Émancipation, liberté et responsabilité, c’est la devise de la 13e Biennale d’art contemporain africain de Dakar, par Tito Dupret
D’abord des chiffres. Le IN de la 13e Biennale d’art contemporain africain de Dakar, organisée chaque année paire depuis 1990, dépend « à hauteur de 75% de l’État sénégalais », avec une participation qui a doublé, telle qu’annoncée en 2016 : un demi-milliard de francs CFA. Soit 760 mille euros pour accueillir 75 artistes en provenance de 33 pays du monde. La biennale a lieu dans l’ancien Palais de justice où sera édifié un Palais des arts.
Le OFF, totalement indépendant, annonce de son côté 320 sites d’exposition présentant mille artistes dans tout le pays. 260 vernissages sont prévus, dont 60 en un seul après-midi. « Les chiffres nous dépassent et nous embrouillent. Plus de commentaires. Le OFF est là, il existe, il s’impose », se réjouit son président Mauro Petroni, artiste céramiste d’origine italienne, au Sénégal depuis 27 ans.
Ensuite des contenus. Après la biennale de 2016 nommée « La Cité dans le jour bleu » selon un poème de Senghor, le titre cette année est « L’Heure rouge », extrait de la pièce « Et les chiens se taisaient » de Césaire, autre père de la négritude. Il y est question d’émancipation, de liberté et de responsabilité.
« Couleur magique. (…) Rouge sang. Rouge. Rouge de trouble. Rouge de colère. Rouge feu. Rouge du soleil couchant. Rouge, comme un dieu protéiforme », Simon Njami, directeur artistique de l’événement pour la deuxième fois, explicite sa démarche dans Rencontres et échanges, un document qui accompagne un très incomplet dossier de presse : « C’est l’instant où, sans que l’on n’y prenne garde, ce qui avait mûri, dans l’athanor alchimique, se métamorphose en une forme de perfection. Perfection ne serait pas tout à fait le mot juste ici. Parlons d’épiphanie, ou d’événement, voire d’accomplissement ».
Par ailleurs, « pour donner une dimension festive et populaire à la manifestation, et favoriser son appropriation par les populations, notamment les enfants, les jeunes et les femmes, il sera installé dans chaque commune de Dakar une « Barak », dans laquelle les résidents seront invités à montrer ce qu’ils définiront eux-mêmes comme étant de l’art ».
Enfin des espoirs. L’exposition internationale est intitulée « Une nouvelle humanité ». Le message de la biennale est clair : partant des arts, elle invite tout le continent, dans tous les domaines, à se prendre en main. Tel un artiste majeur, l’Afrique doit chercher, chorégraphier, composer, coopérer, créer, dessiner, développer, écrire, étudier, expérimenter, filmer, imprimer, inventer, peindre, programmer, photographier, sculpter dans toutes les matières avec tous les matériaux pour se réinventer.
C’est ainsi que l’exprime Viyé Diba, commissaire du pavillon Sénégal : « Notre époque est post-négritude puisque la civilisation de l’universel est déjà là. Les tenants de la négritude ont rempli leur part de mission. C’est à nous d’inventer un monde meilleur pour tous. C’est pourquoi, il est plutôt question de repenser les choses, pas uniquement pour l’Afrique, même si elle garde sa particularité dans ce jeu, mais pour le monde entier. Nous autres, Africains, sommes plus qu’adultes pour penser pour nous-mêmes ».
Ainsi, Dak’art adresse aujourd’hui son message à tous les peuples de tous les continents. Émancipation, liberté, responsabilité. Plus qu’une invitation, c’est une urgence.