Le sexisme n’est pas limité aux fanatiques et aux hommes qui battent leurs femmes, par David Cain
J’aimerais vous dire ce que j’aurais voulu qu’on me dise pendant mes années ingrates où j’avançais tant bien que mal, entre mes 15 et 25 ans. Cette lettre entière peut sembler prétentieuse, venant d’une personne de 34 ans qui écrit avant tout sur la manière dont il commence à entrer dans la vie d’adulte. C’est peut-être le cas, et c’est à prendre ou à laisser.
Tout que je sais, c’est que quand je traversais cette période entre l’école primaire et l’âge adulte, j’aurais pu utiliser quelques conseils d’hommes suffisamment âgés pour en avoir fini avec cette phase, mais trop jeunes pour être mon père.
Mais je ne les ai pas eus ces conseils. Alors comme la majeure partie d’entre nous, j’ai puisé mes stratégies parmi les jeunes hommes aussi égarés que moi. J’espère donc pouvoir vous offrir un petit aperçu de ce que vous ne pourriez pas trouver parmi vos pairs en termes d’instructions sur la façon d’être un adulte mature et respectueux.
Vous devrez toujours choisir qui croire et qui ignorer, je veux juste offrir une voix différente de celles que vous entendez souvent. Une partie de ce qui suit s’applique particulièrement aux jeunes hommes hétérosexuels, parce que je le tire de ma propre expérience, mais je pense que les principes qu’il y a derrière sont assez universels.
Vous aurez constamment des gens qui vous diront, tant implicitement qu’explicitement, que vous devez être un homme. Ce que cela signifie, au XXIe siècle, je ne le sais pas. Cela a certainement une signification moins pertinente qu’auparavant, et c’est une bonne chose. Le machisme n’a jamais été une bonne chose pour nous les hommes, et cela ne fait clairement pas du monde un lieu plus éclairé.
Tout de même, si vous appartenez au sexe masculin, vous serez amenés, d’une façon ou d’une autre, à toucher à cette notion « d’être un homme », qui est de moins en moins pertinent.
Bien que nous les humains sommes heureusement en train d’arrêter de nous considérer comme deux sortes distinctes de créatures, il n’y a rien de mal avec le fait d’être un homme et ne laissez personne vous dire le contraire. Il n’y a rien de mal à faire des choses considérées traditionnellement comme viriles. N’en soyez pas gênés. Si vous voulez regarder le football le dimanche, pratiquer des arts martiaux, avoir une moustache en guidon ou acheter un pick-up, ne vous excusez pas. Non, il n’y a rien de mal avec la masculinité – à moins qu’elle ne soit utilisée comme un outil pour juger ou exclure les gens, qu’ils soient hommes, femmes, ou qu’ils ne se sentent identifiés avec aucun de ces deux genres.
Indépendamment du fait que la masculinité vous plaise ou non comme quelque chose pour incarner ou simplement admirer chez les autres, il faut comprendre qu’il s’agit purement d’une opinion et qu’elle n’a rien à voir avec la valeur personnelle.
Ne vous inquiétez pas de savoir comment votre expérience sexuelle (ou l’absence d’expérience) se présente. De l’âge 14 ans, les garçons pensent qu’ils doivent commencer à mentir à propos de leurs exploits sexuels pour survivre. La pression sur ces enfants est juste trop grande pour qu’ils puissent en parler franchement. Ignorez ce que les gens racontent à propos de leur vie sexuelle. Ils mentent tous, au moins un petit peu. Les préadolescents qui ont ce genre d’expériences ne s’y prennent sûrement pas si bien, et ils ne sont probablement pas le genre de personnes à la place desquelles vous voudriez vous trouver dans dix ans.
Oubliez le mot « vierge » comme étant une définition tant pour vous-même que pour les autres. C’est un mot archaïque, non pertinent, qui a été utilisé pour stigmatiser et humilier les gens. Il vend de façon excessive le premier acte sexuel d’une personne comme s’il s’agissait d’une expérience fondamentale, transformatrice, qui renforce supposément l’identité d’un jeune homme et gâte une jeune femme. C’est un mot désuet, religieux, qui implique un jugement. Laissons-le derrière nous.
Ne pas arriver à « rentrer dans le moule » à l’école est une bonne chose. Cela signifie qu’il y a un certain élément d’individualité en vous qui ne sera pas écrasé. Dieu vous aidera si votre estime baisse au collège ou au lycée. Personne ne sait qui il est à cet âge de toute façon. Les gens commencent à se forger une idée de ce qu’ils veulent être et de ce qui est important pour eux dans leur vingtaine ou début de leur trentaine. Essayez juste de ne pas causer trop de dégâts en attendant. Survivez simplement à ces années ingrates. Obtenez de bons résultats et faites-vous des amis, mais ne vous préoccupez pas d’être cool. Arriver à être cool au lycée, c’est comme être « anobli » par Ronald McDonald.
