Le théâtre burkinabé raconte le rêve et le désir du peuple

Mise en ligne: 12 décembre 2014

Propos d’Aristide Tarnagda, comédien et metteur en scène actif à Ouagadougou, propos recueillis par Julián Lozano Raya

Aristide Tarnagda, vous êtes comédien, auteur et metteur en scène actif à Ougadougou. Avez-vous été surpris par la chute du régime Campaoré ?

La chute et la fuite de Blaise Campaoré ne sont pas tout à fait surprenantes comme cela est annoncé partout. La chute a été très rapide. Depuis deux à trois ans, avec l’avènement d’une vraie opposition, ainsi que des mouvements de la société civile et des artistes et intellectuels, il était très clair que les fondations de sa dictature commençaient à se fissurer. Les trois grandes démissions, il y a une année, de ses fidèles compagnons de toujours avaient également sonné le glas du régime Compaoré. Il y a eu surtout la fatigue de millions de femmes, d’hommes et de jeunes qui a finalement arraché la grosse pierre qui obstruait le chemin de leur liberté et de leur bien-être. Comme l’avait dit Sankara et je cite : « quand le peuple se met debout, l’impérialisme tremble ».

Sans oublier la marche des femmes du 27 octobre. Quand les mères se mettent dans la rue, le ciel peut tomber sur ceux qui ont provoqué leur colère. La chute de Campaoré était prévisible. Ce n’était qu’une question d’échéances même si évidemment aujourd’hui une telle analyse est facile.

Dans quel état d’esprit les Burkinabés suivent la transition politique ?

Nous suivons la transition avec un grand intérêt et avec vigilance afin que les choses ne nous échappent plus. Vous avez vu que le ministre de la culture a été contraint à la démission parce que nous l’avons contesté dès qu’il a été nommé .

Les ONG locales interviennent-elles dans la dynamique sociale en cours ?

La dynamique sociale et politique en cours est évidemment tenue par le gouvernement de transition mais aussi par les autres acteurs qui ont contribué à l’avènement de cette dynamique, à savoir la société civile et toutes les autres organisations telle que le Balai citoyen. Avec ce qui s’est passé, j’espère que les ONG européennes ont maintenant compris que nous sommes en mesure de nous assumer, d’assumer notre destin. Parce que le reste n’est que duperie. A propos du rôle des acteurs internationaux, je souhaite également dénoncer l’attitude de la communauté internationale : l’Union européenne, l’Union africaine, la Communauté d’Etats d’Afrique occidentale, qui a voulu polluer notre insurrection populaire en brandissant des menaces parce que, semble-t-il, tout à coup le pouvoir devait revenir aux civils ! Tout à coup elle existait et avait une voie tonitruante cette communauté internationale. Où étaient-elles quand Compaoré menait le pays vers le chaos ? Qu’elles retiennent ceci : nous sommes le peuple du Burkina, nous sommes assez responsables et savons ce nous voulons !

Il y a au Burkina un mouvement théâtral très intéressant. Le théâtre burkinabé reflète-il l’état actuel de la société burkinabée, ou, peut-être son avenir ?

Oui, je crois que le théâtre burkinabé raconte, crie, chante l’âme, le rêve et le désir du peuple burkinabé. C’est pour cela que je pense que le peuple remplit de plus en plus les salles de théâtre. La dernière édition des Récréatrales avec cinq à six salles pleines de spectateurs en est un bel exemple.