jacobo Arbens. Carlos Castillo Armas est nommé à l’issue du coup d’état, il agira en faveur des grands propriétaires terriens de l’oligarchie Guatémaltèque.

Les trente-six ans de guerre interne au Guatemala.

De 1950 à 1996, une guerre interne éclate entre l’armée et la guérilla, provoquée par les politiques inégalitaires. Les combattants des deux camps descendents des peuples autochtones et luttent entre eux, l’armée cherchant à exterminer la population maya. Les trente-six ans de guerre ravagent les terres, font des milliers de morts, d’exilés et d’orphelins et l’on retrouve les corps de nos proches dans de nombreux charniers clandestins.

Les accords de paix signés à l’époque prévoient l’arrêt total des hostilités, mais elles ne prennent fin que sur papier. En effet les gouvernements n’ont pas respecté leur engagement et continuent d’intimider et de persécuter les militants et défenseurs de l’environnement. Ils imposent leur mégaprojets miniers, hydroélectriques ou de monoculture extensive. Les peuples autochtones restent privés de la terre qui leur appartient historiquement.
Les entreprises extractivistes aggravent les conséquences du changement climatique, privant de nourriture et de foyer des milliers de guatémaltèques de tous âges, et anéantissent la faune et la flore.

Soulèvement des autorités ancestrales et des mouvements sociaux

Les autorités ancestrales des peuples autochtones jouent un rôle clef dans la politique conjoncturelle de l’état guatémaltèque. En 2023, lors des élections présidentielles, les élites économiques ayant conquis l’État perdent les élections : la population rejette leur politique dans les urnes le 25 juin 2023, et le mouvement politique SEMILLA sort vainqueur à l’issue du second tour le 20 août 2023.

Le parti politique UNE (Unidad Nacional de Esperanza) dirigé par Sandra Torres poursuit malgré tout sa politique pro-élite contre le mouvement SEMILLA, le qualifiant de parti communiste. Le parti UNE martèle que les candidats du mouvement Bernardo Arévalo de León et Karin Herrera ne sont pas guatémaltèques et s’efforce de convaincre la population de le soutenir en juin 2023, usant de pots de vins et de corruption.

Les Guatémaltèques ont pourtant voté pour le mouvement SEMILLA et Bernardo Arévalo, qui remporte 58% des suffrages au second tour, contre 37% pour son rival. Les partis politiques d’extrême droite ont cherché par tous les moyens et toutes les stratégies obscurantistes à faire invalider le résultat des urnes devant la cour suprême électorale. Consuelo Porras Argueta, procureur général du ministère public nommé par les ex-présidents Jimmy Morales et Alejandro Giammatei, s’est appuyé sur ses alliés et sur la corruption du ministère d’État afin de bafouer le suffrage populaire. Sur son ordre, les résultats des élections du 20 août 2023 ont été rendus inaccessibles.

Les autorités autochtones ancestrales, apprenant le refus des élites corrompues de laisser Bernardo Arévalo prendre ses fonctions, décident de manifester pacifiquement, notamment en bloquant les axes routiers du pays.

La contestation sociale émanant tant des autorités ancestrales que de la société civile étant sciemment ignorée, ces dernières décident de maintenir une occupation pacifique de plus de cent six jours devant le ministère public. Le mouvement social réclame de pouvoir rencontrer les responsables législatifs, exécutifs et judiciaires du pays dans le but d’introduire des recours et d’empêcher le coup d’état prévu par les gouvernants corrompus et les élites entrepreneuriales.

Les autorités ancestrales autochtones ont organisé des assemblées permanentes dans toutes les localités du pays, pour informer quant à cette résistance pacifique. Des organisations d’étudiants, de femmes, de jeunes, des associations de commerçants de la zone métropolitaine ainsi que de frères migrants vivant notamment aux États-Unis ont soutenu la lutte. Nous en avions déduit qu’il était possible de s’organiser en vertu de la volonté de lutter pour la démocratie, pour les populations exclues, marginalisées, exploitées et laissées pour compte par les politiques antisociales des gouvernements corrompus ayant dirigé notre pays.

Assemblées permanentes des autorités ancestrales soutenant le gouvernement entrant.

Nous mettons sur pieds des assemblées des autorités ancestrales auxquelles participent Bernardo Arévalo et Karin Herrera pour proposer une alternative, pour s’assurer que les projets de développement bénéficient aux peuples autochtones des zones rurales, eux qui ont été les laissés pour compte des politiques publiques notamment en matière d’éducation, de santé, d’agriculture, d’environnement, d’entreprenariat, d’infrastructures et de réseaux routiers.

Nous avons participé à des réunions avec le gouvernement pour lui proposer des façons de respecter son mandat et de mettre ses compétences au service des peuples autochtones.

Les peuples autochtones mayas de Ixim Ulew (Guatemala), Kaqchikeles, K’iche’, Tz’utujil, Mam, Pocomam, Achii, Poqomchi, Ixil, Akateco, Awakateco, Uspanteko, Sakapulteco, Q’anjobal, Chorti, Chuj, Mopan, Chalchiteco, Jakalteco, Itza, Sipacapense, Tektiteko, Q’eqchi’, Garífuna et Xinka, on leur propre histoire, culture, écriture, mathématique, arithmétique, architecture, sculpture, art, musique, médecine, agriculture, ingénierie, thérapeutes, aq’ijab’ (religieux mayas), tissus, calendriers astronomiques et rituels ainsi que leur propre spiritualité. Celle-ci s’inscrit dans le rythme du calendrier sacré de 260 jours, qui est également lié à la médecine du point de vue spirituel et de celui de l’utilisation propice des remèdes.