Inclusion et exclusion au sein d’un groupe en formation

Mise en ligne: 20 décembre 2005

Les participants ont besoin de sentir un climat de confiance, d’adhérer aux objectifs de la formation et de maîtriser le fil conducteur, par Adélie Miguel Sierra

Une action éducative vise à rendre le public visé plus performant et plus autonome dans sa réflexion et son action. Pour atteindre ses objectifs une action éducative doit revêtir trois dimensions : le savoir, le savoir être et le savoir faire.

En ce qui concerne le savoir, on fait appel aux facultés cognitives pour agir sur les connaissances, l’objectif étant l’information, l’analyse.

En matière de savoir être, on fait appel aux facultés affectives pour agir sur les attitudes, l’objectif étant la sensibilisation.

En matière de savoir faire, on fait appel aux facultés comportementales pour agir sur les aptitudes, l’objectif étant l’action.

Le rôle du formateur est donc, avant tout, de faciliter l’apprentissage des personnes en formation, c’est pourquoi il est primordial de prendre en compte les conditions favorables d’apprentissage chez l’adulte [1] :

- On développe une réflexion à partir des questions que l’on se pose plutôt qu’à partir des questions que l’on vous pose.
- On comprend bien ce que l’on découvre ou se que l’on classe soi-même dans l’ensemble de ses connaissances préalables.
- On retient ce que l’on est capable de redire avec ses propres mots, avec son propre réseau d’images.
- On maîtrise ce que l’on pratique effectivement.
- On intègre une acquisition si on peut lui donner du sens et si elle donne du sens.
- On mobilise ses facultés d’apprentissage s’il y a un enjeu important.
- On a besoin de se sentir intégré dans un groupe et dans un climat de confiance.
- On adhère aux objectifs de la formation et on en maîtrise le fil conducteur.

Ainsi, selon Chalvin [2], pour résumer les principes d’une pédagogie spécifique pour adultes, quatre grands points se dégagent :

- Une définition rigoureuse du but qui permette que les heures de formation soient vécues avec une finalité perceptible.
- La responsabilité et l’engagement du stagiaire à toutes les étapes de sa propre formation.
- La transformation de la relation maître-élève en une relation formateur-participant.
- L’utilisation des énergies et expériences du groupe comme tel, et enfin le traitement des problèmes humains liés à la formation.

Réfléchir l’inclusion et la participation des personnes dans un processus de formations, c’est d’abord tenir compte de leurs caractéristiques, leurs besoins et attentes, leurs expériences et connaissances ainsi que de leurs craintes et potentielles résistances.

Afin d’intégrer ces différents éléments, le formateur privilégiera certaines options pédagogiques qui sous-tendent un projet de société. En effet favoriser la participation dans une action éducative, c’est vouloir transformer la relation pédagogique traditionnelle véhiculée, encore trop souvent, dans le système scolaire ou dans certains secteurs socioprofessionnels. La personne devient sujet de son propre apprentissage au lien d’être un objet passif. Le formateur aide à la formulation et structuration des « savoirs », au lieu de les posséder et de les transmettre. Le savoir se construit alors collectivement par la réflexion sur les expériences de chacun.

Le formateur va privilégier les méthodes actives qui suscitent la construction des apprentissages par le participant lui-même. Ces méthodes sont basées sur le principe que l’on retient mieux ce que l’on apprend en joignant le geste à la parole. Cette notion de pédagogie active est trop souvent réduite à l’utilisation de techniques et de jeux en tant que dynamique de groupe ou pour transmettre des contenus de manière plus ludique. Au delà de l’attrait que suscite ce type de méthodes, les activités doivent êtres perçues par les participants comme un moyen de résolution d’un problème : les solutions qu’ils construisent doivent leur permettre d’en améliorer la compréhension et d’augmenter leurs possibilités d’action dans leur environnement.

Les méthodes participatives quant à elles, inspirées par des pédagogues tels que Illitch, Freire ou Oury, vont soulever la question de la responsabilisation du stagiaire dans la construction de la formation. Les participants doivent pouvoir, à l’intérieur d’un cadre préétabli, pouvoir négocier l’aménagement de certaines « normes » comme une redéfinition du programme, les modalités d’évaluation, les horaires... Les participants y font l’apprentissage de l’esprit critique, des contraintes sociales, de la négociation, du changement. De plus, ils s’impliquent dans la cogestion de la formation en assumant certaines responsabilités, comme la gestion du temps, la synthèse quotidienne, le respect du cadre de travail, l’animation de certaines séquences.

Pour Zita Carvalho, formatrice au Cidac, ONG portugaise, dans les méthodologies actives, la participation du groupe n’est pas seulement « permise » ou vue comme un élément qui peut enrichir le processus d’ « enseignement » mais comme un élément central du processus d’ « apprentissage ». Il se produit à travers des exercices ou des techniques qui permettent aux personnes en formation d’exprimer leur ressenti et leur perception, de confronter leurs valeurs et d’analyser leurs pratiques.

La prise de conscience, par le formateur, de son propre rôle dans le processus est de première importance : il repose sur sa capacité à formuler des questions qui stimulent, orientent et organisent le processus de réflexion et de débat du groupe. Sa manière de communiquer verbalement et non-verbalement va déterminer fortement l’atmosphère de confiance au sein du groupe. Son attitude va encourager ou, au contraire, bloquer la spontanéité et la qualité des échanges. Il doit être attentif à valoriser les contributions des participants et à mettre en valeur les différentes interventions en les articulant à la thématique et aux objectifs de l’activité.