Tous les jeunes hommes passeront par « la communauté de la séduction » à un certain moment. Prenez garde. Tandis qu’il y a certains conseils de séduction et de progrès personnels qui peuvent y être trouvés, une grande partie des conversations sont absolument criblées de misogynie. Ce n’est pas toujours manifeste, mais c’est toujours là. Si vous commencez à vous référer aux femmes comme « des cibles », vous avez franchi la ligne il y a longtemps. Pensez aux femmes comme étant des personnes comme vous, plutôt qu’appartenant à une autre espèce. Vous n’apprenez pas à vous approcher des femmes, vous apprenez à parler aux gens. Ces forums sont remplis de jeunes hommes qui n’ont jamais appris à parler aux autres. Quand vous aurez 30 ans, revenez et lisez-les. Vous les trouverez sans doute pathétiques.
S’il y a un vrai secret à la séduction, le voici : construisez toujours une vie qui vous attire, qui vous représente aussi honnêtement et franchement que possible, et parlez avec plein de monde. C’est tout. Les rapports arriveront. Si vous n’êtes pas bon, donnez-vous tout le temps possible et nécessaire. Vous avez tout le temps du monde.
A propos des « putes », il n’y en n’a pas. Personne n’est une pute. Le nombre de partenaires sexuels que quelqu’un ait eu ou que les autres le prétendent, a) n’est l’affaire de personne et b) n’indique en soi absolument rien à propos du caractère de cette personne. Si vous voulez savoir comment est une personne, parlez avec elle. Si vous croyez en la liberté personnelle, vous ne pouvez pas croire en l’existence de putes.
Au cours de votre vie, vous allez rencontrer des attitudes sexistes, même parmi les personnes qui vous sont les plus chères. Plusieurs d’entre elles viendront de ce que vous êtes supposés faire, penser ou dire pour être un homme. Et, à moins que vous ne prêtiez pas attention à cela, vous découvrirez sûrement certaines de ces attitudes en vous. Le sexisme n’est pas limité aux fanatiques et aux hommes qui battent leurs femmes. C’est trop commun, trop normal pour cela. C’est souvent subtil, involontaire, même bien intentionné.
Vous avez une responsabilité ici, que vous le vouliez ou non. Certaines attentes très normatives qui seront placées sur vous en tant que « mâle » - pour vous distinguer de la féminité, pour être dur et impassible, pour rire à certaines plaisanteries, pour utiliser des mots comme « pute » sans ironie, pour rabaisser des femmes ambitieuses ou non traditionnelles, pour dominer et émasculer d’autres hommes – rendront même les parties les plus éclairées de ce monde moins hospitalières pour des femmes que pour vous. Apprenez à reconnaître et briser ces attentes. Ne soyez pas une autre boule de billard morte, transmettant cette énergie négative à vos pairs et finalement à vos fils. Nous avons besoin de nouvelles normes et leur création demande l’aide de jeunes hommes qui réfléchissent et transgressent les normes. C’est vous ! Le problème du sexisme n’est pas réservé aux femmes. C’est une question de liberté personnelle pour tout le monde concernant le sexe.
Beaucoup de vos copains (et même de vos héros) ne vont pas vous aider dans ce domaine. La plupart d’entre eux se sentiront gênés d’en parler, parce qu’ils ont également peur de dire quelque chose qui les disqualifiera dans leur virilité, se basant sur leur stratégie courante.
Si vous croyez que vous devriez avoir la liberté de poursuivre le bonheur, il est raisonnable de croire en cette liberté pour tout le monde, et cela passe par faire du sexisme également votre problème, même si vous ne l’avez jamais considéré comme tel. À la base de tout cela se trouve notre capacité persistante pour la violence - la malheureuse réalité biologique que même un homme sans grande particularité physique peut facilement assommer une femme moyenne, s’il pense que cela va l’aider plus qu’il ne va lui faire du mal.
Ainsi, depuis la nuit des temps, quand il y a eu un désaccord entre un homme et une femme, tous deux savaient dès le départ - peu importe quelle ait été la discussion et les arguments avancés des deux côtés - lequel devait finalement céder à l’autre. Contrairement à la femme, l’homme pouvait s’attendre à arriver à ses fins sans avoir d’argument intelligent, sans considérer les besoins des autres et sans avoir aucune raison valable pour justifier ses actions.
Cette attente - que la domination sur les autres est une voie viable et noble vers le bonheur – reste dans notre façon de parler, dans la manière que nous avons de définir la virilité, dans les attentes que les hommes placent les uns sur les autres. Ceci est particulièrement présent à l’âge du lycée ou du collège, parce que les jeunes ne se sentent pas encore à cet âge comme étant des hommes et ils pensent qu’ils sont supposés l’être. Les forces de civilisation et d’éducation discréditent très lentement cette approche archaïque et obscurantiste de la vie, démantelant le déséquilibre du pouvoir qui s’est créé autour.
Pour en arriver là, les jeunes hommes doivent comprendre le plus vite possible au cours de leur vie que les hommes sont longtemps parvenus à leurs fins pour de mauvaises raisons. Cet avantage vient, bien sûr, à l’encontre des êtres humains et nous devons apprendre à en être conscients et à l’éliminer partout où nous le voyons.
Est-ce de votre faute ? Non. Mais que vous le vouliez ou non, vous avez hérité de la responsabilité de créer une nouvelle réponse à la très vieille question de ce que veut dire être un homme. Les vieilles réponses ne sont plus bonnes.
Ce texte fut publié par The Independent et a été traduit de l’anglais de Daniel de la Fuente.