Réfléchir comment favoriser la participation dans un processus de formation, c’est aussi tenir compte des systèmes interrelationnels qui s’organisent dans un groupe. L’éducation à la paix, qui a pour spécificité la réflexion sur la gestion du conflit, propose certains éléments intéressants pour les éducateurs. Nous en épinglerons quelques-uns présentés par Paco Cascón Soriano, formateur et collaborateur du CIP (Centre de recherches pour la paix, à Madrid).

L’éducation à la gestion du conflit suppose l’analyse et la résolution des conflits interpersonnels et sociaux, voire internationaux, à partir de trois principes de base :

- Découvrir les éléments positifs du conflit comme une possibilité de transformer la société et les relations humaines vers plus de justice. Découvrir que le conflit est une opportunité éducative pour appendre à construire des formes relationnelles différentes en vue de faire valoir et faire respecter ses droits de manière non-violente.

- Apprendre à analyser les conflits et à découvrir leurs complexités en outillant les éducateurs d’instruments qui les aident à accompagner des groupes à affronter et à résoudre les conflits dans lesquels ils sont immergés quotidiennement.

- Chercher des solutions qui permettent d’affronter les conflits sans violence, sans détruire une des parties en présence, avec la force nécessaire pour trouver des solutions où chacun gagne et satisfasse ses besoins. Il s’agit de développer l’agressivité non-violente, l’affirmation de ses opinions et la prise en compte de sa sphère de pouvoir et de celle des autres.

Attitudes face au conflit

Paco Cascón observe qu’il y a cinq types d’attitudes possibles face au conflit : la compétition, l’accommodation, la fuite , la coopération, la négociation. Dans le cadre d’une formation, il est important d’identifier ces différentes attitudes au sein d’un groupe, et celle que le formateur favorise.

Les objectifs sont très importants dans la compétition (je gagne - tu perds) et dans la coopération (je gagne - tu gagnes), de même que dans le compromis (négociation). Par contre, la relation n’est pas très importante dans la compétition, au contraire que dans la coopération et le compromis.

Dans la fuite (je perds - tu perds) et dans la soumission (je perds -tu gagnes), les objectifs ne sont pas très importants.

Compétition
La motivation première est d’imposer ses propres objectifs au détriment de la relation avec les autres membres du groupe. En fonction des résistances en présence, on peut développer des attitudes qui visent l’élimination d’une personne à travers l’exclusion, la discrimination, l’expulsion ou le mépris.

Accommodation
Afin de se ne pas confronter ses opinions à d’autres points de vue qui risquent de provoquer des tensions ou malaise, nous nous retranchons derrière une attitude apparente d’empathie et de respect vis-à-vis des autres sans partager nos propres options. Nous laissons aux autres le leadership du rapport de force.

Fuite
Afin de ne pas provoquer des conflits, le groupe opte pour la politique de l’autruche : il ignore les rapports de force en faisant le pari qu’ils se résorberont d’eux-mêmes.

Coopération
Dans ce cas de figure, le processus d’apprentissage mutuel est aussi important que les objectifs à atteindre, c’est pourquoi une attention particulière est mise sur la cohérence entre la fin et les moyens (entre le discours et la pratique du groupe) .

Négociation
Arriver à une coopération pure est très difficile, c’est pourquoi le processus de négociation se centre sur les compromis acceptables par chaque partie en présence. Il s’agit pour chacun de déterminer ce qui est fondamental ou pas. Un compromis acceptable est celui qui intègre les éléments fondamentaux de chacun.

On constate, à travers ce modèle, que plus la relation et les objectifs sont considérés comme importants, plus l’apprentissage de la coopération est primordial. Il suppose le choix de propositions méthodologiques alternatives au modèle de transmission de savoir traditionnel, une redéfinition du rôle du formateur et celui des participants.

Malgré une stratégie pédagogique centrée sur la participation, différents facteurs peuvent amener à l’auto exclusion des personnes. Selon Zita Carvalho, les personnes en formation peuvent s’auto exclure si elles considèrent qu’elles n’ont pas de contenus pertinents à apporter au groupe ou, à l’inverse, lorsqu’elles considèrent que les thèmes abordés ne sont pas intéressants pour elles-mêmes ou pour l’ensemble du groupe (cela ne vaut pas la peine d’investir de l’énergie intellectuelle et émotionnelle dans ce débat puisqu’il n’apportera de bénéfices à personne !). L’auto-exclusion peut aussi être une forme de protection de facteurs considérés comme menaçants. Il est préférable de ne pas partager son point de vue dans un groupe composés par des individus qui entretiennent des relations hiérarchiques au sein de la formation ou à l’extérieur.

C’est pourquoi, la phase de préparation et de socialisation d’une offre de formation doit être soignée : le centre de formation doit clairement identifier le profil à qui est destiné la formation, présenter de manière explicite les objectifs généraux et pédagogiques de celle-ci, ainsi que les pré-requis ou critères d’inscription. En début de formation, les formateurs et participants, après discussion, voire négociation, établissent un contrat pédagogique qui fixe un accord de principe sur les objectifs, le fil conducteur de l’activité éducative, le programme ainsi que les conditions pédagogiques et organisationnelles de travail. Les différentes parties s’inscrivent dans une logique de co-responsabilité concernant le déroulement du processus et les résultats à atteindre.

Enfin, la mise en place d’un processus d’évaluation, à différentes étapes de la formation, facilite et formalise de manière structurée l’expression des malaises et des conflits en vue d’un réajustement éventuel du processus en cours, mais aussi facilite la systématisation des apprentissages par les participants eux-mêmes.

[1D. Noye, « Guide pratique du formateur », Insep, 1999, p. 66.

[2D. Chalvin, « Méthodes et outils pédagogiques », ESF, 1999, p. 26.